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    Livre - L'ascension du Bélier Gilnéen

    Tristan Van Hellsing
    Tristan Van Hellsing


    Messages : 42
    Date d'inscription : 12/01/2012

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    Message  Tristan Van Hellsing Lun 16 Jan - 10:51

    Livre - L’ascension du Bélier Gilnéen



    Introduction

    Ce livre fait en deux parties conte l'histoire de Tristan Van Hellsing, à travers des bribes de vie suivies. La première partie fait état du passé, de sa jeunesse à sa vingt-quatrième année où la guerre contre le culte de l'Aiguille Noire commença. La seconde partie, reprend huit ans plus tard, et près d'un an après le grand cataclysme, lors de son arrivée au sein des veilleurs de Sombre-Comté, et l'affrontement contre le culte. Les huit années manquantes, de sa première guerre contre le culte, jusqu'à la fin de la guerre de Gilneas, feront sans doute l’écrit d'un futur ouvrage. Merci et bonne lecture.


    Livre - Partie I


    Acte I - Le fardeau de l'héritier


    Jadis, à la caserne de Gilneas, Lordaeron.

    Le soleil tapait fort ce jour-là, un soleil lourd, agressif, surtout pour le jeune garçon. Il n'avait qu'à peine dix ans, un enfant brun avec les cheveux mi-long lui tombant sur le visage, souriant et courant autour du fort, devancé par une jeune fille blonde aux yeux d'un doux bleu couleur de la mer.

    Celle-ci s'efforçait de ne pas se faire attraper par le jeune garçon, sa robe jaune flamboyante voletant à chacun de ses pas de course. Un destrier arriva près du fort, l'homme le montant était vêtu d'une lourde armure de plaque, des épaulières imposantes et un heaume massif, ceux des soldats de la ville, fiers et robustes. L'homme descendit de son cheval, grand, très grand à vrai dire, la main à la garde de son épée, il observait le garçon courir avec une rapidité affolante, finissant par attraper la fillette et la chatouillant, les deux tombant sur le sol de pierre dans le jeu, jusqu'à arracher un cri amusé à la petite. Le soldat s'approcha et siffla avec force, le garçon leva immédiatement la tête, reconnaissant son père et courut dans sa direction, délaissant la fille qui levait la tête de même, s’asseyant au sol jambes croisées.

    Le petit se jeta dans les bras de son père qui le souleva avec une facilité étonnante, l'observant avec un regard aimant et fier, alors que le garçon lui retirait son heaume qui semblait peser son poids. Le robuste soldat avait une longue crinière brune, grisâtre par endroits, témoignant de son âge, une barbe bien entretenue et une moustache charismatique.

    - Bonjour mon fils.

    - Bonjour p'pa ! T'es tout beau !

    Le garçon regarda le visage de son père et enlaça, alors que celui-ci esquissait un sourire, le visage plein d'émotion, lui rendant l'étreinte. Lui qui n'avait pas vu son héritier depuis longtemps, perdu dans les contrées nordiques à guerroyer contre les créatures du malin.

    - Et toi mon garçon tu es rayonnant.

    Le père embrassa le fils et l'emmena avec lui au sein de la caserne, le portant sous son large bras, saluant les soldats au passage qui défaisaient leurs armures pour certains, s'entrainaient pour d'autres et entretenaient leurs lames pour d'autres encore, le petit observa la cour poussiéreuse et carrée au possible de la caserne avec un regard fasciné, il avait souvent rêvé d'être un soldat comme son père, devenir aussi grand, fort et respecté. L'homme entra dans la salle d'armes et prit place sur une chaise, son fils sur les genoux.

    - Alors mon garçon, qu'as-tu fais de beau pendant mon absence ? Tu as aidé ta mère rassure moi ?

    - Oui p'pa, je l'ai aidée à faire à manger et entretenir la ferme, je me suis occupé de James et je me suis exercé au dessin au charbon regarde !

    L'enfant sortit hâtivement de sa poche une feuille pliée en quatre et l'ouvrit, montrant fier de lui le dessin représentant la caserne, vu du haut de la colline avoisinante près de la forêt.

    - Oh... dit le père en observant le dessin, les yeux illuminés. C'est très beau, très bien fait fiston, je suis fier de toi. Tu seras un artiste plus tard, tu crois que tu auras le temps de venir voir ton vieux père quand tu seras riche et célèbre ?

    Il sourit à son fils, qui répliqua d'un rire franc.

    - Bah oui, mais je serais pas artiste, je veux être soldat ! Comme toi !

    - Soldat ? Allons, tu seras mieux artiste, avec une jolie maison au quartier noble, tu iras à travers Lordaeron et immortaliseras les paysages les plus impressionnants et en imagineras de plus beaux encore.

    - Je pourrais dessiner aussi... mais c'est soldat que je veux être, je veux me battre et défendre la ville comme tu fais contre les méchants ! D'ailleurs, tu es parti très longtemps, tu nous as manqué.

    L'homme posa la main sur la joue de son fils et la lui caressa en l'observant dans les yeux.

    - Oui, je sais. Il soupira, puis reprit. Mais je me battais pour vous protéger, la famille Tristan, le lien qui nous unit et l'amour que l'on se porte est le bouclier qui protège notre famille, et je prie pour que ce lien reste le plus fort. N'oublie pas que où que tu ailles ou quoi que tu fasses, seule ta famille t'épaulera et t'aimera mon fils, où que tu sois... Maintenant et à jamais.

    L'enfant acquiesça et prit son père dans ses bras, heureux de le revoir.

    Le souvenir se poursuivit, il était plus grand d'un an à peine, mais déjà les blessures de la vie l'avaient atteint, il était penché au-dessus de la tombe de son père qu'il embrassa, sa mère à coté de lui, jeune et belle, brunette aux yeux clairs et aux pommettes généreuses, pleurait à chaudes larmes, la douleur semblait l'anéantir un peu plus à chaque seconde, quand au petit, il ne pleurait pas. Il observait la tombe de son père où était gravé en lettres d'or "Maintenant et à Jamais.".

    Ces trois mots résonnaient dans son esprit alors qu'il sortait de ses pensées, assis contre un arbre de l'étang d'Olivia, presque nu, le caleçon à moitié brûlé et déchiré, une femme allongée à ses cotés endormie profondément. Il la regarda un instant, sa chevelure tout aussi cendre dépassant de sous la cape du jeune homme qui l'entourait, une conquête de plus...
    Le chasseur resta assis, là, une plaque d'identité militaire dans les mains, d'un argent un brin usé par le temps, qu'il fixait. La plaque d'argent massif ternie, lourde pour un objet de cette taille, avait au devant le blason de Gilneas gravé avec talent, par-dessus lequel fut gravé de haut en bas : "Hector Van Hellsing; Chevalier-Lieutenant; Cavalerie de Gilneas." Après quelques instants, il la retourna, derrière les quatre mots étaient gravés à la main, la sienne, il y a longtemps, avec le talent moindre d'un jeune garçon.


    Maintenant et à Jamais



    Il observa la plaque avec un regard triste, la perte de son père ne l'avait jamais quitté, depuis toutes ces années, parfois il laissait couler une larme a son attention, témoignage de cet amour infini pour son modèle qui laissa une blessure qui ne cicatrisera jamais. Il avait aimé son père avec une telle force et une telle admiration que son visage était demeuré très net dans son esprit, quant à sa mère, elle avait succombé au chagrin, l'abandonnant à une vie de solitude et de peine avec son jeune frère. Les années avaient passées, il avait rencontré tant de femmes, en avait aimé une ou deux, mais en dépit des conquêtes jamais il n'avait cessé de se sentir seul...

    Seul, il n'avait confiance qu'en lui-même et ne comptait que sur lui-même, James avait sa confiance, Saphira aussi. Mais c'était plus compliqué. Car personne n'aurait jamais autant de valeur à ses yeux se disait-il, aucun autre que celui qui l'a élevé, qui l'a nourri, qui a veillé sur lui et a fait de lui un homme bien, un homme droit. C'est alors qu'il se demandait, s'il avait été aussi noble que son père l'aurait voulu. La ville, les femmes, les conflits, il était dans la brigade depuis une semaine à peine et déjà, il avait eu conflit avec ses supérieurs. Il se disait que certaines choses ne s'accordaient pas avec lui-même, et il repensa à la raison pour laquelle il s'était engagé. Son père, oui, bien sûr, cela ne pouvait être que ça.

    Un dernier regard à la plaque, il la posa contre ses lèvres pour l'embrasser, puis sur son front et resta ainsi, les yeux fermés. Il prendra sur lui, il le faut, pour la mémoire de son père, pour son devoir. "Où que tu sois" se remémorait-il, "la famille", lever le bouclier et protéger ses croyances et ses valeurs, ne jamais flancher, toujours évoluer en s'accrochant à ses points forts, son père sera fier de lui.

    "Bonne nuit père, puisses-tu me donner la force de rester humble et droit, en dépit des obstacles et faire en sorte que ce sourire qui te ressemble tant, demeure ainsi jusqu'au dernier soupir de mon cœur sur ce monde". Dans ces derniers mots il vint contre la jeune femme et passa un bras autour d'elle, celle-ci se retourna dans son sommeil et se blottit contre lui. Il la reverra probablement, au moins une fois, comme les autres, mais trouvera-t-il un jour une femme capable de gagner son cœur ? Peut-être, qui sait. En attendant, il est, et il restera, authentique, son fusil dans l'herbe, près de lui.
    Tristan Van Hellsing
    Tristan Van Hellsing


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    Livre - L'ascension du Bélier Gilnéen  Empty Re: Livre - L'ascension du Bélier Gilnéen

    Message  Tristan Van Hellsing Lun 16 Jan - 10:51

    Acte II - L'aube de la destinée


    Éblouissant, majestueux...

    Le soleil était au zénith en cette heure, haut dans le ciel et accablant les mortels de sa splendeur. Dans les contrées de Gilneas, la vie vaquait à ses occupations et les pensées se mêlaient dans l'écho de l'existence, certains rêvaient de gloire, d'autres n'avaient d'espoir que d'achever cette journée de dur labeur alors que d'autres encore espéraient pouvoir assouvir leurs désirs secrets. Près d'un lac à l'ombre d'un arbre environnant un modeste petit village, il y avait un homme qui n'avait plus rien à espérer, attendu par deux autres plus loin, qui eux, étaient rongés par l'espoir de remplir leurs ventres affamés et plaintifs.

    - Quelle odeur infecte, mais qu'est-ce qu'il fiche ?

    L'un d'eux justement, commençait à perdre patience. Il était grand, près d'un mètre quatre-vingt-seize, bien bâti et robuste, comme tout écuyer de sa condition. Sa chevelure cendre longue et mal entretenue tombait sur son visage humide de sueur et de fatigue, ses yeux d'un marron sombre ajoutaient à son air ténébreux et donnaient à son regard plus de prestance qu'il n'en avait, tout comme sa mâchoire bien construite. Il était également vêtu d'une tunique grise miteuse et d'un pantalon marron foncé comme rongé par les termites, quant à ses chaussures de cuir, ou ce qui ressemble à du cuir mâchouillé par un quelconque rongeur, le jeune homme d'environ dix-sept années pouvait au moins se féliciter de ne pas être pieds nus.

    - J'en sais rien, tu crois qu'on devrait l'aider ?

    Le second était plus petit de près d'une tête et visiblement plus âgé de quelques années, ses rondeurs très présentes contrairement à son camarade. Ses cheveux de même couleur étaient eux courts et son visage poilu cachait ses yeux bruns. Il portait cependant les mêmes vêtements à ceci près que ses chaussures semblaient un peu moins mâchouillées, à bonne mesure.

    - Vas-y toi. Reprit ce dernier. Je te regarde faire.

    - Eh, c'est moi qui ai encastré ce vieux bougre dans son armure, alors c'est ton tour.

    Grommelant, le plus âgé s'exécuta et s'approcha prudemment de l'homme en armure de plaque, assis dans un fossé dans une position qui laissait imaginer qu'il vaquait à ses besoins naturels, si ce n'est qu'il s'y était affaissé de fatigue à tout croire. Amenant sa main sur le bas de son visage pour préserver ses pauvres narines de l'odeur nauséabonde, il prit son courage à deux mains, ou plutôt une, et vint prendre le pouls de l'homme en question qui se révélait immobile.

    - Ça va bientôt être à lui !

    Un troisième arrivait en courant dans leur dos, solidaire à ses camarades de la même tenue pittoresque, il semblait tout aussi jeune que le premier, portant une courte crinière rousse et des tâches de rousseur. Ses yeux verts apportaient plus de clarté encore que sa chevelure, clarté accablée par les dits yeux semblant loucher.

    - Il est mort. Répondit le plus âgé.

    Les trois compères s'observèrent à tour de rôle dans un instant de lourd blanc, abasourdis et pris de court par ce qu'ils venaient de réaliser. Le jeune roux finit par s'exprimer d'un ton exaspéré tout en crispant les doigts à la manière d'un fou libéré trop tôt.

    - Com... comment ca mort?!

    - Mort, claqué, crevé, décédé. La noblesse de son âme s'est éteinte dans sa chiasse, son esprit s'en est allé vers l'au-delà mais sa puanteur demeure, ca répond à ta question?

    - Non... tu plaisantes Jeffrey... je... je-n'ai-rien-mangé DEPUIS DEUX JOURS !

    - Tu n'es pas le seul Will !

    - C'est pas vrai... Rétorqua le châtain, soupirant.

    - Réveille-le, réveille-le!

    Will accourut vers le défunt, rouge de colère alors que Jeffrey s'écartait et s'extirpait du fossé en s'aidant des mains, trébuchant au passage.

    - Sale enflure, sac à bouse ! Deux jours que je n'ai pas mangé, deux jours !

    Saisissant le bras mollement relâché du cadavre pour le tirer, Will finit par s'acharner de coups de pied dans la plaque, désespéré par l'absence de réaction. Les deux autres observèrent la scène côte-à-côte avec lassitude et se retournèrent à l'écoute des bruits de sabots arrivant à grande allure. Le destrier s'arrêta face à eux, monté par ce qui semblait un crieur habillé de ces traditionnelles tuniques vertes bon marché, ayant le mérite d'être propre. Les yeux sévères du petit et frêle homme inspectèrent tour à tour les deux hommes avant de s'exprimer d'une voix forte et hautaine.

    - Le seigneur Hector est demandé dans l'arène ! Son combat contre le seigneur Gorsh est annoncé ! Votre seigneur est-il prêt?

    Il se pencha de côté en entendant les insultes criées du pauvre Will qui continuait à s'acharner sur le chevalier étrangement assis ne réagissant pas plus, suivi du regard par les deux compères ne sachant plus où se mettre, "Fils de truie ! Enfoiré ! Tas de crasse dégarni !". Jeffrey inspira avant de répondre avec résignation.

    - Eh bien il se trouve que...

    - Il ajuste son armure, coupa le second en lui glissant un coup de coude, croisant ensuite les bras. Il arrive dans une minute.

    Le crieur lui jeta un regard dur, ne cachant pas sa méfiance et acquiesça finalement, donnant un coup de talon à sa monture avec un "Yaah!" quelque peu ridicule, le destrier s'exécuta et repartit dans la direction opposée rapidement.

    - Bravo, que fait-on maintenant ? On lui met son épée dans les mains et on espère qu'elles bougeront miraculeusement toutes seules?

    - Je vais me battre à sa place.

    Tournant les talons, ce dernier alla rejoindre Will qui offrait toujours coups et insultes à son homologue peu loquace, "Fils d'unijambiste ! Traine-catin ! Gueule de morue !".

    - Ça suffit ! Aide moi à lui ôter son armure.

    - Quel est ton nom ? Reprit Jeffrey, observant ses camarades retirer l'armure du défunt hâtivement. Répond moi Tristan fils de couvreur.

    Celui-ci lui jeta un coup d'oeil sans répondre et revêtit le plastron, aidé de Will le lui attachant dans le dos.

    - Ce n'est ni Chevalier, ni Duc, ni Comte, ni Roi Tristan, tu es tout simplement Tristan.

    - Je le sais Jeffrey. Mais que préfères-tu, m'aider ou attendre de mourir de faim ?

    - Si nous sommes découverts ça risque de nous coûter horriblement cher !

    - Eh bien espère que cela n'arrive pas.

    Ce dernier sourit, fixant les jambières, finalement rejoint par Jeffrey grommelant qui ramassa l'épée laissée sur l'herbe fraîche au-dessus du fossé.
    Tristan Van Hellsing
    Tristan Van Hellsing


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    Livre - L'ascension du Bélier Gilnéen  Empty Re: Livre - L'ascension du Bélier Gilnéen

    Message  Tristan Van Hellsing Lun 16 Jan - 10:51

    Acte III - Naissance d'un soldat

    Il y a longtemps, sur les hauteurs d'une colline de Lordaeron, au début de la seconde guerre contre la horde.

    Une brise soufflait doucement, le soleil était caché par d'épais nuages colériques, une pluie abondante s'abattait sur les terres repeintes de sang, couvrant le bruit de la maille et de la plaque des soldats se déplaçant dans le camp.

    Des tentes étaient installées grossièrement, quelques feux illuminaient ces dernières depuis l'intérieur, il faisait jour et pourtant, l'on se serait cru aux heures les plus moroses de la nuit. Tristan était assis sur un rocher, sa maille de moyenne facture alourdie par la pluie, sa ceinture de cuir humide pendant à moitié cassée sur le côté, ses haches faisant poids sur elle. Dépourvu de cape, son fusil lourd terni si précieux pour lui était accroché sur son dos, les sacoches de balles presque vides, ainsi qu'un cor abimé sous le fusil. Il semblait tout jeune encore, on lui aurait donné vingt-deux ans à peine, mais déjà une lassitude se laissait voir dans son attitude.
    Il avait glissé légèrement sur la roche, grommelant, fixant un cigare entre ses lèvres, d'un geste il avait gratté l'allumette sur la lanière de cuir attachée à son gantelet droit, et tirait une première bouffée en soupirant. Savourant cette douceur à son inspiration, il ouvrait enfin les yeux, observant devant lui la forêt se dressant de manière menaçante. Les cheveux collés sur son visage laissaient à peine entrevoir ses yeux sombres, le regard froid, la peau de la joue arrachée, laissant la chair à vif, du sang sur toute la face du visage, et un peu partout sur l'armure. Bien qu'il le cachait, la douleur et le froid le faisait légèrement trembler, ses mains plus que le reste. Deux hommes étaient passés à ce moment devant lui et lui avaient jeté un coup d'œil, le menton relevé, deux pecnots qui se pensaient redoutables parce qu'ils avaient survécu a une simple bataille s'était-il dit.

    Un homme plus grand que les autres s'était alors approché de lui, une armure dorée et scintillante d'officier sur le dos, des insignes accrochés fièrement, une large claymore dans le dos. L'homme aux cheveux blancs et à l'épaisse moustache l'avait abordé avec des airs de roi nouvellement couronné, l'observant avec dédain.

    - Allez soldat, debout ! Nous avons encore fort à faire avant l'arrivée des troupes d'orcs ! Jetez moi cette chose à vos lèvres et allez nous chercher du bois, il nous faut faire cuire le sanglier, sinon comment reprendre des forces ?! ON SE BOUGE !

    L'homme tourna les talons aussitôt, la démarche hautaine et supérieure. Tristan dans son grand dédain lui avait jeté un coup d'œil, la récente bataille et la douleur de ses côtes et sa joue brûlante entamant vite sa patience.

    - Sale enfoiré...

    - Pardon ?! avait rétorqué le capitaine en se retournant vers lui, fronçant les sourcils.

    - J'ai dit j'ai bien envie d'un verre de lait...

    - C'est cela oui, faites attention, je vous tiens à l'œil soldat Hellsing ! Vous êtes peut-être du cinquième régiment et vous croyez tout permis, mais je suis officier moi ! Je vous règle votre compte en deux temps trois mouvements, c'est clair !?

    - Ouais ouais... répondit le jeune homme, sans cacher son manque évident d'écoute et de conviction.

    - ON DIT OUI CAPITAINE !

    - OUI CAPITAINE !

    - Bien, je préfère.

    L'homme reprit alors sa route, tandis que le jeune guerrier avait craché sur le sol derrière lui en l'observant avec mépris, lui qui n'avait jamais pu encadrer ce sale hypocrite. Ces officiers, ils ne valaient pas mieux que les nobles et les bureaucrates songeait-il souvent. Mais il fallait bien dire qu'aussi crétin soit-il, ce type était maître dans l'art de manier une claymore comme peu d'autres, et ce n'est pas une jeune recrue qui serait allée le provoquer, l'entrainement où il avait il y a peu goûté au manche de la dite claymore en pleine mâchoire avait suffi à calmer ses ardeurs.

    Il traina un peu des pieds, restant énergique, allant vers la forêt et s'y enfonça, passant sur le chemin devant des soldats qui jouaient aux cartes, assis sur un tronc coupé, un jeu bien répandu à l'époque, il n'y avait rien de mieux pour passer le temps. Il avait jeté un œil aux alentours, et à dire vrai l'on y voyait pas grand chose. Les arbres étaient massifs et collés les uns aux autres, les branches s'entremêlant cachant le peu de lumière qu'il décelait, un silence qui lui était peu rassurant si ce n'est les grillons qui se faisaient entendre dans toutes les directions. Il avait cherché du bois mort, passant devant des buissons piétinés, des traces de pas vieilles de plusieurs jours se croisant, une odeur de cadavres émanant encore après la veille. Quelques mètres plus tard il avait fini par trouver ce qu'il cherchait, ramassant de lourdes branches tristement allongées sur le sol. Soudain, il se fixa net, persuadé d'avoir entendu un craquement... "C'est tout près" s'était-il dit, et en effet, il avait commencé a sentir une présence de plus en plus pesante.

    Il avait rapidement détaché son fusil, le chargeant d'un mouvement du levier de l'arme et l'avait levé devant lui, prêt à tirer. Quelques craquements s'étaient fait entendre à nouveau, et à présent il était sûr de lui, son regard dans l'axe de la flèche imperturbable, attendait...
    En moins de deux secondes une multitude d'orcs sortirent de fourrés et hurlèrent de rage en lui fonçant dessus, la plupart de solides grunts entrainés à la guerre, portant des armures rouge sang et de puissantes haches à deux mains. D'un geste de réflexe il avait subitement tiré sur celui étant le plus proche, la flèche venant le transpercer entre les deux yeux avant qu'il n'ait eu le temps de lancer son cri de guerre. Alors que le jeune guerrier tentait de recharger l'arme détenant l'une des quelques balles lui restant, un grunt était arrivé sur le côté et avait tenté de le plaquer. D'un mouvement chanceux il avait pris le coup à l'épaule et s'était projeté sur le côté, lâchant son fusil sous l'impact. Paniqué, il s'était levé d'un bond avec autant de sang froid qu''il pouvait et partit dans l'autre sens, saisissant au passage son cor et soufflant dedans à pleins poumons.

    Dans le camp plus loin des voix rauques s’élevèrent soudainement avec colère, des bruits de métal s'entrechoquant vite sonores, alors qu'une quinzaine d'orcs dans son dos le poursuivaient, deux plus rapides que les autres, il réalisa alors qu'il n'arriverait jamais à temps.
    Dans un élan de courage il dégaina ses haches et s’appuya sur le premier arbre passant dans sa course, se projetant en arrière en salto de côté, agilement et vint asséner un coup de pied destructeur à l'orc qui avait levé sa hache dans l'intention de l'abattre sur lui, le frappant de dos. L'autre arrivait déjà sur lui, et le jeune Tristan s'était tourné sur lui-même pour éviter de peu la hache qui vint lui couper quelques mèches de cheveux, lui passant à ras au-dessus. Tout s'était enchaîné rapidement, dans le feu de l'action il n'avait pas droit à la réflexion perturbée de toute manière par les hurlements. Il frappa ainsi à l'instinct, plantant sa lame sous le menton de l'ennemi et lui transperça le crâne sur la longueur qu'il arrachait violemment, et au même moment l'autre orc désarmé s'était levé et l'avait attrapé dans le dos sauvagement pour le plaquer à terre comme un sac de riz. Ce coup-ci cela s’annonçait plus que juste, écrasé au sol il tenta vainement de trouver une ouverture alors que l'orc lui collait un coup de poing verdâtre en plein visage, lui faisant cracher une volée de sang, et lui faisant apercevoir brièvement le cadavre de l'autre orc dans le mouvement, la hache toujours embrochée dans sa civière. Le coup porté à la blessure de sa joue déjà vive, la douleur lui donna le tournis. Hargneux, il s’efforça de réfléchir "Il faut que je réagisse, se dit-il, un poisson avec de la soupe au potiron, j'ai faim... qu'est ce que je raconte ? A ce moment-là une giclée de sang vient l'éclabousser, tandis que sa réflexion incohérente se poursuivait, "Attends... c'est pas le mien".

    Il reprit finalement ses esprits, réalisant qu'il avait une épaisse lame devant le visage, ou plutôt large claymore rouge de sang.

    - Allons bon garçon, debout ! C'est pas le moment de relâcher !

    Il se releva avec un vertige qui le calmait un instant, attrapant sa dernière hache avant de realiser ce qu'il se passait autour de lui. Le capitaine lui chargeait déjà, les autres soldats aux prises avec les orcs en furie. C'est parti pour le jeune "bleu", dans un hurlement guerroyant et déterminé, il s'élança contre l'ennemi, se disant que ce soir ils allaient dépecer de la peau verte.
    Tristan Van Hellsing
    Tristan Van Hellsing


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    Livre - L'ascension du Bélier Gilnéen  Empty Re: Livre - L'ascension du Bélier Gilnéen

    Message  Tristan Van Hellsing Lun 16 Jan - 10:52

    Acte IV - L'horreur au-delà des frontières

    Il y a des années, sur la crête des raptors, dans les hauteurs des Paluns.

    L'aurore s'approchait alors que la nuit noire persistait, comme résistant aux lueurs du soleil se préparant a la balayer. Sur les hauteurs de la crête, une puissante tour de défense avait été bâtie par les nains autrefois, grand bâtiment à l'architecture digne des robustes demi-hommes à la barbe généreuse. Montée de pierres taillées sous la montagne, possédant une salle au rez-de-chaussée, avec de grandes tables et chaises bien construites dans un bois de chêne, des râteliers sur chaque coin du mur avec armes à feu, lances et hallebardes. Un escalier en colimaçon montant jusqu'à l'étage, l'arche qui servait d'entrée à la tour était large, avec deux portes à ce moment-là grandes ouvertes épaisses. A l'étage, un espace vide, quatre ouvertures comme fenêtres plus larges que grandes, offraient une vue sur les environs, vers l'est les montagnes proches se dressant fièrement. Au sud et à l'ouest, les marais qui s'étendaient à perte de vue, au nord la colline en contrebas donnait sur de grands espaces d'herbe jusqu'aux montagnes au loin.

    Tristan était assis sur une des fenêtres, observant les marais, sa chaine où pendait la plaque d'identité de son défunt père à la main, qu'il manipulait frénétiquement. En bas, un silence de mort, les chaises étaient renversées, le festin sur chaque table avait pourri, des mouches volant un peu partout. A vrai dire, le silence était de mise dans les environs, pas un bruit, pas un murmure, rien.
    Le jeune homme jeta un œil à son sac contre le mur en face, ses armes, son fusil et la sacoche de munitions posés contre, à côté des escaliers, un fin fil était tendu sur la longueur de la dernière marche, c'était bien tout ce qu'il avait pour un semblant de défense, du fil de fer. Il soupira et posa la tête contre le bois, plongeant dans des pensées se mélangeant, des flashs de la ville de Gilneas, les forêts la bordant et d'autres lieux d'une beauté propre, loin de la mort apportée par les mangeurs de cadavre, les morts-vivants. Le village proche et la tour étaient abandonnés depuis que ces nécromanciens avaient fait oeuvre sur ces terres, et il rencontrait rarement autre chose que des cadavres sur pattes cherchant à goûter à sa chair.

    Le silence, toujours le silence...

    Il se leva et alla prendre sa gourde dans son sac, buvant quelques gorgées d'eau, sans avoir vraiment soif, en fait, c'était juste pour pouvoir faire autre chose que regarder les collines. Il se redressa et alla vers l'ouest. "Tiens, encore des collines, ça change" se dit-il. Un craquement se fit entendre plus bas, il tourna subitement la tête, les mèches de cheveux lui caressant le visage, le bois qui rend l'âme, un lapin ou les morts ? Il ne savait plus, il appréhendait tout bruit maintenant, même les plus anodins le rendait anxieux. Il ramassa un cimeterre et prit soin d'éviter le fil, allant voir en bas. Il jeta un œil par-dessus la rambarde de l'escalier, rien. Il patienta quelques instants, toujours rien. Il finit par soupirer puis remonta, c'était probablement le vent.

    Il sentit quelque chose saisir son pied à cette dernière pensée et tomba sur les marches lourdement, relâchant un grognement de surprise, tournant subitement la tête vers ce qui l'avait happé. Une femme le tenait, la moitié du visage dévorée et les yeux exorbités, des cheveux morts qui tombaient à chaque fois qu'elle bougeait et des vêtements autrefois blancs maintenant couleur boueuse, une vision d'horreur. Le chasseur lui trancha net le poignet sous l'impulsion, alors qu'une multitude de cadavres étaient entrés dans le bâtiment, courant follement vers lui en hurlant et vomissant du sang pour certains. Il remonta plusieurs marches sur les mains avant de se redresser et foncer vers l'étage, pris de panique.
    Il enjamba le fil et ramassa son sac et la sacoche sur l'épaule, le fusil et les cimeterres sous l'autre bras, regardant les escaliers d'où les monstres arrivaient, furieux, ou approchant pour des morts. L'humain pouvait voir dans leurs yeux leur avidité à l'odeur de sa chair, et ne se fit pas prier pour se diriger en trombe vers la fenêtre nord. Il grimpa sur le rebord et observa la hauteur, puis derrière lui, le premier cadavre s'était pris les pieds dans le fil et était tombé à la renverse, ses doigts s'étaient cassés comme du verre fragilisé et un œil pendait avec dégoût, sorti de son orbite au choc sur le sol. Tristan prit une inspiration et se jeta dans un léger hurlement rauque dans le vide, tombant brutalement sur le sol en se rattrapant dans une roulade douloureuse, alourdi par l'attirail qu'il portait et sans appui, les mains prises.

    Il se releva tant bien que mal et s'élança en avant en basculant, reprenant finalement l'équilibre sur ses jambes. Derrière il entendait les terrifiants bruits de craquement des os de ses poursuivants, mêlés aux balbutiements incompréhensibles, courant aussi vite qu'il pouvait, le souffle difficile. Soudain de derrière les fourrés un cadavre le percuta et tenta de le mordre à l'épaule, la première chose qu'il avait vu. Le jeune homme se dégagea et lui envoya un coup d'armes instinctif et efficace dans la mâchoire, l'envoyant valser plus loin avant de dévaler la colline. Il reprit sa route, à nouveau surpris par les morts sortant de partout sur son chemin, essayant de le saisir, alors qu'il s'efforçait de les éviter à ras, redoutant à chaque passage que celui-ci ou celui-là parviendrait a l'avoir.
    Il finit par prendre de vitesse les goules et courut de tout son élan en respirant fortement sans se retourner, toujours plus loin, arrivant aux collines qu'il escalada par les semblants de sentiers, sans s'arrêter. Même épuisé, il courait toujours, encore, vacillant parfois sous le poids et la fatigue, mais ne cessait d'avancer, toujours plus loin.

    Il trébucha et se réveilla en sursaut, regardant autour de lui, le ciel était haut dans le ciel, le vent soufflait tranquillement, un banc de poissons dans le lac, ceux-ci sautant par moments. "Où je suis ? Ah oui, le lac, Gilneas, c'est... c'était un rêve".
    Il souffla et reprit ses esprits, un peu éméché par le sommeil cela dit, et observa la crinière dorée blottie contre lui, la silhouette qui semblait parfaite à ses yeux accapara son attention un instant, lui-même perdu dans ses pensées, puis il posa la tête contre le sol et respira plus sereinement.
    Les souvenirs de cette année de terreur et de lutte sans fin le hantaient dans ses rêves parfois, mais cette fois le rêve semblait tellement plus réel, pourtant ce n'était qu'un souvenir. Il finit par regarder son mollet, où un bandage ensanglanté était serré, la douleur l'avait lancé, c'est sûrement ce qui l'avait réveillé, la plaie sur son torse guérie par la lumière ne le faisait plus souffrir cependant. Il glissa la main dans les cheveux de la jeune femme, la câlinant affectueusement, sans se rendormir. Il pensa alors à oublier ce rêve, voulait profiter de ce moment près d'elle, se rendant compte qu'il aimerait qu'elle ne se détache jamais de lui, les sentiments.

    Des sentiments, il avait des sentiments pour une femme. C'était, inhabituel, légèrement "apeurant". Cela faisait tellement longtemps qu'il n'avait pas eu de sentiments pour quelqu'un. Mais il savait qu'il les assumerait, il avait toujours tout assumé, bon ou mauvais, volontairement ou malgré lui, et il ne laisserait pas tomber l'affaire, non, hors de question. Il déposa un baiser dans ses cheveux et ferma les yeux, retournant à ses pensées, qui tournaient autour d'elle parfois, les questions lui trottaient dans la tête. Il allait bientôt partir et ne lui démontrera probablement jamais son affection, quel dommage, la vie semble tant décevante par moments, mais on s'y attache car elle savait être belle, tout comme celle qu'il enlaçait dans ses bras.
    Tristan Van Hellsing
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    Message  Tristan Van Hellsing Lun 16 Jan - 10:53

    Acte V - Ensemble jusqu'à la mort



    Il y a des années, près de Caer Darrow, dans le nord ravagé de Lordaeron, seconde guerre.

    Il faisait noir sur Azeroth en cette heure, le ciel parsemé d'étoiles apaisées voilait la rageuse guerre qui ravageait la région depuis des mois. Dans toute la région, le feu brûlait les camps et les corps, les montagnes étaient peintes de sang et les hurlements de colère et de terreur déchiraient le silence des nuits de deuil et de chagrin sans repos. Tristan arrivait au campement des frontières de Thondroril, son armure d'écailles couverte de sang séché, comme ses cimeterres, le fusil à la main, un carquois presque brisé pendait dans son dos avec quelques tristes flèches et un arc grignoté de part et d'autre, sous le sac attaché par une corde épaisse. Dans le camp des tentes étaient élevées sur un large terrain, plus d'une centaine pour près de trois cents hommes, allant jusque la colline et bloquant le sentier. Pour seule défense de grands pieux de bois plantés dans le sol sur deux lignes, comme de larges boucliers dressés en direction des plaines.

    Il se souvint, la dernière bataille contre les orcs. Il était seul avec son frère d'armes, Chris Duran et leur capitaine pour mener le combat, cent hommes tout juste et ce fut une hécatombe, bien que cette bataille leur permit de repousser les troupes de Zul'Jin au-delà de la chaine de colline, les pertes étaient beaucoup trop lourdes. Les combattants pour beaucoup avaient passés la nuit ici pour préparer la bataille, lui était resté près du pont pour guetter une nouvelle attaque massive de l'ennemi. Le chasseur arriva devant sa tente, saluant ses camarades, passant devant un feu allumé par quelques-uns d'eux faisant griller du sanglier, d'autres se reposant à même le sol, épuisés par les combats incessants. Il entrait sans plus tarder à l'intérieur, un confort très sommaire, une couverture sur le sol, une bougie, les plans de défense et un mince repas composé d'une miche de pain, d'un morceau de viande et d'un verre de vin.

    Tristan prit son verre et la carte, assis sur la couverture, buvant une gorgée en parcourant le texte avec un léger soupir éreinté. Un homme entra dans la tente, grand, des cheveux bruns coiffés en queue de cheval, un bouc bien entretenu, une armure bleu azur scintillante et deux larges épées à la ceinture, quelques cicatrices venaient renforcer son air rude, fragilisé par ses cernes.

    - Salut Tritri, t'es prêt pour la fête à coup de lames ?

    - Salut Chris. Il releva la tête en clignant lentement des yeux et observa son camarade, les mèches humides collées au visage. Je ne sais pas si je suis prêt, mais on va y aller.

    Les deux hommes sourirent, puis Tristan lui fit un signe de tête et sortit de la tente, se redressant. Le chasseur termina son verre d'une traite et se releva lourdement, tout deux allèrent vers une tente différente des autres, bien plus grande. A l'intérieur, une table posée au centre, au-dessus, quelques hommes et femmes, humains et hauts-elfes, tous en armure et bien armés. Un gnome à côté, bricolant quelques pièces de sa machine volante, deux nains la hache à double lame sur l'épaule parlaient a voix basse en observant ceux autour de la table.

    Une elfette appuyée à plat des mains sur la table, aux cheveux blonds et les yeux émeraudes, releva les yeux vers Tristan et sourit, les autres arrêtèrent leurs discussions, les observèrent et saluèrent à la manière des militaires.

    - On se demandait quand vous arriveriez sergent. Dit le capitaine, toujours le même, cheveux blancs en queue de cheval, les traits stricts et sa claymore dans le dos, lourde et imposante. Nous observions la proposition que Duran et vous avez faite, nos alliés elfes sont d'accord mais j'ai moi-même quelques suggestions.

    S'ensuivit une réunion de guerre, placements tactiques, formations, choix d'assauts. Tout avait été passé en revue afin de mettre toutes les chances de leur coté pour remporter la bataille inévitable. Chacun d'eux le savait, l'attaque était la meilleure défense, si ils voulaient rester en vie, ils devaient aller chercher les peaux-vertes au-delà des plaines. Les plans de bataille achevés, l'idée des deux frères de mener plusieurs raids éclairs simultanés sur les camps ennemis avait été adoptée. Satisfait, Tristan sortit de la tente et fit quelques pas, plongé dans ses pensées, accompagné de Chris qui vint mettre une main sur son épaule. Le chasseur s'arrêta et se retourna vers son camarade qui lui tendait un parchemin.

    - Qu'est-ce que c'est ? Demanda Tristan en prenant le parchemin, l'ouvrant.

    - C'est arrivé aujourd'hui, des nouvelles du royaume.

    Le chasseur prit une inspiration, son regard fermé ayant disparu, il parcourut le document avec un air triste et sidéré, alors que son frère l'observait avec un air compatissant, les mains dans le dos.

    - "Les difficultés imposées par la Horde sur les différents fronts nous forcent, avec regret, à concentrer l'effort de guerre de notre royaume sur des points plus stratégiques. Par conséquent nous nous voyons dans l'obligation de délaisser certaines régions au profit de sites plus importants. Conseil de guerre de Gilneas, an 8."

    Tristan cessa de lire et marqua un temps, refermant le parchemin avec amertume.

    - Ils abandonnent la région et ses environs... tu parles d'une bêtise.

    Dans un geste rageur il jeta le parchemin à terre et posa les mains sur ses hanches en soupirant lourdement, la colère prenant le pas sur la fatigue, tandis que Chris restait ainsi et le regardait simplement.

    - Apparemment. En même temps, on se fait déborder de tous les cotés, nous n'avons pas vraiment le choix. Même en "concentrant l'effort de guerre", nous ne sommes pas en mesure de prendre des risques pour le moment.

    - On a passé des jours a défendre cette région, on s'est pris trempe sur trempe et on a tenu! Lançait le chasseur, faisant un geste sec de la main en laissant exprimer un ton réprimandant. Et voila que maintenant, ils laissent tomber la région sous prétexte qu'ils essaient de "concentrer l'effort de guerre". Moi je te dis qu'à ce rythme ils vont pas tarder à aller chercher les nôtres jusque la grande porte et nous nous mettrons les uns sur les autres juste devant pour se faire massacrer. Elle est belle l'armée de Gilneas.

    - Eh oui que veux-tu, faut croire qu'on est pas si puissant que ça. Le royaume est très bien défendu cependant, ça devrait tenir.

    Le silence s'installa quelques instants, la pensée prenant le pas sur la parole, les deux hommes posaient finalement le regard sur le sol devant eux, le moral ayant pris un coup après cette désolante constatation.

    - Les orcs vont nous lyncher... reprit Tristan, réaliste.

    - Il y a peut être des chances. Tu sais, si on en arrive là, je serais bien tenté d'aller leur casser les pieds à Strom, jusque les rendre dingues.

    - On se prendra une chope de "crise de Chris", et on rameutera de l'orc. Répondit-il un sourire aux lèvres partagé par son camarade.

    - Jusqu'à la mort petit frère.

    - Jusqu'à la mort et même après.

    Les deux camarades tapèrent fermement leur poing contre leur cœur, échangèrent un nouveau sourire plus enthousiaste et s'offrirent une dernière étreinte affectueusement virile, comme deux frères de sang, ce qu'ils étaient à leurs yeux.
    Le souvenir s'estompait et il réalisa en ouvrant les yeux qu'il n'était plus au camp, mais bien ici, à Gilneas, sur les murailles face au nord, et ses traits n'étaient plus aussi épuisés. Il chercha a se redresser en se passant la main sur le visage, et sentit un poids sur son corps, le temps de reprendre ses esprits, il observa la silhouette blottie contre lui. Une chevelure brune d'où l'on distinguait de fines lèvres, un petit minois adorable plongé dans de doux rêves qui n'avaient sûrement pas la même teneur que les siens. Il marqua un temps en observant la plaque militaire ou était gravé les quatre mots qui résonnaient dans sa vie, "Maintenant et à Jamais". Mais pour la première fois de cette vie, elle n'était pas dans sa main, mais autour du cou de la jeune femme.

    Il la lui avait confiée, allez savoir pourquoi, bien qu'il essayait de lutter, il ne pouvait contrôler les battements de son cœur qui allaient à elle. Des sentiments, encore.
    Ça lui avait pris beaucoup de temps pour dompter ceux qu'il avait eu pour la précédente, et voila que ça le reprenait. Cela lui sciait les nerfs et pourtant, au fond de lui il ne voulait pas les effacer, il prit le temps de se dire que c'est ce qu'il cherchait. Depuis qu'il était revenu en ville, plutôt depuis qu'il était revenu dans cette ville, il était parvenu à trouver ce qu'il cherchait ou presque. Quitter la vie de forêt et retrouver les manières de la ville, ses origines nobles, même si ce n'était pas gagné, la foi pour la lumière enseignée par son père, toujours pas gagné. Arranger son abus de luxure et calmer son caractère provocateur.

    C'était en bonne voie, même si une nouvelle venait troubler sa quête, l'appel aux armes était arrivé, l'armée l'avait enrôlé pour combattre la horde des vils orcs une fois de plus, rudes adversaires. Une semaine, le temps qu'il lui reste pour se préparer et prendre le navire. Il soupira alors qu'une pensée lui venait en tête, "Pas maintenant". Il lui restait tant de choses à faire, tant à découvrir, la famille, les évènements de la ville, les ennemis à qui faire face et les alliés retrouvés. Les sentiments aussi, où les conduiront-ils une fois de plus ?
    Le bonheur que tout être mérite ou comme il s'y attendait, une faiblesse qui risquait de lui coûter cher lorsque le revers de bâton tombera. De toute façon, son frère est dans les parages, tant qu'il est là, il sait qu'il pourra compter sur lui pour le recadrer. Maintenant, les choses sont faites, il n'est plus question de reculer...
    Tristan Van Hellsing
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    Message  Tristan Van Hellsing Lun 16 Jan - 10:53

    Acte VI - Impardonnable


    Il y a des années, dans les geôles putrides de Gilneas.

    Une dernière étreinte, un dernier souffle, un dernier regard.
    Abandonné, trahi, blessé...

    Deux années étaient passées depuis que la guerre contre la Horde était terminée et sa tour d’ivoire anéantie, mais il sentait encore l'odeur nauséabonde et empoisonnante du bois et du tissu brûlé, doux parfum à côté de l'odeur de la chair décomposée. Les corps sans vie jonchant le sol, certains dépecés, et son corps, à elle, sa fleur, son amour.

    Morte, une dague en plein cœur, lui qui partait, sans un regard. Cette image le hante sans cesse, dans ses pensées jusque ses cauchemars, parfois la rage et la peine sont si fortes qu'il sent son cœur pourtant si froid se broyer dans sa poitrine.
    Un grincement sourd se fit entendre parmi les hurlements et les paroles incompréhensibles des prisonniers, sûrement les gardes apportant la nourriture s'était-il dit, eux qui n'arpentaient jamais les couloirs de cet endroit de malheurs. Endroit où les pires assassins se mêlaient aux pauvres fous jetés aux cachots de peur qu'ils ne s'en prennent aux habitants.
    Enfermé dans sa cellule, il restait assis sur le sol, dos au mur, inerte, hanté par les souvenirs de mort et de destruction. Les jours étaient passés, les semaines, les mois peut-être, et pourtant il restait là, toujours là, condamné à ne pas oublier, s'acharnant parfois sur les murs de sa prison pour laisser échapper la colère insupportable qui lui dévorait les entrailles, mêlée à l'enfermement constant dans cette sombre pièce.

    Les heures passèrent et la porte s'ouvrit à nouveau, mais cette fois les pas étaient plus légers, plus lents, contrairement aux pas lourds et pressés des soldats protégés de leurs armures, ne pensant qu'au moment où ils auront quitté l'enfer de ces lieux. Les pas s'approchèrent, toujours plus lents, et s'arrêtèrent devant sa cellule. Encore un de leurs lieutenants venu l'interroger pour connaître ses origines et la raison de sa venue ici. Il en vit tant défiler dans son repaire sombre et crasseux, le regardant comme une vermine de la pire espèce, leurs armes à la main, redoutant qu'il ne leur saute au cou pour les étriper. C'est ce qui était arrivé la dernière fois cela dit, en tout cas, avait failli arriver.
    Cet idiot arrogant avait cru pouvoir le malmener afin de le forcer à parler, mais avant qu'il n'ait pu porter un nouveau coup, il l'avait violemment jeté contre le sol d'un coup rageur dont le craquement lourd laissait la mâchoire brisée, avant de lui agrandir le côté gauche de sa bouche baveuse pratiquement jusqu'aux oreilles à la seule force de ses doigts. Sûrement lui aurait-il fait bien pire si les quelques gardes ne l'avaient pas maîtrisé à temps, il n'avait pas été de bonne humeur ce jour-là et avait pris une sale correction cela dit.

    Il sentit la clef entrer lentement dans la serrure et se tourner, cela lui rappelait le jour où il avait fait de même avec sa dague dans l'estomac d'un capitaine de Stratholme avant la fin de la guerre, de manière a conserver la blessure ouverte tel que l'on le lui avait enseigné, sans grande utilité étant donné qu'il l'avait achevé en lui enfonçant la même dague dans la gorge. C'était d'ailleurs la raison de sa présence ici, sa haine douloureuse qu'il avait exprimée jusque dans de vils desseins. Il conservait pourtant sa foi en sa patrie, et un sentiment absolu dans ce qui paraissait pourtant l’évidence, la fierté, mêlée à la honte qu'il s'imposait. Toutes ces pensées, il les avait. Cette responsabilité qu'il s'était incombé et avait transformé en haine raciste, tout cela n'était plus. Quelles que soient les raisons, quelles que soient la faute et la vérité, il était un traître à présent.

    Ce jour-là, où il devint ceci, il avait été jeté à moitié mort dans la cellule et laissé ainsi pendant deux longs jours douloureux où il agonisait sans mourir, têtu mais anéanti par de trop lourds regrets, et pourtant une souffrance mille fois méritée, ça, il ne le niait pas.
    La porte s'ouvrit et il distinguait une silhouette entrer dans la pièce sereinement, son regard toujours fixé sur le sol poussiéreux, alors que les gardes attendaient au pas de la porte. Sa chevelure longue d'une couleur cendrée avait pris une teinte noirâtre par la crasse, ses yeux d'un marron très appuyé, sombre, semblaient avoir perdu le peu de clarté, et son corps amaigri illustrait son affaiblissement en ces lieux piteux. Il sentit la silhouette, à qui il ne montrait pas la moindre attention scruter la cellule avec dégoût, le spectacle de sa demeure renfermée, à l'odeur repoussante et les murs noirs de crasse ne semblaient pas ravir son visiteur. Peut-être devrait-il penser à nettoyer au cas où il recevrait de nouveau de la visite ? Eh bien, après tout, excepté cet individu seuls les gardes osaient lui rendre visite que de temps à autre et ils ne méritaient pas qu'il s'épuise pour leur bon plaisir, ces demi-portions. Ça, il n'avait pas perdu sa modestie, tout ce qui lui restait en ces temps.

    L'homme tourna son regard dans sa direction et le contempla de sa hauteur, sa chevelure dorée élégante en accord avec sa tunique noble de la même teinte, et sa longue veste de cuir travaillé, les traits fins et chaussures luxueuses parfaitement nettes. Tristan était assis près de son confortable lit de pierre, dos et tête au mur, un bol d'eau vide sur le sol où une araignée s'y était abritée. Il l'observa du coin de l'œil s'asseoir tranquillement sur le vulgaire tabouret, de pierre également, dont il n'avait fait que peu usage, sans le quitter des yeux. Il était entré depuis déjà quelques minutes et aucun d'eux n'avait encore pris la parole, le prisonnier continua d'ignorer son visiteur qui le fixait sans cesse attendant un geste ou une simple parole de sa part. Voyant à quel point il lui était indifférent, l'homme engagea la conversation, sa voix calme et grave semblait laisser entendre une once de satisfaction.

    - Bonsoir Hellsing, il y a tant d'années déjà, tu n'as pas changé...

    Aucune réponse ne vint évidemment, c'était à peine s'il en écoutait le son de sa voix ridicule et efféminée à son goût.

    - Je t'ai cherché, longtemps cherché. Imagine ma surprise lorsque l'on m'a appris que tu avais été emprisonné pour avoir tué un officier. Un homme tel que toi, ancien défenseur de la justice et des lois au nom de ton noble père défunt, quelle tristesse...

    - Il y a longtemps que je n'ai de loyauté ni respect pour aucune loi, ni aucun seigneur, William. Lui répondit-il vaguement.

    - Je sais, tu es devenu un criminel, un va-nu-pieds dépourvu d'une quelconque motivation, sans but, quel superbe gâchis.

    Tristan ne fut même pas effleuré par cette remarque dédaigneuse, lui qui n'avait plus aucun ressentiment en lui, ni envie, ni pulsion, ni même désir pour quelconque chose ni quelconque femme, plus rien, rien que le vide. Il avait fini par être rattrapé par ses démons, sans plus personne pour l'apaiser et le cœur brisé, cette tombée dans l'excès et le dédain, s'en prendre aux gardes passant, cette vie de la chasse résonnant comme jamais dans son esprit, une déchéance qu'il reconnaissait volontiers, sans l'assumer, par fierté plus que par manque de considération malheureusement. Les valeurs n'étaient alors plus en considération, il s'était laissé mourir de l'intérieur, tout simplement, victime de la cruauté du monde dont il ne se remettrait peut-être jamais. Ce fil de pensées ressassées marqua un nouveau temps prolongé d'un silence de mort, avant que l'individu ne s'adresse à lui de nouveau.

    - Je peux t'aider Hellsing, si tu me laisses te tendre la main.

    - Et comment tu comptes m'aider, oh mon héros. Répondit Tristan sur un ton moins ironique que las.

    - En te sortant de là.

    - Ils ne me laisseront jamais sortir, et de toute façon, ça ne m'intéresserait pas.

    - Tu veux rester pourrir ici ? C'est comme ça que va finir ta vie ?

    - Quelle vie... reprit-il en soupirant. Je n'ai plus rien. Tout ce que je connaissais n'existe plus, tout ce que j'étais est en lambeaux de mes fautes et je ne pourrais faire quoi que ce soit pour rattraper la honte que j'inspire. Alors dis-moi, pauvre crétin, comment comptes-tu m'aider à cela ?

    L'homme rit, puis sortit un parchemin qu'il déroula et tendit devant lui à la vue du chasseur.

    - Je peux convaincre nos amis de te laisser sortir, mais tu auras une dette envers moi, pour payer ta dette tu vas travailler pour moi, peut-être que de l'action va te faire bouger à nouveau, et que le tireur chevronné va refaire son apparition, ne serait-il pas intéressant?

    - Pourquoi j'accepterais ?

    Tristan tourna les yeux vers l'homme, le regard fermé, celui-ci rangeait son parchemin dans sa sacoche et soupira en l'observant.

    - Tu peux mourir comme un chien ici, ou venir, et recommencer une nouvelle vie, pour la mémoire de ton père, pour la quête de ton honneur, et de ceux qui ont jamais pu compter sur toi. Après tout tu as quoi, vingt-deux, vingt-trois ans ? Tu es trop jeune pour finir ta vie.

    Le chasseur rit à peine et sans cœur, dépité.

    - Quels arguments. Pourquoi fais-tu ça William, pourquoi viens-tu ici, voir celui qui t'a toujours mis des bâtons dans les roues du temps où nous étions sur le front côte-à-côte? De fait du moins.

    - Parce que nous avons connu les mêmes personnes, aimé le même pays, et que le soleil est resté couché trop longtemps. Gilneas a quitté l'Alliance, et le pays est fermé. Plus personne ne peut entrer ou sortir, quant à la politique actuelle, elle n'a jamais été aussi rustre, c'est le moment d'agir.

    Il marqua un temps, se penchant vers lui et reprit à voix plus basse.

    - Je mets en place une équipe, un groupe, pour remplir certaines missions, les nobles ont décidé une trêve avec leurs conflits politiques, ce n'est pas notre cas. Les orcs même enfermés dans leurs camps restent des tas de chair avariée semblables à ceux qui ont attaqué nos terres, les autres, ces misérables qui se prétendaient gilnéens et jouent de corruption en favorisant le marchandage de nos armes restent des traîtres, et il n'est pas question d'en finir ainsi. Alors si nous pouvons faire quelques dégâts même mineurs, nous le ferons.

    L'homme croisa les doigts, coudes sur les genoux et fixa Tristan, très sérieux à tout croire.

    - Même si je viens, même si je t'aide, rien ne te garantit que je serais encore là, la semaine prochaine.

    - Tu as beaucoup de défauts, mais tu n'es ni lâche, ni traître. Tu as une parole, et je compte bien sur ta promesse avant de te sortir de là, bouge-toi, si tu n'as pas d'espoir, accepte la vengeance et prends-la, on a assez perdu de temps.

    Tristan prit une inspiration, puis observa l'homme fixement un moment, avant de répondre.

    - J'ai fauté en suivant les lubies d'une révolution que tu viens prôner ici, je ne reproduirais pas cette faute. J'en ai fini avec la révolution, mieux vaut pour moi que je reste assis maintenant.

    Il détourna ensuite le regard et le laissa se perdre à nouveau, tandis que l'homme l'observait avec une légère irritation, et se levait d'un mouvement outré. Il se détourna à son tour et se dirigea vers la porte, en tournant la poignée et attendant qu'elle soit ouverte de moitié pour s'arrêter et accorder quelques mots de fin au chasseur.

    - Le moment viendra, où il sera temps de te lever, alors tu prendras conscience, de ce qu'est réellement le regret, et la déception que tu dois être pour ton père, et ta lignée.

    Il quitta la cellule ensuite, dont la porte se referma dans un grondement sonore, avant de s’étouffer dans ses ténèbres, et faire revenir le silence familier, et interminable.
    Tristan Van Hellsing
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    Message  Tristan Van Hellsing Lun 16 Jan - 10:53

    Acte VII - Les inscriptions du pouvoir


    Il y plus d'un siècle, dans le monde du rêve.

    Un mouvement d'air, un souffle léger, puis vint la lumière...

    Tristan vola à travers le néant et retomba sur le sol poussiéreux dans un vacarme assourdissant, lâchant ses cimeterres qui glissèrent plus loin, face contre terre et grimaçant. Tout autour était noir, silencieux, vide, rien n'existait dans cet endroit, si ce n'est lui, semi-assommé au sol et l'elfe qui se tenait debout, un peu plus loin.

    Celui-ci était un peu plus grand que lui, une carrure svelte et élégante, les cheveux longs grenats, derrière les oreilles, quelques mèches venant tomber sur ses yeux d'un bleu particulièrement scintillant. Vêtu d'une tenue de prêtre blanche, robe et épaulières aux lanières dorées, la main ouverte canalisant une brume lumineuse.

    - Debout.

    L'elfe observa Tristan qui finit par se redresser sur ses mains et se releva, l'armure d'écailles fumante. Il marqua un court temps avant de se jeter sur le coté, ramassant ses armes au passage, puis fit face à son adversaire, lames dans sa direction. L'elfe continua de l'observer, puis reprit.

    - Tu es trop impulsif. Réfléchis, sers toi de ta tête avant de te servir de tes lames.

    - Tu m'excuseras, jusque maintenant, mon impulsivité m'a gardé en vie. Rétorqua le chasseur, concentré et guettant le moindre mouvement de son interlocuteur.

    - En vie, mais enfermé, et enchaîné, avec un peu plus de jugeote, tu aurais pu éviter ça.

    - Si tu vas continuer en me disant que je n'aurais jamais dû tuer cet homme, laisse tomber, je connais le couplet. Je me le répète depuis plus d'un an maintenant, enfermé dans ces geôles.

    - Non. Mais tu aurais pu éviter de te dévoiler, tu savais comme elle était, tu connaissais son côté instable, en lui confiant ton coeur, tu t'es mis en danger, et tu t'es coupé de toute porte de sortie, tandis que la confiance manipulatrice t'enchaînait davantage à sa volonté vouée à la souffrance.

    Les deux se mirent a tourner autour l'un de l'autre, comme deux prédateurs, prêts a s'entredéchirer.

    - Ça va, j'ai compris la leçon. Au fait, rappelle-moi pourquoi tu viens me les donner, ces leçons, d'un elfe, envers un simple soldat condamné à l'autre bout de Lordaeron ? Simple question, ça peut toujours servir... répondit-il avec un air ironique.

    - Parce que tu dois accomplir ta formation avant de quitter ces geôles, c'est important.

    - Important... pour qui ? Toi, ou moi ?

    Tristan garda son regard fixe sur lui, l'air à la fois méfiant et curieux.

    - Toi comme moi, dans cette lutte, nous sommes ensemble.

    - Ensemble, tu te fiches de moi ? Voilà que je passe une année a moisir en geôles, a me ressasser tous mes méfaits encore et encore sans en voir aucune fin. Et un beau jour, un type vient s'insinuer dans mes rêves, en me parlant de destinée et de choix qui décideront du sort qui m'est réservé blabla... dit-il en faisant de grands gestes moqueurs. Un elfe dont je ne sais ni le nom, ni la raison qui le pousse à venir me pourrir l'esprit, moi plus qu'un autre.

    - Je suis celui qui te forme afin de faire de toi plus qu'un criminel, ce que, que tu le veuilles ou non, tu es maintenant aux yeux de tous, un criminel coureur de jupons... Ne m'accorde pas ta confiance si tu veux, d'ailleurs, si c'était le cas je ne perdrais pas de temps avec un idiot, mais utilise mes connaissances. Apprends de moi, pense, canalise ton potentiel, et tu deviendras plus puissant que jamais tu n'as pu l'être en simple chasseur ou même soldat. C'est à travers les connaissances que je te confère, que tu trouveras ce que tu as toujours cherché.

    L'elfe leva rapidement la main et relâcha la brume lumineuse qui nimbait sa paume contre le chasseur, d'un geste Tristan releva ses cimeterres croisés devant lui pour bloquer le flot de lumière se déchaînant sous la forme d'éclairs. En une seconde les éclairs passèrent sur les lames et s'acharnèrent sur le chasseur, lui arrachant un grondement douloureux, avant de le projeter brutalement à plusieurs mètres. A nouveau il retomba sur le sol lourdement, rugissant clairement de douleur et pourtant sans lâcher ses armes cette fois, dos au sol, une odeur de brûlé s'échappant de son armure fumant dangereusement à présent. L'elfe observa la scène en soupirant, avant de reprendre.

    - On ne t'a jamais appris que le métal est conducteur d'énergie ?

    - Au moins j'aurais essayé... répondit Tristan d'une voix souffrante, se redressant tant bien que mal assis.

    - Tu te fies trop à tes armes, et ton esprit est brouillé par tes pensées, ta colère et tes craintes. Fais abstraction du monde réel, oublie le, concentre toi sur ta capacité à te servir de ton âme pour protéger ton corps et ta conscience.

    Tristan se releva sans grande conviction, titubant légèrement puis secoua la tête, rouvrant les yeux vers le prêtre.

    - Tu sortiras, d'une façon ou d'une autre, tu n'es pas seul Revan, ou Tristan, si tu préfères.

    - Il faut croire que si, je suis en geôles depuis trop longtemps. Je ne sais même pas si mon propre frère sait que je suis toujours en vie, ou dans un fossé. Je n'ai de nouvelles ni de lui, ni personne d'autre. Sur ce coup, je suis seul, et je n'ai aucun contrôle, même si je sors, ma... destinée si tant est qu'elle a existé est de toute façon fichue, alors à quoi bon.

    Tristan soupira et se mit à tourner pensivement ses lames dans ses mains, serrant les dents pour encaisser les spasmes laissés par la décharge, avant de reprendre.

    - Je ne supporte plus de rester enfermé dans cette fichue cellule ! J'ai besoin de sortir, de me défendre, de combattre contre...

    - Contre quoi ? Tes ennemis, ton passé, toi-même ? Tu as tout fait pour te fuir, tu as fait en sorte que l'on t'enferme dans une cellule, alors que tu aurais pu t’échapper, en espérant que l'on t'oublierait, que tu t'oublierais... Tu as combattu là où le vent te portait, en espérant penser à autre chose, te battre contre autre chose, que toi-même. Et tu t'es abandonné à la luxure et la débauche, aux plaisirs du vin et de la chair, du sang et de la douleur, en espérant trouver la paix et la tranquillité en toi.
    Maintenant champion, tu es seul face à toi-même, et tu luttes contre toi davantage que contre moi. Cesse de te battre, accepte, pardonne-toi, recommence. C'est dans l'absolution que l'on peut trouver la paix, mais il n'y a que toi qui puisses te pardonner, les tiens l'ont déjà fait, ton père l'a déjà fait, dans l'autre monde, il t'attend avec l'affection qu'il te porte toujours, tout comme celle qui fut la tienne, mais ce n'est pas le moment. Quant à ton frère, il se peut que tu l'aies déjà perdu en effet, mais cela fait partie de la vie, l'échec renforce, et tu es trop jeune pour te laisser arrêter ainsi.

    Tristan finit par laisser son regard se perdre dans le vide, silencieux, l'air las et épuisé, continuant de tourner lentement ses lames. L'elfe face à lui le fixait sans cesse, marchant d'un air apaisé autour de lui, toujours.

    - Tout n'est pas fini, tu as encore des choses à accomplir, pour toi comme pour moi. J'ai besoin de toi champion.

    - Je ne suis pas un champion, je suis un... tireur tout au plus, qui se défend.

    Le chasseur releva la tête vers le prêtre, réaliste.

    - En effet, reprit l'elfe. Mais tu le seras, quand tu auras fait la paix en toi, tu sauras vider ton esprit des craintes et de la colère qui détruisent l'existence intelligente, celle qui se trouve en chacun de ceux qui existent en dehors de cette cellule qui te retient. Tu as appris à te fier à tes instincts, il ne te manque qu'une chose, et personne ne pourra t'arrêter, comme dans ce rêve que je t'ai projeté avant de venir à toi, ce rêve où tu te libérais de la corruption de la conscience et de ses vices.

    - ... Quelle chose ?

    - La détermination liée au pouvoir. Le pouvoir, voilà ce qui te mènera vers la véritable puissance. Le pouvoir fait pencher la balance, le pouvoir domine et tant que tu n'auras pas trouvé le véritable pouvoir, tu ne feras rien, tu n'accompliras rien.

    Le chasseur finit par cesser de faire tourner ses lames, puis fit quelques pas en marquant un temps de réflexion, avant de se tourner à nouveau vers le prêtre, celui-ci était immobile, le regard sévère, bras croisés et le suivant des yeux.

    - Même si je le voulais, même si j'avais la foi, il me faudrait des années pour avoir assez de connaissances pour en faire des armes.

    - Je te donnerais ce pouvoir. Avec mon aide et ton potentiel, tu feras en quelques semaines ce que d'autres font en des années. Tu sortiras de ces geôles grandi.

    Tristan fixa l'elfe, marquant à nouveau un temps, avant de répliquer d'une voix plus lente et méfiante.

    - Qui es-tu ? Comment fais-tu pour être dans mon esprit alors que je suis dans une cellule de la capitale de cet empire?

    - Je te l'ai déjà dit, je ne suis pas comme les autres prêtres qui foulent ce sol, mais je détiens la même ferveur, d'autre part si ce royaume était vraiment isolé, cela ne changerait rien. Tu es méfiant, et pourtant tu as ouvert ton esprit alors que tu aurais pu le fermer, pourquoi ne l'as-tu pas fait ?

    - Je ne sais pas... j'ai senti...

    - Le pouvoir.

    Tristan acquiesça, puis inspira en capitulant, reprenant d'une voix presque ironique.

    - Sans doute, faut croire que je ne suis pas si... insensible.

    - La lumière est un moyen parmi d'autres. Magie, ombre, nécromancie, il existe bien des moyens d'obtenir un grand pouvoir. Mais en ce qui te concerne, tu es conditionné à voir au-delà, depuis toujours, et la ferveur est sans doute la plus puissante arme dans la société actuelle, car elle fait état de la justice élémentaire et de la pureté, là où la plupart des êtres cherchent la puissance dans la corruption et les ténèbres.

    - Conditionné ?...

    - Ton père t'a transmis cette aisance, ce pouvoir, il y a longtemps. Il l'a inscrit dans ton âme, et tu l'as inscrit dans le fer.

    D'un signe de tête l'elfe désignait la chaîne à son cou, où était accrochée une plaque militaire. Le chasseur prit alors la plaque entre ses doigts, et la retourna, observant les quatre mots qu'il avait gravé il y a longtemps.

    - Maintenant et à Jamais... murmura t-il d'une voix adoucie.

    - L'amour qu'il t'a porté, et celui que tu lui accordes à travers la mort et l'existence, sont ce pouvoir qui t'élèvera plus haut, au-delà des perceptions du bien, du mal, du correct et de l'incorrect. Tant que tu conserveras la passion qui t'anime, alors tu n'auras pas de limite au potentiel qui fait le pouvoir.

    Tristan acquiesça une dernière fois, reprenant un air déterminé et lâcha la plaque qui retomba sur le haut de son plastron, avant de disparaître. Il jeta un coup d'oeil à l'endroit où se trouvait la plaque, puis releva la tête et lâcha ses cimeterres, soufflant.

    - Ok, je suis prêt.

    Le prêtre observa le chasseur un instant, puis sourit et envoya une volée d'éclairs lumineux sur lui alors que lui s'élançait en avant, relevant les paumes devant lui au dernier moment pour bloquer l'assaut, résistant. Dans un hurlement rauque, il avança vers son adversaire, repoussant les éclairs toujours plus loin. L'elfe intensifia la force des éclairs qui reprirent le dessus et repoussèrent le chasseur sur plusieurs mètres.

    Ils luttèrent ainsi longtemps, l'un contre l'autre, l'un pour l'autre, se défiant et partageant l'arme la plus puissante qui puisse exister au monde... la conviction.
    Tristan Van Hellsing
    Tristan Van Hellsing


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    Livre - L'ascension du Bélier Gilnéen  Empty Re: Livre - L'ascension du Bélier Gilnéen

    Message  Tristan Van Hellsing Lun 16 Jan - 10:54

    Acte VIII - Mon nom est Sin'Rae (partie I)



    Il y a des années, dans le monde du rêve.

    Il n'y avait que quelques clients à la taverne des Mille Soleils à cette heure, assis dans des coins. Le prêtre discutait avec un autre elfe, un verre à la main, ses cheveux bruns tombant sur ses épaules, vêtu d'une armure de prêtre bleu azur, ses yeux d'un bleu plus prononcé dirigés vers celui assis face à lui.
    L'elfe en question était d'une carrure quasi-identique, cheveux bruns coiffés en queue de cheval, barbe élégante parfaitement taillée, épées aux fourreaux, son armure rouge sang de maille lui donnant un air assassin. Par moments, l'elfe s'esclaffait de rire ouvertement, ses yeux s'illuminant d'amusement.

    - Hahahaha ! Alors là, je n'avais pas ri comme ça depuis longtemps ! Elle t'a giflé devant tes nouveaux collègues d'entrée de jeu ?!

    - Ho oui, répondit le prêtre, riant également. Malia a un bon droit, je crois que le "Crève et oublie pas de souffrir avant" était presque aussi violent.

    - HAHAHA HAHA ! Quelle femme ! Il va falloir que tu me la présentes !

    - Elle est déjà prise, et de toute manière je ne pense pas qu'elle soit ton genre.

    - Ah oui, ton nouveau "chef".

    - En effet.

    - Qu'est-ce qui te prend ? Depuis quand tu te contentes d'être un simple soldat après les postes que tu as tenu ? Capitaine d'une compagnie, second d'une cellule au magistère, chef d'un ordre paramilitaire et maintenant...

    L'elfe but une gorgée de son verre et tenta de reprendre son sérieux progressivement.

    - Ça ne te ressemble pas...

    - Je serais qui si j'avais la prétention de croire que je suis trop bien pour être simple combattant ? Et n'oublie pas que le plus grand des chefs est avant tout le meilleur des soldats.

    - Si tu le dis. L'elfe observa le prêtre un instant puis reprit. On peut dire que ton retour après ces mois fut mouvementé, mais cette histoire avec cette fille... tu vas finir par y laisser ta peau. Les femmes, il n'y a rien de plus dangereux l'ami.

    - En même temps si il n'y avait pas de femmes, nous mourrions d'ennui toi et moi. Il trinqua avec l'elfe avant de boire une longue gorgée. Et puis je l'aime, c'est comme ça, tu peux te fiche de moi mais ça me convient parfaitement.

    - De quoi tu parles allons... l'elfe prit un air désabusé. Tu passais pour être un être sage et avisé, et quand tu te retrouves près d'elle, c'est comme si tu redevenais un soldat qui s'apprête a foncer droit sur le front. Tu ne peux pas concilier les deux et tu le sais !

    Le prêtre haussa les épaules légèrement.

    - Nous allons nous marier, alors il n'y a rien à concilier.

    L'elfe manqua de s'étouffer en buvant, puis secoua la tête en regardant le prêtre.

    - On reparlera de ça, en attendant parlons affaire. Dis-moi... pourquoi eux ? Tu n'as aucun intérêt a te retrouver chez eux. Tu ne manques pas d'argent, tu es bien mieux sur un champ de bataille et pour ce qui est des frontières, elles ne seront pas reprises, même si Arathor s'y met, les trolls ont perdu de leur puissance. De toute manière, si une guerre est engagée, c'est tout le royaume et leur empire qui vont se cogner dessus et ce n'est pas une excellente chose, tu le sais.

    - J'ai mes raisons. Tu connais le dicton... Nous ne pouvons pas les battre, mais le fait de les combattre est ce qui nous rend nous autres mortels, si incroyablement forts.

    - Laisse tomber les dictons et ne me dis pas que c'est pour Anaria ou je te tue moi même.

    Le prêtre parla à voix plus discrète encore, l'elfe réagit et se pencha vers lui, coudes sur la table.

    - Il y a de ça et... Andorhal.

    - Andorhal... l'elfe ouvrit des yeux surpris. Tu n'es pas sérieux.

    - J'ai l'air d'être hilare ? Le prêtre fixa l'elfe qui semblait perdre sa sérénité.

    - Ne fais pas l'idiot ! Tu connais les règles ! Nous ne devons pas influer directement sur les évènements de ce monde. Que tu massacres quelques trolls et mettes ton grain de sel par-ci par-là passe encore... mais Andorhal, c'est trop important, les autres Orh-Khan ne te laisseront pas faire.

    - Tu sais ce qui se trouve à Andorhal, tu sais l'étendue du pouvoir que ça aura. Sans ça, ils ne vaincront jamais Odheas. C'est mon combat, pas le leur.

    - Tu es un partisan de la lumière et du chaos ! Tu as réclamé les cendres de Dol'Garoth, je te rappelle qu'il t'a fallu trois mois pour en revenir et tu as eu de la chance. Tu veux abattre Dol'Muùndur ? Débrouille-toi pour faire agir tes amis mortels, quand à Andorhal, tu oublies. Nous avons fait un pacte, pour Josh'an et pour le reste, on ne viole pas un pacte a la légère !

    L'elfe tapa du poing sur la table, quelques personnes se retournèrent, les regardant un instant, puis reprirent leurs conversations.

    - Je sais ce que je fais l'ami. Et ne t'en fais pas, j'ai plus d'une corde à mon arc, en fait j'en ai deux... quant aux Orh-Khan, je m'occupe d'eux.

    - Je m'occupe d'eux, je m'occupe d'eux... l'elfe imita le prêtre d'une manière des plus ridicules, puis inspira en le regardant. Toi et tes principes.

    -Ça va. Le prêtre tenta de prendre un air rassurant, puis enchaîna. On a suffisamment parlé de ça, la suite.

    L'elfe grogna puis sortit un dossier de son sac et le posa devant lui, jetant un œil à la salle.

    - Bon, la petite est toujours sur les louveteaux, pour l'instant, elle fait du bon boulot. Apparemment au moins deux d'entre eux vous ont tourné autour, toi et tes nouveaux compagnons, quand tu as été recruté dans la fameuse ruelle. D'ailleurs essayez d'être plus discrets. Quand il est venu chercher la jeune Judh sur la place pour réduire en cendres une ferme de Gnolls kidnappeurs d'enfants, ou une bêtise dans le genre, passe encore. Mais ce coup-ci, c'était risqué.

    - Je sais j'étais là, la suite.

    - Hé, je te rappelle que c'est du boulot tout cela ! Bref, Ils ont une sacrée dent contre ta copine, à la moindre occasion, ils la décapiteront dans le feutré, elle et je parie quelques autres, ça tu le sais sinon tu ne les aurais pas rejoints. C'est le même genre que les pérégrins, une alliance de circonstance. Cependant, au moindre signe de faiblesse, vous vous ferez bouffer, sois sur tes gardes.

    Une serveuse s'approcha et déposa deux autres verres, puis s'éloigna vers une autre table, l'elfe but une gorgée de son verre, observant le prêtre qui parcourait le dossier.

    - Donc, les nordiques, comme tu t'en doutes, ils sont loin d'être à leur âge d'or. Ils ne sont plus qu'une poignée et sans leurs chefs, ils ont perdu beaucoup d'influence. Par rapport à tes amis, c'est toujours la même chanson, ils se prennent pour les rois du bois ouest et une bande qui arrive sur leur territoire, c'est une menace. Ils ne vont pas vous attaquer de front, mais ce sera comme pour la sixième compagnie, s'ils en ont l'occasion, ils vous bombarderont auprès de tout le royaume ces nobles de pacotille. Et quand il s'agit de descendre une autre ligue, ils ont de la marge et une bonne élocution.

    - En ce qui concerne les bandits de la forêt brumeuse, menace sérieuse?

    - Menace, bien sûr. Sérieuse, j'en sais fichtre rien, mais votre groupe semble un minimum costaud, vous devriez les gérer facilement. Et depuis la dégringolade du poing et des souillés, on ne les voit plus beaucoup.

    Le prêtre acquiesça, puis montra la frontière Est sur une carte.

    - Bof, c'est calme, s'il y a une nouvelle brigade qui s'organise, mais ce sont des champions du bien et de la vertu blabla... de bons gens a priori, les autres Orh-Khan encouragent ce nouveau clan a prospérer, et je partage leur avis... pour une fois.

    - Parle-moi de la cour.

    - La cour ? Grosso modo les maisons stagnent mais tiennent, comme toujours, pour ce qui est des défenseurs en papier, depuis que Leiz'nan a pris le commandement, ils se sont arrangés. Ce n'est pas encore l'apogée, mais ils ont repris un peu de poil de la bête, faut dire que c'est une nana qui a du caractère, arrogante mais très efficace.

    - Hm hm, pour le reste?

    - L'aube Sanctifiée, tu as plus d'informations que moi. Et pour le reste... S'il parait que les souillés sont revenus sous une autre forme, c'est flou comme information mais bon. Tes amis mercenaires bossent bien, quoique l'on ne les a pas vus depuis quelques temps. A part ça, tes nouveaux amis font un peu parler d'eux, en dehors des clans se forment et se brisent, mais rien de spécial.

    Le prêtre acquiesça à nouveau, ferma le dossier et le rangea dans son sac.

    - A ton tour, dis-moi ce que tu comptes faire.

    - Pour commencer je vais arranger quelques affaires, me marier et m'assurer de lui offrir le meilleur. M'occuper de mes filles, retrouver mon fils, jouer les médecins pour un groupe paramilitaire...

    - Hm hm c'est très bien... et concrètement ?

    - Je me rend a Nal'dien'lan ce soir, voir les gardes et, faire ce que j'ai a faire.

    - Tu t'occupes de l'est finalement...

    - Une partie en tout cas, mais je dois achever mon projet d'ici le mois prochain, et pour ça je dois tenter le coup là-bas. Si ça marche, je prendrais du poids et je pourrais atteindre nos objectifs, sinon, je me rabats sur Lune d'Argent.

    - Tu comptes faire tout ça seul ?

    - Non, le prêtre esquissa un sourire amusé. Je suis un mortel aussi ne l'oublie pas, Aerel a rejoint l'aube et atteint les hautes sphères, ils ont la main mise sur l’académie, pour l'instant. Il sera mon contact en ville et un très bon appui. Lan' est sur les "défenseurs en papier", elle se fait discrète pour l'instant et nous fournit ce dont on a besoin.

    - Tu es sûr d'eux ?

    - Aerel est le plus vieil ami encore en vie que j'ai, je lui fait confiance et personne n'est plus loyal que Lan'. Gan' a rejoint les magistères, il gagne en influence, ainsi qu'auprès de l'école. Il assurera nos intérêts sur l'instruction de Lune d'argent, d'ailleurs le coup à la caserne a marché à merveille.

    Les deux elfes trinquèrent et avalèrent une longue gorgée.

    - Les sombres carcasses ont fait du bon boulot. Reprit l'elfe. Pour le clan d'Ish'nalor ?

    - Desalis est toujours sur eux, mais il est très peu présent en ce moment, problèmes personnels.

    Le prêtre s'arrêta et observa son interlocuteur d'un regard inquisiteur.

    - Et toi, dis-moi sur quelle affaire t'ont mis les instances ?

    - Pour l'instant je suis sur le quartier marchand et ses environs, c'est calme, un peu trop même. Il y a un clan là-bas, mais ils sont si isolés que presque personne ne sait qu'ils existent, et on ne peut pas dire qu'ils cherchent à changer la face du monde. Donc je viens fouiller de ce côté du royaume, ça m'occupe.

    L'elfe se redressa et sourit, buvant son verre jusqu’à laisser le fond.

    - Tu as vraiment l'intention de... la déterrer.

    - Faut croire. Mais si on arrive à rallier suffisamment de monde, je ne l'utiliserais pas. Les mercenaires vont refaire surface au début du mois prochain, ils me donneront un coup de main et on verra bien.

    L'elfe prit une inspiration et fixa le prêtre.

    - Tu vas vraiment te marier hein... Tu es sûr de prendre le risque ? Avec le grand ménage qui arrive.

    - On fera face, rends-moi service, essaie de fouiller par-ci par-là auprès des instances pour en savoir plus sur cette affaire.

    - Je le ferais, après tout cette fois ça a l'air du sérieux et toutes les puissances sont sur le pied de guerre, ça va être le cirque. Nous une fois passé ça tout ira bien, mais toi... Tu sais que le solstice d'hiver arrive, et ce coup-ci ce ne sera pas une épreuve de second plan, il y en a pas mal qui te donnent perdant, tu vas y laisser ta peau, pour de bon cette fois.

    - Nous verrons bien.

    - Tu penses qu'un jour on pourra se la couler douce sur la plage, comme au bon vieux temps ?

    - Je l'espère mon frère, je l'espère.

    - En tout cas, pour l'instant, ton numéro de gentil petit prêtre qui fait joujou avec des potions et des plantes a l'air de fonctionner. Essaie de continuer à faire "bonne impression".

    Les deux elfes rirent de bon cœur et trinquèrent avant de terminer leurs verres.
    Tristan Van Hellsing
    Tristan Van Hellsing


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    Livre - L'ascension du Bélier Gilnéen  Empty Re: Livre - L'ascension du Bélier Gilnéen

    Message  Tristan Van Hellsing Lun 16 Jan - 10:54

    Acte IX - Mon nom est Sin'Rae (partie II)



    Le souvenir s'éteignit brutalement, Tristan ouvrit les yeux presque aussi instantanément, pris d'un mal de tête, il porta sa main à son crâne qu'il massa doucement, soupirant. Il était allongé sur le sol, dans le même vide l'entourant, le vide de son esprit, vêtu de son armure d'écailles comme neuve, ceinture et cimeterres solidement attachés. Ses cheveux d'un noir cendre lui tombant sur le visage, propres et pour ainsi dire soyeux, sa barbe charismatique bien entretenue, tout comme son air mal rasé qui lui allait comme un gant.
    Il ferma à nouveau ses yeux d'une teinte sombre noirâtre, avant de les rouvrir vers le prêtre. Ce dernier quant à lui, était assis sur un tabouret de bois de chêne qui n'avait pourtant rien à faire là, les coudes sur les genoux, doigts croisés. Son regard soutenait celui du chasseur, un regard apaisé a priori, mais qui ne pouvait cacher une infinie lassitude.

    - Le prêtre de mon souvenir, c'était vous.

    Tristan fixait le prêtre qui resta silencieux un instant, avant de cligner lentement des yeux pour répondre d'une voix assurée.

    - Mon nom est Sin'Rae.

    - Vous êtes le protagoniste de l'attaque de la caserne qui a eu lieu il y a dix ans, nous soupçonnions un elfe...

    - C'est exact, répondit le prêtre d'un signe de tête approbateur. Le sien et celui de quelques autres.

    - Et vous êtes celui qui a tué les chefs sectaires de Tyr, ça aussi, j'en ai entendu parler à Stratholme.

    - J'ai fait beaucoup de choses dans ma vie, certaines choses dont je suis fier, d'autres moins, d'autres qui ont servi à changer certains évènements, et d'autres encore, qui ont été vains.

    Le prêtre marqua un temps, puis reprit en élevant un peu plus la voix.

    - Nous étions les Orh-Khan, un groupe d'individus investis de pouvoirs différents, liés par le même but au sein d'une confrérie, la confrérie d'Hillsbrad. Nous avons oeuvré ensemble, dissimulés dans les clans et les organisations de diverses races. Gardes humains, maisons elfes, compagnies naines, académie, magistères... et bien d'autres, plus ou moins équivalents. Capitale ou postes frontières, nous n'étions pas plus puissants que d'autres, ni plus imposants, nous étions une famille qui longtemps a observé l'évolution du monde d'en bas, assisté le plus souvent, intervenue parfois, protagonistes à certaines occasions. Notre objectif était précis, savoir tout, être partout, ne jamais être découverts. Seuls importaient le pouvoir et la connaissance pour atteindre un ennemi redoutable qui n'a eu de cesse d'apporter le malheur dans l'ombre et la perfidie.

    Le prêtre baissa la tête, pensif, alors que Tristan se contentait d'écouter, l'observant avec attention.

    - Nous étions une famille, et nous nous sommes protégés les uns les autres, pour la plupart, nous étions ceci, ou cela. Chacun avait un rôle, important, ou simple, nous n'étions personne, des hommes et femmes parmi tant d'autres, dans l'ombre nous avions le pouvoir de vouloir, de décider de nos choix.
    Mais au-delà de ça, nous menions notre propre guerre, nous avions notre ennemi, les batailles se sont enchaînées, certaines victorieuses, d'autres non. Nous combattions contre le chaos qui venait nous chercher et nous observions les vivants vivre et s'entredéchirer. C'était un travail sans fin...

    - Que s'est il passé ? Dit le chasseur, la voix attristée, alors que les émotions du prêtre, remontant au souvenir, l'envahissaient comme si c'était les siennes, la peine, la détermination, la colère, l'espoir et la peur.

    - Nous avons mené une dernière bataille, et nous avons gagné, mais le prix à payer fut trop important, et ce qui fut ma famille, a dû se cacher. Certains de mes frères et soeurs sont tombés, et pour ceux qui ont survécus, ils ont disparus dans le néant et l'immensité du monde.

    - Je suis désolé...

    Tristan se redressa assis, appuyé sur une main, l'autre bras affalé sur son genou, ses mèches lui tombant devant les yeux. Il fut pris d'un air compatissant et peiné face à la solitude du prêtre, qu'il ressentait, sentiment qu'il ne pouvait s'empêcher de partager et comprendre. Le prêtre releva la tête vers lui, le visage fermé, finissant par sourire en coin, alors que le chasseur observait le sol.

    - Mais pendant ma mission, j'ai découvert autre chose, une chose que j'avais perdu depuis longtemps, une chose qui a fait de moi l’être que je suis aujourd'hui. La passion, la passion pour une femme, qui me mena à l'amour, et cet amour me mena vers une autre facette de la vie, vers une famille, différente, belle et éprouvante.

    - J'ai vu... Anaria, vous deviez vous marier.

    Tristan leva les yeux vers le prêtre, qui acquiesça.

    - Je devais, et je l'ai fait, en dépit des obstacles, nous sommes allés jusqu'au bout, car le lien que nous partagions était plus fort que la difficulté qu'avait amené cette passion. Nous nous sommes mariés et j'ai fait au mieux pour prendre soin de cette famille que le ciel m'avait donné, et malgré le dénouement, je ne garde aucun regret, seulement des remords, et je conserve cet amour. La famille Tristan, le lien qui unit ses membres...

    - Est le bouclier qui protège cette famille, et l'on doit faire au mieux, pour que ce bouclier reste le plus fort... Termina le chasseur, souriant légèrement.

    - Apprends de moi Tristan, apprends de mes erreurs, et de mes bonnes décisions, je ne t’ai pas choisi par hasard, tu le comprendras avec le temps, et les souvenirs. Duran compte sur toi, ton frère également, ainsi que ton mentor. Peu importe si cette destinée est la tienne ou non, le ciel t'a donné une raison à toi aussi, si tu la retrouves en dehors de ces murs, alors ce sera à ton tour, de tenir ta promesse. Et si tu devais ne pas la trouver, alors n'aie pas de regrets, car tu auras fait au mieux, et c'est le plus important.

    - M'oui, sûrement.

    Le prêtre finit par se lever, s'appuyant sur ses genoux, et laissa un temps de silence et de réflexion au chasseur, avant de s'adresser a nouveau à lui, avec un air plus familier.

    - Ta formation est en bonne voie, et je sais que tu sauras utiliser ces connaissances pour accomplir ton devoir, envers ton père, envers ta famille, envers moi, et envers tes alliés. L'ennemi dont je te parle vit toujours, et s'apprête a ressurgir, mais ils ne sont pas invulnérables... c'est envers cette cause qui en vaut la peine, que tu dois accomplir ton devoir. Et si tu perds ce droit également, alors n'aie pas de regret, car tu auras fais au mieux, tu auras été toi-même.

    Tristan observa à nouveau le prêtre derrière ses mèches voilant ses yeux, avant de se relever.

    - Nous verrons.

    Le prêtre hocha lentement la tête, souriant doucement, puis murmura quelques mots qui résonnèrent dans le néant. Tristan fut pris d'un nouveau rejet brutal, sursautant alors qu'il était adossé contre le mur de sa cellule. Cette fois le mal de tête fut plus long et douloureux. Le chasseur n'était plus le même, son armure avait laissé place à un semblant de tunique ternie par la poussière et la crasse, dépourvue de ceinture, d'armes, de gants et de bottes.
    Là où étaient attachés ses brassards, de lourdes chaînes métalliques emprisonnaient ses poignets, reliées au mur de pierre.

    Ses cheveux tombant sur son visage, gras et humides, ledit visage déformé par la fatigue et l'enfermement. On pouvait voir à la quantité de poils sur son visage qu'il ne s'était pas rasé depuis longtemps. Le jeune soleil de sa famille s'était couché, pour l'instant, et il n'était physiquement que l'ombre de lui-même, se délaissant.
    Repoussant la plupart du temps la nourriture immonde qui lui était accordée, alors que les entraînements par le rêve et la présence de cet elfe étaient de plus en plus éprouvants, l'épuisant au possible. Il tenta de lever ses mains, sans succès, avec l'impression que ses bras pesaient des tonnes, la vision floue, mais il s'efforçait de tenir le coup.

    Pour autant il voulait continuer, il sentait pour une raison ou une autre, qu'il devait poursuivre, même si les doutes étaient présents. Cette sensation lui arracha un léger sourire satisfait, au-delà de sa condition, elle lui apportait un peu de chaleur au plus profond de son âme. Peu importe la difficulté, il avait une nouvelle chance de faire quelque chose de sa vie, et cette fois, il ne voulait pas manquer cette opportunité.
    Tristan Van Hellsing
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    Message  Tristan Van Hellsing Lun 16 Jan - 10:54

    Acte X - Le culte de l'Aiguille Noire (Partie I)



    Il y a des années, dans le monde du rêve.

    Sin'Rae était près de la place marchande de Lune d'Argent, discutant avec une elfe à la chevelure bleuâtre et un autre similaire et pour le moins étrange, l'air nerveux aux tremblements de ses membres, plus loin une autre tournait en rond dans le quartier, dégageant la froideur de son attitude à chaque avancée de son destrier, vêtue de son armure noirâtre à l'épaisseur impressionnante, ce qui ne manquait pas d'attirer les regards des passants et commerçants. Elle finit par se rapprocher puis s'arrêta dans un coin du bâtiment derrière le prêtre.

    - Elle fait comme elle veut, dit l'elfette face au prêtre, l'observant.

    - Ah bon ? Pourtant tu en avais des choses à dire hier. Répondit-il, bras croisés et l'air contrarié.

    Elle chuchota à l'autre à côté de lui qui lui répondit, puis regarda Sin'Rae et répliqua sèchement.

    - Tu voulais me dire autre chose ?

    Le prêtre tourna le regard de côté, se sentant observé.

    - Non rien, oublie, je dois te laisser.

    Ce dernier s'éloigna vers la ruelle proche, suivi du regard par les deux compères se mettant à parler à voix basse en tournant les talons. L'elfette à dos de destrier finit par donner un coup de talon à sa monture qui prit la même direction. Elle aperçut le prêtre qui s'était arrêté au tournant, puis reprit sa route, sereine, et le suivit jusqu'au commerce face au pont.
    Sin'Rae entra à l'intérieur et referma, tandis que la cavalière venait s'arrêter face à l'entrée, puis se mit à observer les environs. A l'intérieur la porte s'était refermée dans un grondement brisant un silence parfait, le prêtre monta les escaliers après avoir traversé lentement la pièce. Arrivé en haut, il observa longuement l'étage, où se trouvaient une table et deux chaises vides, des morceaux de tissu laissés ici et là. Le prêtre jeta un œil en bas, puis reporta son regard sur une des chaises vides.

    - Tu peux te montrer Shïna.

    Une silhouette apparut sur la chaise en question, une elfe s'y trouvait assise, les doigts et jambes croisés, ces dernières serrées par sa tenue de cuir verte et or, ses yeux couleur bleu intense et visibles derrière sa capuche, elle se leva et esquissa un sourire au prêtre.

    - Bonsoir Saleth.

    - Bonsoir.

    - Ça faisait longtemps. Reprit-elle en prenant le temps d'observer l'elfe de haut en bas avec un regard charmeur. Cinq mois, à peu de choses près... tu n'es plus blond ?

    - Non... je ne suis plus blond, j'avais envie de changement. Le prêtre sourit à la jeune elfe, amusé, ou ce qui en approche derrière son air las qui ne le quittait pas.

    - En tout cas, tu n'as pratiquement pas changé, mis à part tes vêtements, depuis quand portes-tu la tenue de l’académie ?

    - Depuis que je suis prêtre de bataille, j'ai dû apprendre à faire quelques concessions.

    - Ils t’ont donné ce grade ? Étrange, j'avais entendu dire que tu étais devenu... animal.

    - Devenu ?

    - Ou redevenu.

    Ils échangèrent un sourire complice, puis elle se rapprocha de lui. En bas, un elfe de plus arrivait de l'autre coté du pont, passant entre deux étudiantes se hâtant vers la place des Pérégrins et observait celle devant la porte, qui soutenait son regard un moment.

    - Alors, quelle est leur décision ? Dit Sin'Rae avec un ton presque détaché.

    - Ils acceptent le pacte, le culte estime que tu es en droit de le récupérer, mais ce ne sera pas simple, ni sans conséquences. Mais tu connais le culte, ils ne sont pas du genre a rendre les choses agréables.

    - Si c'était le cas je ne serais pas là. Quelles sont les conditions du marché ?

    - Tu dois réaliser un rituel. La jeune elfette d'apparence lui lança un sac banal, en tissu marron-gris.

    Le prêtre ouvrit le sac et l'inspecta non sans une certaine méfiance, à l'intérieur, un ouvrage, une coupe dorée gravée de symboles et divers documents.

    - Tu dois accomplir un rituel très précis, reprit-elle en observant Sin'Rae. Tu dois prouver que tu mérites de récupérer cette âme, pour ça, tu dois justifier la confiance de personnes proches. Le cercle n'est pas en droit de t'épauler sur ceci, Lianthas, Anaria et Cyrilian doivent obligatoirement être présents, le culte va également t'envoyer un chevalier du chaos, tu devras le convaincre et t'acquitter de son aide.

    - Dis-moi... en quoi consiste ce rituel ?

    - Il te faudra faire bénir cette coupe par un saint, maudire par un monstre, l'ombre doit l'imprégner, pour ça, tu pourras compter sur tes femmes. Ensuite, il faudra te rendre dans des catacombes, là où les esprits torturés subsistent, ils devront être témoins. La suite sera plus... douloureuse.

    Le prêtre leva la tête et la fixa de ses yeux saphir scintillants, reflétant ceux de l'elfe entre les mèches brunes.

    - Connaissant le culte, je ne serai pas le seul à en souffrir...

    - Non, dit-elle en souriant. Tu dois donner du tien, mais pour apporter la justice liée à la faute, tu dois amener la fautive et son héritière.

    - Anaria et Cyrilian...

    - Exact, il faudra le sang du père, qui a laissé faire sans savoir, les larmes de la mère, qui a trahi et la chair de sa fille, qui doit payer pour son parent.

    - C'est trop peu difficile, il y a autre chose...

    Le prêtre abaissa les mains, et inspira.

    - Il y a toujours autre chose, les esprits devront être présents, mais pour accomplir le rituel, le culte enverra un intermédiaire de leur choix qui ira dans les limbes.

    - Un intermédiaire ? Dis-moi, pourquoi est-ce que je sens le piège venir de loin...

    - Parce qu'il est dangereux, très dangereux.

    - Quelle sont les clauses qu'ils réclament?

    L'elfette le regarda avec une douceur dévoilée, n'osant pas répondre, puis se résigna, la voix tintée de tristesse.

    - Si tu accomplis le rituel, son âme sera rendue, mais tu devras donner la tienne en échange... si tu échoues, il restera dans le néant et tu mourras sur le champs.

    Le prêtre referma le sac, le regard vide, comme si cela ne l'atteignait pas.

    - Une façon de se débarrasser de moi pour de bon. Me laissent-elles un sursis en cas de réussite?

    - Ils ne te prendront pas avant que tu accomplisses l'épreuve du solstice d'hiver, ensuite, tu devras respecter ta part du marché. Je te connais assez bien pour savoir ta réponse, mais je dois te poser la question, acceptes-tu?

    - J'accepte. Rétorqua t-il sans hésiter, levant à nouveau son regard vers elle.

    L'elfette ferma les yeux, laissant couler une larme sur sa joue, puis le regarda avec un amour visible.

    - Rien ne t'oblige à faire ça... ce n'est pas à toi de payer.

    - Bien sûr que si, de toutes les manières, c'était à prévoir.

    - Sal'...

    - Passons à autre chose tu veux, je ne veux plus en parler avant d'avoir fait ce que j'ai à faire.

    L’elfette acquiesça, au même moment un elfe au visage couvert d'un masque rouge entra dans le grincement tinté de la porte, accompagné de celle en armure noirâtre, sa chevelure blanche tombant sur ses épaules. Au-dessus, le troisième jeta un regard par-dessus la balustrade, puis revint au prêtre.

    - Il arrive demain.

    Le regard du prêtre s'intensifia dans le sien, comme cherchant à deviner ses pensées, avant de se résigner.

    - Demain... donc ils y sont parvenus.

    - On a tout fait pour les stopper, mais ces mages noirs sont soutenus par une force que nous n'avons pas encore identifiée, j'ai vu Gan' hier, lui et l'un des forestiers de la garnison Est l'ont repéré non loin de l'île... sous sa forme d'origine.

    - Alors il est plus fort que jamais, on ne pourra pas le vaincre même tous réunis.

    - On le sait bien, le cercle se rassemble pour mettre au point un plan, pour ton ordre il va falloir faire sans nous, tout ce que je peux te dire, c'est que l'académie n'est pas au meilleur de sa forme et les magistères s'enlisent dans des débats sans fondement. A mon avis, ils ne vous poseront pas problème dans l'immédiat.

    - J'ai peut-être un plan pour la bête, mais il faut se réunir au plus vite... au cas où je ne suis plus disponible pour cause de décès.

    L'elfette sourit, puis fit signe aux deux autres en bas. L'armurée s'immobilisa un moment, se concentrant, le second quant à lui sortit et observa les alentours avant de revenir. En haut, elle se contentait de patienter, reportant son attention sur Sin'Rae qui semblait ailleurs.

    - Les principaux membres du cercle seront présents demain, pour les autres, rien n'est certain mais ça devrait être possible. Où et quand ?

    - Dalaran, aux environs de quinze heures.

    - Je vois, parle-moi un peu de ton plan.

    - Le culte...

    L'elfette armurée finit par sortir de sa concentration et observa le prêtre alors que celle face à lui restait stoïque, le fixant déjà depuis un moment.

    - Viser directement le culte... tu veux dire... tu es sérieux?

    - Le petit frère m'a dit la même chose pour Andorhal, répondit-il en souriant, plaçant finalement le sac sur son épaule. Je dois aller au refuge récupérer le sac qui contient tout ce que j'ai sur eux, j'ai un spécimen en liberté qui pourra servir de catalyseur.

    - Bien... j'en ferai part aux autres, on se retrouve donc demain.

    - On se retrouve demain.

    L'elfette acquiesça à nouveau, puis s'approcha de lui qui l'observait sans cesse. Elle s'arrêta, contempla ses yeux puis l'embrassa avec douceur. A contrecœur elle finit par reculer le visage, esquissant un léger sourire et murmura :

    - Au fait, je suis au courant, j'imagine que je devrais te féliciter pour ton mariage, mais vu la situation...

    - Et tu n'as jamais su me mentir, alors je ne t'en veux pas.

    Sin'Rae lui rendit son sourire, suivant des yeux l'elfette qui descendait les marches et se dirigeait vers la porte. Elle s'arrêta en route et lui accorda un dernier regard.

    - Bonne soirée mon bel amour.

    - Au revoir ma douce... dit-il d'une voix tendre.

    Elle disparut soudainement, la porte s'ouvrit d'elle-même puis se referma dans un claquement.
    Les deux étaient restés silencieux et immobiles, fixant le prêtre. Ce dernier finit par descendre les marches et s'arrêta face à eux.

    - Tu as rendu Ema à ses pairs ? Dit-il a l'elfe masqué, celui-ci acquiesçant. Bien, assure-toi que tout se passe comme prévu.

    Il tourna aussitôt les talons rapidement et sortit sans un mot. Sin'Rae observa ensuite la dernière présente, celle-ci plongeait un regard semblant vide dans le sien, les mains jointes dans le dos et droite comme une lance.

    - Que compte-tu faire?

    Elle dévoila ses crocs, puis dessina une tête de mort brumeuse dans l'air avec sa main.

    - Un homme, il a abattu un jeune garçon qui visitait ses récoltes, sa femme a jeté son corps dans le fleuve après l'avoir dépouillé de ses vêtements pour les offrir à leur fils. Ils ont l'air succulents...

    La voix de l'elfette, sombre et froide trancha le silence de la pièce avec une rudesse aiguisée, passant sa langue sur sa lèvre inférieure avec un plaisir non caché. Sin'Rae marqua un court temps, la tête de mort, elle, disparaissait dans une plainte inhumaine.

    - Je vois, quand tu auras fini, brûle les corps et amène-moi l'enfant... il ne doit pas y assister.

    Elle esquissa un sourire cruel et sortit à son tour, laissant le prêtre seul, ce dernier marqua un temps de solitude, avant de saisir le sac et l'ouvrir à nouveau, en sortant l'ouvrage.

    Un livre épais à la couverture de cuir noir, en lettres d'or était inscrit "Le livre des vérités". Des souvenirs traversèrent l'esprit du prêtre. Le dos d'Anaria couvert de runes, la fin du Conclave et les ruines Nagas de la grande mer au nord.
    Il finit par refermer le sac après avoir déposé l'ouvrage et sortit de la pièce, laissant le silence s'abattre à nouveau sur cet endroit à l'abandon, un silence triste et tourmenté.
    Tristan Van Hellsing
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    Message  Tristan Van Hellsing Lun 16 Jan - 10:55

    Acte XI - Le culte de l'Aiguille Noire (Partie II)



    Tristan sentit à nouveau ce désagréable rejet, secouant la tête fortement, pour essayer de le repousser, ce qui, en réalité, n'avait fait qu'aggraver cette migraine. Il se releva assis, dans la position du sage jambes croisées, bras relâchés sur ses genoux, à nouveau propre sur lui et sentant ce parfum à l'odeur de la forêt. A côté de lui, le même tabouret de chêne, la même lassitude dans les yeux du prêtre, cette même robe blanche éclatante. Mais cette fois il n'était pas assis sur le fameux tabouret, mais debout, mains dans le dos, droit et immobile.

    - Ce rituel...

    Le chasseur sentit les pensées du prêtre remontant au souvenir l'envahir, comme un flot de sensations et d'émotions lui faisant tourner la tête, c'était à la fois désagréable et offrait ce sentiment de compréhension qui apporte une véritable satisfaction.

    - C'était pour récupérer l'âme de votre fils... Sïrhan. C'est Anaria, elle l'a échangé contre la compensation de ce culte, l'Aiguille Noire.

    - C'est un peu plus compliqué, mais l'idée est là.

    - Quel est ce culte?

    - Pour te faire un gros résumé historique dirons-nous... Le prêtre prit une inspiration, bombant légèrement le torse avec lassitude, et leva légèrement le ton plus audible, récital.

    "Le Culte de l'Aiguille Noire, une... secte mystérieuse et très puissante, qui a depuis longtemps étendu son influence, en mettant son grain de sel perverti dans tous les maux que connut Azeroth ces cent dernières années. Oeuvrant depuis d'autres plans magiques, les dirigeants de la secte agissent au travers d'agents et de créatures de toutes sortes à travers le monde connu, ce afin d'implanter les aiguilles du pouvoir et de la corruption, désireux d'atteindre leur but ultime, l'enfer. Il fut écrit par Alonsus Faol, grand représentant de l’église dans l'histoire, qu'il existerait une après-mort, la continuité du cycle qui mènera chaque âme vers la dernière destination.
    Dans cet outre-monde, se trouverait une destination qu'est l'enfer, la pire des dimensions démoniaques où sont envoyées les plus infâmes créatures et criminels de l'univers tel qu'il est connu.
    Un lieu de mille souffrances basé sur plusieurs niveaux descendant en cercles concentriques selon la gravité du péché, et tout en bas, dans les plus éloignées profondeurs, la source du mal et de la corruption. La plus immonde créature qui eut jamais existé, tenue de trois têtes, chacune destinée à dévorer les pires d'entre eux. Ainsi le culte, persuadé de l’existence de cet enfer, a voué la sienne à apporter le chaos et l'anarchie à travers Azeroth, afin de pousser les mortels à la faute, et en faire des criminels et des monstres, qui seront accaparés par l'enfer. Un immense jeu d'échecs à leurs yeux, où le but est d'obtenir le plus de pions possible dans leur camp, quand viendra l'apocalypse, la fin du monde et de toute âme dans ce plan d'existence. Mais contrairement à la plupart des forces néfastes, eux ne s'adonnent non pas à la destruction et l'attaque frontale, mais à la corruption, et l’empoisonnement par l’intermédiaire d'actions dans l'ombre, dans l'unique but du chaos."

    Tristan fronça les sourcils, fixant son homologue qui observait le sol en parlant, tandis qu'un flot de pensées propres cette fois l'envahissait, mêlées aux questions, et à l’étonnement de ce qu'il entendait.

    - L'enfer ?...

    - En effet. Une croyance en une vie après la mort, en un monde gouverné par le mal absolu, maître du désespoir et de la souffrance des âmes mortelles.

    - Mais... Le jeune gilnéen eut un mouvement de recul de la tête, l'air perdu. Si cette secte est aussi puissante, comme se fait-il qu'elle est secrète ?

    - Le pouvoir de la discrétion, et la sournoiserie bien sûr. Répondit le prêtre, qui leva ses yeux sur lui. Bien entendu, certains ont tenté de les combattre. Des chevaliers, aventuriers, des compagnons d'armes, et même des groupes entiers. Mais au fil du temps, un seul a survécu et combat encore aujourd'hui ce mal.

    - Un groupe ?

    Tristan relevait le regard à son tour, et montrait un intérêt et une docilité qu'il n'avait jamais arborés depuis des années.

    - La confrérie d'Hillsbrad. Un groupement de champions ayant décidé de combattre les fanatiques, au prix de nos vies et de nos vécus. Multiraciale évidemment, affiliés à l'Alliance pour la plupart, des hommes, des elfes, des nains, des gnomes... la perfidie du culte ne s'étend pas qu'au royaume de Quel'Thalas.

    - Et pourtant, vous avez décidé de pactiser avec eux. Rétorquait Tristan avec plus d'affirmation, maintenant ses sourcils froncés.

    - Oui, c'est un choix dont je ne suis pas fier, mais qui n'avait pas d'autre alternative, car parfois, il est nécessaire de se retirer du principe pour la nécessité.

    - La nécessité... l'âme de votre fils.

    Le jeune gilnéen reporta son regard sur le sol, relâchant les traits de son visage, sous l'observation du prêtre qui n'avait pas fait le moindre mouvement.

    - Son propre fils. Reprit Tristan. Anaria a envoyé dans les limbes son propre fils, pour rejoindre le culte, pour le pouvoir... comment a-t-elle pu...

    - C'est une femme qui a eu un passé difficile, éprouvant, et malgré ses efforts, elle a tendance à affecter ce qui l'entoure et faire des choix qui ne mènent qu'à la destruction. Elle attire, elle blesse, elle détruit. Ce n'est pas une volonté, mais plutôt une conséquence de la façon dont la vie l'a conditionnée. Il n'existe pas d'archétype, généralité peut-être, mais chacun évolue selon ce que la vie a fait de lui, et les décisions qu'a prises cette personne.

    - Vous arrivez encore a la défendre après ce qu'elle vous a fait, après avoir vendu son fils pour le culte ? J'ai vu en vous, elle a envoyé son fils dans les limbes, et vous avez donné votre vie en échange de la sienne... vous allez mourir, c'est la raison pour laquelle vous m'avez cherché pour me former n'est-ce pas ?

    Sin'Rae se tourna et marcha vers le vide sur quelques pas, avant de s'arrêter, demeurant dos à lui, suivi par Tristan qui reprenait.

    - Vous cherchiez quelqu'un qui sait ce que c'est que la fatalité, la souffrance, et la réalité. Quelqu'un qui sait ce qu'est être brisé, et survivre malgré soi, qui n'a plus rien à perdre, quelqu'un d'anonyme. Vous m'avez choisi moi, justement parce que je ne suis ni un héros, ni un champion. Quelqu'un qui puisse reprendre cette mission désespérée à votre place, maintenant que vous l'avez abandonnée.

    Le prêtre sourit doucement, et soupira avant de répondre.

    - Tu es intelligent Tristan, très intelligent, et profondément empathique à la vie, malgré que tu la rejettes. C'est pour ça que je t'ai choisi plus qu'un autre. Cette capacité à rester en vie dans la désolation et le profond désespoir, envers et contre toute envie, cette impossibilité de te laisser mourir même au fond d'un cachot sans avenir, et dans la solitude. C'est vrai, tu n'es pas un héros, tu n'es pas un champion, ni un homme noble et plein de prestige. Tu es un survivant, Tristan, un survivant.

    Un silence s'installa, et le gilnéen resta ainsi figé, se perdant dans la couleur grisâtre du marbre froid, et vide.

    - En effet, j'ai pris des décisions et ce que j'ai fait, je l'ai fait pour ma famille, et je continue a œuvrer pour elle. Quant à mon fils, il est mon sang, ma vie. Tant qu'il vivra, j'existerai. Mais mes connaissances, et mon combat doivent survivre à mon châtiment. Anaria m'a peut-être tué par ses choix, mais c'est une conséquence, non une volonté. Elle est ce qu'elle est, et elle reste ma femme, comme je reste son époux.

    - Alors pourquoi attendez-vous de moi que je poursuive ce combat, s'il ne peut pas y avoir de changement ?

    Tristan se redressa face à lui d'un appui de sa main, alors que Sin'Rae restait immobile.

    - Je vous l'ai dit, reprit le chasseur. J'ai vu en vous, vous voulez faire de moi un pion, vous attendez de moi que je me sacrifie là où vous n'avez pas pu le faire. Que je nourrisse cet affrontement, que je prenne votre place à la confrérie qui finira sans doute anéantie. Et votre fils, vous attendez que je le conserve, car vous refusez de le confier à sa mère, par peur qu'elle le blesse, ou le détruise, comme elle l'a fait avec vous, avec ceux qui vous ont précédés, et ceux qui suivront. C'est ça la mission que vous voulez me confier, votre fils, votre sang... votre vie.

    - Je suis condamné, c'est certain, et il ne me reste plus beaucoup de temps.

    Sin'Rae finit par se retourner face au chasseur, dont les yeux étaient comme à leur habitude, voilés par ses mèches.

    - Je te l'ai dit, je ne t'ai pas choisi par hasard, nous avons un passé similaire, des goûts similaires, comme la solitude, comme la famille, les femmes qui ont fait battre nos coeurs se ressemblaient. Anaria est sur bien des points identique à celle qui était tienne, et qui t'a amené à la même situation que moi. Leurs passés, leurs blessures, leurs désirs, leur instabilité et leur aptitude à détruire ce qui les entoure, aptitude due à ces blessures... pas à une volonté même de détruire.

    Tristan baissa la tête, réalisant ce que le prêtre disait, réalisant que ses paroles, quel que soit son ressentiment, étaient vraies. A cette pensée, les défenses du chasseur tombèrent, en dépit de ses efforts, lui apôtre du libre arbitre. L'idée d'une destinée les liant se renforçait chaque jour, et il ne pouvait plus affirmer le contraire.

    - Notre détermination, notre vécu, nos proches, nos choix, nos faiblesses, nos rêves. Nous sommes pareils toi et moi, nous avons été conditionnés par ceux qui nous ont élevés, sur un chemin similaire. Il existe une chose, qui fait que cette destinée nous liait, quand tu la découvriras, tu réaliseras.

    - Quelle chose ?

    - Pas encore, pas maintenant, cette révélation te viendra bientôt, pour l'heure, tu dois comprendre. Ce pacte que j'ai fait, en a amené un autre, ce que j'ai fait je l'ai fait pour mon fils, et pour mes autres enfants, pour ma famille, et pour ma mission.

    Tristan fronça les sourcils, intrigué et appréhendant.

    - Qu'est-ce que ça veut dire Sin'Rae ?

    - Je vais mourir, c'est un fait, et mon âme sera consumée par les flammes de la création.

    Le gilnéen ouvrit les yeux, surpris, sentant comme un véritable coup de poing en plein coeur, il ne s'attendait pas à ça, tout comme il ne s'attendait pas à cette réaction de sa part. Il porta la main à son coeur, grimaçant légèrement, se perdant dans cette sensation. Le prêtre lui l'observa un moment, puis sourit doucement.

    - Tu ressens ce que je ressens, ça commence.

    - Que... le chasseur relâcha un léger soupir de douleur, serrant les dents. Qu'est-ce que vous racontez, c'est quoi cette histoire de commencement et de création ?

    - Lorsque mon âme quittera ce monde, elle sera détruite, une existence prend fin pour qu'une autre demeure, j'aime mon fils, et j'accepte le prix à payer. Mais je ne compte pas accepter de disparaître ainsi. Je ne te confie pas seulement une mission Tristan, je te confie mon enfant, ma vie, mes pouvoirs, et à travers eux, ma mémoire, mes souvenirs, mes connaissances.

    - Vous... Tristan tomba à genoux dans un souffle douloureux alors qu'il sentait un violent spasme, la main écrasant sa poitrine, cherchant à retirer la douleur.

    - Je te donne tout ce que je suis, et quand mon âme sera détruire, Sin'Rae survivra, à travers Van Hellsing. Tu seras les crocs de Raz-de-Néant, comme je l'ai été, tu deviendras plus puissant qu'aucun des membres du cercle jamais ne fut, et mon essence t'emplira de l'énergie dont tu auras besoin pour vaincre tes ennemis, et ceux que je te délègue. Pour protéger ma vie, mon fils, pour veiller sur ma famille, sur la tienne et pour mener à bien cette guerre qui connaîtra sa fin, comme toute chose. Il te faudra du temps, pour comprendre ces pouvoirs, et t'en servir, mais au bout de ce long voyage, tu seras. Je ne te parle pas de magie, ni de lumière, ni de ces choses brutes qu'ils appellent pouvoir, je te parle du véritable pouvoir, du coeur, et de l'âme, le potentiel à celui qui n'est qu'un homme.

    Tristan tomba face contre terre dans un grognement libérateur alors que la douleur s'estompait, l'ayant vidé de ses forces. Les mèches frottant la pierre sous son visage appuyé contre elle, cherchant vainement à se redresser à l'aide de ses mains.

    - Tu deviendras un champion, Tristan. Reprit l'elfe, venant mettre un genou a terre à côté de lui, posant la main sur son dos. Non pas de la lumière, d'un quelconque ordre, ou d'une quête, tu seras un vrai champion, celui qui se fait dans l'attache, les valeurs et éloigné de toute notoriété, celui qui agit par lui-même, pour ce en quoi il croit. Celui qui est son propre pouvoir.

    - Je... je.... ne vous... Tenta vainement de rétorquer Tristan d'une voix souffrante et essoufflée.

    - Tu seras plus que ça, j'ai besoin de toi, champion, tu es la dernière défense qu'il me reste. Je te confie ce que j'ai de plus précieux au monde, et ce que je suis, fais-en bon usage.

    Le gilnéen finit par sentir une onde de lumière traverser son corps et son coeur, retrouvant de nouvelles forces, différentes, plus affirmées, plus solides. Le prêtre se releva calmement, reculant de quelques pas, alors que le chasseur marquait un temps, puis se redressa d'un bond, son dos et ses phalanges craquant sous l'impulsion. Il souffla, repoussant ses mèches dans l'air, puis tourna la tête vers le prêtre.

    - Qu'est-ce qui vous fait croire que j'accepterais, prêtre?

    Le prêtre sourit, sûr de lui, et répondit tranquillement.

    - Parce que je vois en toi, et qu'à présent tu vois en moi, nous sommes déjà liés, et quand le pacte sera accompli, il n'y aura plus de barrière à ce lien, et à ton pouvoir, par ma disparition. A travers ma mémoire, tu auras mes forces et mes émotions, avec ta rage et ta force, tu deviendras plus qu'un héros, tu deviendras utile.

    Tristan se fixa, immobile, tout comme son regard, qui ne quittait pas l'elfe face à lui qui semblait d'une sérénité imprégnée.

    - En quoi consiste ce lien... ?

    - Tu le découvriras en même temps que tu trouveras la révélation que je t'ai promise. Nous sommes similaires en tout point, mais il demeure certaines choses qui font que tu l'emporteras là où j'ai échoué. Tu es, et tu as, toujours eu ce don de tisser des liens avec ceux qui t'entouraient, comme une connexion à l'existence étrangère de l'accablement que certains perçoivent. Tu attires, tu repousses, tu t'adaptes et te fonds en eux, involontairement ou volontairement. Tu n'en as pas conscience, mais ta vie est un cadeau, un cadeau que tu as su conserver au plus profond de ton être, malgré tes mille peines, malgré ton apparence asociale.

    - Vous le pensez sincèrement... ?

    - J'ai basé ma vie sur l'étude de la magie, des pouvoirs, toi non, je suis mort par amour, pas toi, pas encore. Quant à celle que tu aimais, elle ressemblait à Anaria, elle n'était pas elle, il y a encore de l'espoir d'éviter qu'elle suive le même chemin. Tu détiendras tout ce que je suis, mais ce que tu es fait que le dénouement sera différent, tu t'adapteras là où je n'ai pas pu. Tu refuseras ce que je n'ai pas pu, tu contrôleras ce qui fut laborieux pour moi, pour la simple raison que tu entends le vie d'une manière différente, que tu existes d'une manière différente.

    Le prêtre se mit à tourner autour de lui, parlant dans de vagues gestes révélateurs de ses paroles, sous le regard de Tristan qui se contentait d'observer le point devant lui, toujours immobile et à l'écoute.

    - Le monde est une constante, il existe à travers ses contradictions et son évolution, tout comme sa régression. L'envie de paix se mêlant au besoin de conflit, l'envie de simplicité et d'utopie se mêlant au besoin de pouvoir et de passion. Il y aura toujours du pouvoir et de la corruption, des désirs honteux et de la bonté d'âme, de la conviction et de la pitié. Il en va de même pour nous, le combat que la confrérie a mené et mène, que j'ai mené, demeurera quand je serais mort et enterré car l'humanité est faible.

    Le gilnéen finit par le suivre des yeux, interpellé par ce qu'il entendait, sans pour autant vouloir aller contre, restant silencieux.

    - C'est la vérité Tristan, nous sommes faibles, nous sommes dans la machine qu'est ce monde, ce monde parmi tant d'autres, dirigé par des forces qui nous dépassent. Le mal, les puissances, les conflits, le bien, la compassion, c'est un tout. Tout ceci n'est pas là pour être battu, mais combattu. C'est notre capacité à combattre, qui fait que nous, humains, elfes, nains ou encore gnomes et tous les autres, sommes si incroyablement forts. Combattre pour survivre, ne jamais accepter, tout en sachant l'admettre. Comprends ceci, va au travers de ces notions et de la stupidité du monde. Et alors tu seras plus puissant que tu n'en as jamais rêvé, non pas parce que tu auras plus de pouvoirs que les autres, mais parce que ta conscience ira au-delà de leur perception.

    - Je. Tristan soupira, clignant lentement des yeux. Je ferai de mon mieux, et je combattrai, inlassablement, mais si vous voulez que j'aille jusqu'au bout, il ne faudra rien me cacher, rien m'éviter, la loyauté appelle la loyauté comme le sang appelle le sang.

    - En effet, et tu as ma parole. J'espère avoir la tienne.

    - Vous l'avez.

    Le gilnéen acquiesça, et le prêtre finit par sourire à nouveau, satisfait et répondit de la même manière.

    - Je mettrai votre fils à l'abri et veillerai sur lui, comme un frère. Reprit Tristan, la voix ayant regagné sa détermination. Mais j'attends d'en savoir plus sur ces ennemis que vous me déléguez.

    - Nous y viendrons, pour le moment, ta formation attend. Nous sommes proches de la fin, une fois que tes pouvoirs arriveront à maturité, tu seras prêt a accueillir mes connaissances.

    - Oui, je crois avoir saisi l'idée... une question de choix.

    Le prêtre acquiesça encore, puis son corps s'embrasa soudainement de flammes faites de lumière, alors qu'il demeurait calme et serein, fixant le chasseur. Tristan lui ne cilla pas, soutenant son regard, lui-même de profil et dégaina ses cimeterres.
    Il prit une inspiration, confiant et tourna ses lames dans ses mains qui se placèrent dans son dos. Il prit appui sur sa jambe droite et s'élança contre le prêtre, tel un bélier, dans un souffle bloqué. Au dernier moment il se jeta en avant et tourna sur lui-même pour venir abattre ses lames sur le prêtre qui répondit d'un flot de flammes lumineuses. Une explosion, une lumière éblouissante prenant le pas sur la noirceur du vide, et une pensée.

    Celle qu'à présent, pour la première fois, il avait le sentiment d'être plus qu'un simple homme faisant son bout de chemin sur ce monde. Il avait le sentiment... d'être utile.
    Tristan Van Hellsing
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    Message  Tristan Van Hellsing Lun 16 Jan - 10:55

    Acte XII - Voyage vers une destinée



    Autrefois, à Nid-De-l'Aigle.

    Pâle soleil au coucher, annonçant une nuit longue et noire. Il faisait froid à cette époque de l'année, en Lordaeron plus encore. Cela n'empêchait pas les nains de Nid-De-l'Aigle de festoyer dans une ambiance bon enfant, tous fêtaient une nouvelle victoire contre les trolls sauvages après la bataille de la veille. Dans la grande salle, les tables étaient pleines de pichets de bière et plats bien garnis, il y en avait partout, il fallait dire qu'une fête n'en était pas une si ce n'était pas le bazar.
    De la bière qui coulait des coins de table, des morceaux de viandes en veux-tu en voilà, de la graisse et des miettes de pain qui décoraient le sol de la pièce, assiettes et chopes renversées, ce qui ne gênait en aucun cas les nains qui dansaient, chantaient et riaient à en faire trembler les murs du fort bâti dans la montagne. Les armes étaient entassées sur les râteliers, haches à double lame et fusils, le feu de la cheminée brûlait avec force, certains nains étaient assis et trinquaient, d'autres sur les tables, chaque lourd pas de danse semblait torturer un peu plus les tables qui menaçaient de céder. D'autres encore allaient et venaient dans la salle, se bousculant amicalement et titubant sous l'effet de la boisson, forte à souhait, enfin, douce pour eux bien sûr. Tous étaient restés vêtus de leurs armures, au cas où il fallait faire face à une situation d'urgence, quoique le port d'armure était aussi naturel là-bas que porter des chaussures habillées à Theramore.
    Plus loin, près des escaliers qui menaient vers les pièces supérieures, il y en avait une, de table propre. Dessus quelques assiettes joliment décorées de vivres en quantité respectable, un pichet de bière à peine entamé à côté duquel une chope à moitié pleine traînait. L'angle du mur faisait un léger coin d'ombre discret qui cachait une partie de la table, ainsi qu'une solide chaise, sur laquelle était assise une silhouette humaine, de grande taille et d'une carrure qui forçait le respect. On pouvait cependant distinguer de la silhouette une armure comme celles qui étaient faites au Kirin Tor, d'un bleu scintillant, quelques-uns de ce qui semblait être des joyaux couleur saphir clair étaient fixés dessus, de tailles différentes mais tous aussi beaux, une brume magique s'en échappant tranquillement. Attachée près des imposantes épaulières de l'armure, une cape en écailles de dragon noble et solide, et une capuche faite tel un heaume d'Hurlevent couvrant le visage de l'homme d'un coin d'ombre sous elle, et qui observait la scène en souriant doucement, amusé.

    Il était resté silencieux pendant qu'eux s'amusaient, assis, buvant de temps à autre quelques gorgées de bière, les assiettes restaient tout aussi peu touchées. La fête à ce moment-là était déjà bien avancée, il devait être deux heures, trois peut-être, un nain descendit à bons pas les marches de l'escalier de marbre, le bruit de son armure loin d'être calme, s'approchant de la silhouette avec une légère hâte, dévoilée par son regard bien que caché derrière sa crinière rousse en pagaille et sa barbe de bonne taille.

    - Mon seigneur ?

    L'homme assis leva la tête vers le nain, acquiesçant lentement.

    - M'apportez-vous une nouvelle mon ami?

    - Oui sieur, reprit le nain qui sourit amicalement. Une lettre du nord pour vous, tenez.

    Le nain glissa une main dans son dos, vers sa ceinture et sortit de sous sa cape une lettre grisâtre, qu'il posa sur la table devant lui. L'homme regarda la lettre avec intérêt, puis retira son gant et la prit dans sa main, une main large et blanche, avant de reporter son regard vers le nain.

    - Merci.

    - Je vous en prie sieur, répondit le nain qui repartit aussi vite qu'il était venu, bousculant quelques-uns de ses camarades éméchés en râlant.

    L'homme observa à nouveau la lettre un moment, dessus était écrit à l'encre noire :

    Sieur V.H.,
    Nid-De-l'Aigle,
    Hinterlands.

    Il finit par ouvrir l'enveloppe avec tranquillité, prenant son temps, puis déplia la lettre et parcourut le texte qui semblait avoir été écrit avec grande hâte, l'écriture trahissant les tremblements de la main de son auteur.

    "Mon cher ami,

    Soyez certain que si je vous écris cette lettre en cette heure, sachant l'importance de votre mission dans le sud, c'est que la situation est d'une urgence alarmante. Quelque temps après votre départ de notre Abbaye, suite à la quête de l'antre du démon, une nouvelle menace a fait surface dans notre contrée, et il me faut avouer que cet adversaire semble bien plus féroce et sa volonté de destruction le surpasse sans aucun doute.

    Il y a une semaine, sans aucun signe annonciateur, un village du comté nord a été sauvagement attaqué par une armée de goules sortie des enfers de la damnation, en dépit de nos efforts, nous arrivâmes trop tard et il n'y a à ce jour aucun survivant du village. Après enquête des frères de notre Abbaye, et avec l'aide de votre ami ingénieur soit dit en passant très bizarre, nous avons découvert que ces goules n'appartiennent pas au Fléau que nous connaissons, mais ont été relevées du cimetière avoisinant par un nécromancien indépendant, que nous n'avons pas encore pu identifier au moment où je vous écris.

    Nous avons fait notre possible pour stopper la folie de cet être venu des ténèbres, mais en vain, la veille du jour où je vous fais parvenir ceci, un autre village a été attaqué, avec une violence indescriptible, par une plus grande armée encore, ce de manière totalement isolé. Au nom de la lumière, nous avons besoin de toute l'aide disponible pour nous aider à faire face à ce monstre, les autorités de l'Alliance étant accaparées par la terrible guerre actuelle, c'est vers vous que je me tourne. Plus encore, car lors de notre arrivée au village, sur une grange avait été tracé dans le feu un anti-pentacle, qui laisse à penser identique à ce symbole que vous nous aviez montré.

    Sir Van Hellsing, ami et allié dans la foi, je vous en conjure, venez à notre aide.

    Frère Saltius."

    L'homme fronça les sourcils, refermant la lettre qu'il remit dans l'enveloppe. A ce moment-là, il ne pouvait cacher la crainte qui gagnait son coeur en découvrant cette terrible nouvelle. Il fallait dire que les nécromanciens ne manquaient pas, mais au point que les frères réunis ne puissent faire face...
    Il se leva et contourna la table, prenant la direction des escaliers qu'il monta rapidement, se frayant un chemin parmi les nains en nombre à la fête. Il tourna sur sa gauche, passant par la pièce ou étaient stockées les munitions, cherchant toujours à se frayer un chemin alors que quelques nains semblaient ivres morts et se cognaient contre lui sans le réaliser. Le tavernier derrière le comptoir qui lui faisait face dans la pièce suivante le salua chaleureusement, les nains assis sur les tabourets de la longueur du comptoir tournèrent la tête, d'autres jouaient aux cartes, la même ambiance de fête dominait la pièce. L'homme répondit d'un geste de la main et grimpa les escaliers qui donnaient vers l'étage supérieur.

    En haut l'ambiance était beaucoup plus calme, dans les couloirs des nains discutaient, armés jusqu'aux dents, d'autres patrouillaient. Ici il n'y avait pas une goutte de bière, l'amusement a ses limites, et eux l'avaient bien compris. L'homme salua à nouveau quelques nains au passage et se dirigea vers la sortie, il descendit les derniers escaliers et passa l'imposante entrée, où des gardes guettaient les environs. Dehors le froid reprit le dessus, il n'y avait pas de vent, juste cette intense fraîcheur à glacer le sang. L'homme prit le chemin des bois en face, suivi du regard par les gardes. Il passa devant la tour qui donnait sur les montagnes, juste avant les Maleterres, apercevant quelques soldats armés de leurs fusils aux aguets, capuchonnés et silencieux. Le silence dominait, hors du fort bruyant, il n'y avait que le silence, au point que l'homme pouvait entendre chacun de ses pas. Il passa devant le puits, où un garde buvait quelques gorgées d'eau, visiblement un peu essoufflé. Ce dernier tourna immédiatement la tête, sourit et lança d'un ton fraternel :

    - Ah mon ami ! Où courez-vous donc en cette heure tardive ?

    - Je dois m'absenter, affaires à régler je le crains. Gardez-moi un pichet, je pense que j'en aurai bien besoin l'ami. Dit-il sans s'arrêter, lui accordant néanmoins un regard amical.

    Le nain rit, amusé et répondit à l'homme qui s'éloignait déjà.

    - Ne vous en faites pas, la lumière m'en soit témoin, personne ne touchera à votre pichet ou il m'en répondra !

    L'homme quitta finalement le sentier, et s'enfonça dans le bois, observant les alentours. Dans la noirceur accrue par les arbres en nombre et immenses, des loups allaient et venaient, réalisant sa présence, ils se mirent à tourner autour de lui plus loin, sans oser s'approcher. Les battements d'ailes d'un griffon sauvage brisèrent avec douceur ce dur silence, alors que l'homme finissait par s'arrêter, levant la tête. Il scruta le ciel avec attention, puis siffla une mélodie à l'intonation elfique. Les secondes passèrent, puis une minute, puis deux, dans un silence à nouveau presque parfait, les loups s'étant arrêtés tout autour, observant avec une curiosité qui avait pris le pas sur la faim.
    Soudain, une silhouette vint éclipser la magnifique lune de cette nuit aux yeux de l'homme, avant de fondre sur lui, mais il ne bougea pas, nullement craintif, ni même surpris, alors que le drake de bronze se posait à coté de lui, rugissant. Les loups fuirent, apeurés, quant à l'homme il s'approcha et caressa le museau de la bête, murmurant quelques mots en draconique avec un sourire affectueux. Le drake se baissa, docile, et l'homme grimpa sur lui en s'accrochant à ses écailles, donnant un coup de talon. Dans un battement d'ailes le drake se projeta en l'air et s'éleva haut dans le ciel, au dessus des bois du fort de Nid-De-L'Aigle. D'en haut la vue était encore plus magnifique, les grands temples trolls se dressant fièrement au loin, le majestueux fort à l'opposé, menaçant, les forêts aux mille couleurs, dessinant la région avec une beauté sans pareille, alors que les montagnes fermaient la région telles de puissantes murailles invulnérables.

    L'homme observa avec une lueur de passion dans le regard la région alors que le drake effectuait un arc de cercle en vol, se dirigeant vers les Maleterres. Ils passèrent les montagnes, faisant un instant d'ombre sur le campement à la frontière d'Hautebrande, dans le couloir de la montagne, où des nains s'occupaient à s'entraîner à la hache, d'autres nettoyant leurs armes à feu.
    Une fois les montagnes passées, s'ouvrait la désespérante région dévastée. Le regard de l'homme passa de passion à lassitude à sa vue, observant vaguement, plus intéressé par les milliers d'étoiles qui illuminaient le ciel au-dessus. Une brise fraîche vint caresser le visage de l'homme entre les fentes de sa capuche, jusqu'au couvre-oeil de couleur sang, lui arrachant une légère contraction des muscles. Le drake volait avec tranquillité, dressé et vif, ses ailes battant avec harmonie au son du vent.
    A mesure qu'il avançait au-dessus des terres mortes, l'air se faisait plus lourd, pesant, désagréable.
    Soudain il sortit de ses pensées en apercevant Scholomance, donnant un nouveau coup de talon à sa monture qui se pencha sur sa gauche, allant pour contourner la bâtisse maudite.
    Tristan Van Hellsing
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    Livre - L'ascension du Bélier Gilnéen  Empty Re: Livre - L'ascension du Bélier Gilnéen

    Message  Tristan Van Hellsing Lun 16 Jan - 10:56

    Livre - Partie II

    Pré-entracte


    Un peu avant l'aube, un homme arriva par la route nord de Sombre-Comté, sur un destrier à l'armure flamboyante et à cornes dorées. Cette montagne de muscles portant le tabard de Forgefer, revêtu d'une lourde armure, d'un bouclier de la taille d'une moitié d'homme et d'une épée terriblement tranchante de la largeur d'une cuisse d'ours, retira son heaume et dévoila un visage âgé et pourtant étonnamment solide et impassible.
    Sans même lui laisser le temps de répliquer, l'homme se présentant comme le mentor du capitaine des miliciens aura littéralement ordonné à Camille, la recrue qu'il trouva de le conduire à lui.
    Entrant finalement dans la chambre malgré le refus, il referma la porte sans même demander l'avis du veilleur, avant de venir au chevet du capitaine toujours dans le coma.

    - Il semble qu'une fois de plus vous vous êtes fichu dans les ennuis le bleu.

    L'homme quitta la ville deux heures plus tard, laissant entendre au même veilleur que le capitaine ne devrait pas tarder à se réveiller. En entrant dans la chambre, Camille et les autres trouveront l'armure posée dans un coin ainsi que ses armes, un drap en boule à coté et le capitaine toujours inconscient mais visiblement mieux, une couverture glissée par-dessus lui avec attention et le sang nettoyé, une bassine d'eau sale avec une serviette posée devenue rouge sur la table de chevet.


    Acte XIII - Le sens de la mission

    Le soleil se profilait à l'horizon en cette heure matinale, une brise fraîche contenant l'humidité d'une soirée pluvieuse. Hurlevent se réveillait à peine, et déjà dans la taverne du quartier des nains, le tavernier était au travail ainsi qu'une de ses serveuses, qui ne restera sans doute pas ici longtemps comme les précédentes.
    Il y avait déjà quelques clients à cette heure, des voyageurs de passage ou aventuriers insomniaques, lève-tôt à l'estomac solide pour ingurgiter avec fierté leurs verres et bourgeoises cherchant à oublier l'ennui. Et pourtant c'était autre part que les choses intéressantes se passaient, sur la place de la cathédrale silencieuse, voyant passer quelques érudits et prêtres matinaux. Sur un des bancs entourant le prestigieux bassin de la place, un homme était assis. Il était d'un âge avancé, ce que d'autres qualifieraient aisément de vieillard, et pourtant, son visage marqué de quelques cicatrices semblait solide tel la roche, aussi fier que droit dans sa lourde armure, observant des enfants courir en riant, lui-même une gourde à la main qu'il ouvrit pour en boire quelques gorgées. Après quelques minutes, une jeune femme arriva sur la place depuis l'entrée qui menait au quartier commerçant, marchant avec hâte sur ses talons dans sa soigneuse robe blanche, anxieuse, suivie derrière elle par un autre homme qui ne lui prêta qu'un regard bref, du seul oeil brun qui n'était pas caché d'un couvre-oeil rouge sang.

    L'homme en question, beaucoup plus jeune et vêtu d'une armure d'écailles aux épaulières sans lourde prétention, ses cheveux attachés en queue de cheval noirs comme cendre, tout comme sa barbe charismatique et bien entretenue, s'avança sereinement une main sur la garde d'une de ses lourdes haches à la ceinture, rejoignant le vieillard qui n'avait pas bougé. Il s'arrêta, glissa sa main dans l'eau du bassin qu'il ressortit pour la passer sur sa figure, se rafraîchissant, avant de s'asseoir à ses côtés, se détendant un peu plus en observant de même devant lui, croisant les doigts.

    - Salut le bleu.

    Le vieillard s'était adressé à lui avec un ton aussi simple que détaché, lui tendant la gourde sans même un regard, appréciant la tranquillité de l'endroit.

    - Bonjour William. Répliqua Tristan, esquissant un léger sourire en coin avant de boire une gorgée du thé contenu dans la gourde après l'avoir prise, le même ton simple et calme.

    - Tu voulais me voir il paraît.

    - Il paraît bien, j'aurais besoin d'un service.

    - Si tu parles de ton crâne, j'ai déjà fait le nécessaire pendant que tu roupillais, un mort-vivant c'est ça ? Je ne te pensais pas aussi ramolli.

    Tristan se laissa rire un peu, prenant une inspiration en lui rendant la gourde.

    - Celui-là avait de la ressource, et la rage au ventre.

    - J'ai cru comprendre que tu avais pris ce coup pour sauver la mise à la pimbêche de ton supérieur, probablement meurtrière aussi si je ne me trompe pas. Tu as toujours eu des prédispositions pour te planter, mais j'aurais pensé que tu en avais suffisamment vu pour ne pas tomber dans un piège aussi grossier.

    Le vieillard but à son tour de la gourde, alors que Tristan haussait brièvement les sourcils sans vrai étonnement.

    - Toujours aussi aimable et bien informé... cela dit tu connais les ordres.

    - Il y a ordre et ordre le bleu, il y a aussi les bons officiers et les mauvais. Et toi, dans quelle catégorie tu te situes ?

    - Je fais de mon mieux.

    - On fait toujours de son mieux, cela ne veut pas dire que l'on fait correctement.

    Les deux hommes continuèrent d'observer devant eux en marquant un temps de silence léger, l'édifice se dressant et les frères comme les passants de plus en plus nombreux, vaquant à leurs occupations dans un calme que le soleil ne contemplait qu'à ses premières heures.

    - Qu'est-ce que tu veux ? Reprit finalement le vieillard, accordant son attention à un chat et une souris se faufilant à toute vitesse entre les jambes d'un prêtre grommelant, l'un courant après l'autre.

    - Tu as toujours ton ami à la bibliothèque royale ?

    - Il m'invite à dîner chaque mercredi et nous parlons ouvrages et histoire, spéculant sur les évènements et les vérités de notre âge. D'ailleurs sa femme cuisine chaque mercredi une dinde délicieuse, sauce à la crème et olives vertes, une pure merveille.

    Le vieillard porta son regard à son homologue avec un petit sourire amusé aux lèvres, partagé par Tristan qui s'appuyait de ses coudes sur ses genoux avec un air toujours aussi serein, appréciant visiblement tout autant cette tranquillité mêlée des chants d'oisillons parvenant du haut des arbres environnants.

    - Pourquoi, tu souhaites que je te fasse parvenir un plat dans ton village perdu ?

    - Plutôt une étude, ici même.

    - Sur quoi donc ? Répliqua le vieillard, le regard passablement plus intéressé.

    - Un journal, il appartenait à l'officier présumé tué par Eiluna et relevé.

    - Et tu crois qu'elle est coupable ?

    - Je n'ai pas les preuves suffisantes pour l'affirmer.

    - Mais tu sais déjà ce qu'il y a à savoir.

    - Disons que l’étude du journal me permettra de confirmer mes soupçons.

    Le vieillard acquiesça, reportant son regard devant lui en inspirant une bouffée d'air frais.

    - Les faits peuvent tromper, l'instinct ne vous trahit jamais si vous n'êtes pas trop stupide pour l'entendre. Tu as obtenu les informations de la manière traditionnelle ou tu as opté pour ta méthode ?

    - Tu es bien placé pour savoir la façon dont je procède William.

    - Hmhm... Willam se redressa et porta la gourde à ses lèvres, ingurgitant une nouvelle gorgée avant de reprendre. Ce supérieur, Norlf, risque de prendre très mal les choses quand il saura.

    - Je n'ai pas vraiment de choix plus agréable, on fait ce que l'on a à faire, comme toujours.

    - Bonne réponse le bleu, dans ce cas je peux t'avoir un entretien pour cet après-midi, il ne refusera pas de m'accorder de son temps.

    - Ta persuasion légendaire. Répondit Tristan avec une teinte d'ironie dans le ton, accompagné d'un sourire toujours aussi léger.

    - Je n'en ai pas besoin quand il s'agit de rendre le service prêté. Et sinon cette mission, tu en es où?

    - En cours.

    Le vieillard donna à nouveau la gourde au capitaine qui se redressa à son tour et en but, expirant longuement.

    - Attention le bleu, à trop jouer avec le feu, on finit par se brûler.

    - Sans feu nous n'irions pas loin William.

    - Dans ce cas, je te laisse la gourde, tu en auras besoin.

    Les deux hommes échangèrent un bref regard complice et rirent ensemble. Tristan le savait, le retour à Sombre-Comté sera difficile pour certains, et il comptait bien profiter de sa journée qui sera pour une fois depuis plusieurs jours, illuminée par les rayons du soleil.

    Tristan Van Hellsing
    Tristan Van Hellsing


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    Message  Tristan Van Hellsing Lun 16 Jan - 10:57

    Acte XIV - A l'aube de l'ascension


    Soudain un fracas retentit et Tristan sortit de ses pensées. Le décor était très différent, il se trouvait alors à Forgefer, dans une des grandes ruelles liant les différents quartiers, entouré des maisonnettes taillées dans la pierre. Il avait alors tourné son regard instinctivement en direction du fracas, pour réaliser qu'il ne s'agissait que d'une simple caisse, s'étant brisée en tombant après avoir glissé des mains de son propriétaire, sans doute. Il continua d'avancer droit devant lui, son apparence n'avait rien à voir avec celle de sa pensée. De longues années étaient passées depuis, il était plus large et costaud, si son visage n'exprimait plus la fatigue, ses traits étaient plus fermes et durs, le regard vide. Un regard qui marquait les cicatrices, et plus particulièrement celle qui barrait son oeil gauche verticalement, cachée par un couvre-oeil. Il ne portait plus alors cette vieille tunique déchirée, mais une lourde armure en maille d'argent ternie et de maille noire, surmontée de deux épaulières imposantes aux extrémités d'acier. Quand à l'arsenal, il aurait été difficile d'être mieux équipé.

    Dans le dos un fusil lourd gilnéen à deux canons superposés, avec mécanisme à lame semi-large côté droit et lame courbée sur le manche, une arbalète du même type constamment chargée d'une flèche à pointe de fer. A la ceinture, deux haches lourdes en mithril sur les côtés et deux six-coups à l'avant. De sous la cape noire dépassait une sacoche en cuir brun solidement attachée sur la longueur. Comme si cela ne suffisait pas, ce qui ressemblait à un dispositif en acier de la forme d'une protection d'avant-bras avec trois fentes à l'extrémité avant, se trouvait fixé sur chacun d'eux. Pour finir, une autre ceinture de cuir faisait le tour du torse par l'épaule, munie de grenades et deux autres autour des cuisses, et sur chaque ceinture, une multitude de petites lames de près de quatre centimètres à double pointe, taillées dans le fer. Enfin cela était du moins pour la partie visible, qui ne comptait pas le reste à imaginer sous la cape large, lui tombant sur les épaulières courbées.
    Pourtant tout cet arsenal ne le gênait pas plus que cela, lui qui y était habitué depuis trop longtemps. Il passa devant nombre de gardes et citoyens, nains et hommes, plus rarement gnomes, certains lui jetaient un coup d'oeil, pensant sûrement qu'il s'agissait d'un soldat en armure civile ou d'un mercenaire de passage. Mais il n'y prêtait pas attention, du moins, son attitude n'y prêtait pas attention, ce qui n'était pas le cas de la grande bibliothèque, qu'il observait longuement alors qu'il traversait le quartier, faisant rapidement des yeux le tour des carcasses et reliques fièrement présentées aux entrées. Il traversa rapidement la grande allée et après quelques minutes de marche décidée et rapide, il atteint le quartier le plus sombre de la ville, et le plus silencieux.

    Il s'arrêta, inspectant les alentours. Deux nains et un homme pêchaient dans le renfoncement d'eau, chacun à vingt mètres des autres comme s'ils avaient la peste. Devant l'une des bâtisses, deux naines discutaient, les bras chargés de provisions pour l'une, d'armes pour l'autre. Tristan avança alors avec plus de prudence et de discrétion, décrivant des yeux chaque bâtisse à la recherche de celle qui lui avait été indiquée. Après quelques instants son regard se fixa sur l'une d'elles, la plus petite et la plus isolée. Un escalier étroit menait à une entrée tout aussi étroite, le traqueur s'en approcha et observa la lourde porte qui faisait barrage, trop épaisse pour une bâtisse aussi modeste se disait-il. D'un coup d'oeil rapide il vérifia à nouveau les alentours, puis se glissa dans un coin d'ombre dans l'angle sous les escaliers. Plaqué en douceur contre le mur, il ferma les yeux et inspira légèrement, relâchant ses muscles et cherchant à vider son esprit, ce qui en soi, ne fut pas grande difficulté. Les instants passèrent et il ne bougea pas, sa respiration ralentissant progressivement, les battements de son coeur moins forts, moins vifs alors que son corps arrivait aux limites de son maintien, l'équilibre se faisant plus difficile.

    Il prit une nouvelle inspiration, fermant ses mains, serrant ses poings du peu de poigne qui lui restait alors qu'il se sentait s'élever peu à peu du sol froid et dur pour se fondre dans les flux du vent autour de lui. Il ne ressentait plus le poids de la maille et des armes, ni même de son propre corps et la fraîcheur du renfoncement d'eau lui parvenait très clairement, comme envahi. Il ne distinguait plus les voix ni les lourds regards, il ne distinguait plus sa propre respiration et les battements de son coeur dangereusement lents, ni même les craquements de ses muscles et la chaleur de sa peau, il ne restait plus que le rythme de ses pensées et la sensation glacée qui resserrait sa prise sur son esprit à découvert. Les choses revinrent alors à sa perception peu à peu, images floues des murs de pierre et des silhouettes, sans odeur ni couleur, seulement grises, ternies, sans déguisement. Alors que les choses devenaient plus nettes à sa vision astrale, il se réalisa au dessus des escaliers de la bâtisse, sans aucune prise. Il avança alors progressivement vers la porte dont la couleur grisâtre ne permettait plus de distinguer si elle était de bois ou de pierre. Arrivant à quelques centimètres il continua d'avancer, mais il n'y eut pas d'impact, seulement un instant de noir total, un instant où plus rien n'existait.
    L'instant passa et les couleurs grises revinrent, les silhouettes également, il avait passé la porte et se retrouvait à présent dans la salle intérieure. Une salle très particulière, dont on se doutait qu'il s'agissait du séjour autrefois. Aujourd'hui, elle avait été aménagée en petite salle à la manière d'une taverne. Un large comptoir avec quelques tabourets, des étagères à l'arrière avec chopes, bouteilles et vaisselle, le tout rangé au hasard en plus des quelques tonneaux traînant au sol. Devant le comptoir, plusieurs tables usées réparties, avec chaises pour certaines sans dossier, un râtelier dans le coin droit ne portant qu'un misérable fusil presque rouillé et sur le mur de gauche, plusieurs étagères disposant de toutes sortes de composants tels que des fleurs, des fioles, oeufs quelconques ou encore diverses branches coupées.

    Les formes se modelaient à sa vision de manière par moments instable, mais ne faiblissait pas, lui permettant d'observer les trois hommes assis à la table au centre de la pièce, jouant aux cartes, visiblement peu protégés et armés. L'un de bonne taille et mal fagoté disposait de deux lames courtes à la ceinture et un fusil posé contre le pied de table, le second plus menu, avait plusieurs couteaux près de lui sur la table et un six-coups à la ceinture, tous deux en chemise avec seulement jambières et bottes en cuir. Le troisième quant à lui portait une armure de cuir complète et épaisse, une claymore dans le dos, de larges mains et une chevelure plus épaisse encore. Sur la gauche un escalier menait à l'étage et une nouvelle porte faisait barrage, légère cette fois.

    Il y eut un moment de flottement et de flou intense, les formes se tiraillant soudain dans tous les sens et il se sentit propulsé avec une telle force qu'il perdit le contrôle brièvement, pris ensuite dans un noir complet, sans pensée ni raison. Cela n'avait duré qu'un instant mais le mal de tête qui s'ensuivit, alors qu'il ressentait à nouveau le poids pesant de son corps et de sa respiration, fut rude. Porter son esprit ainsi était éprouvant et en dépit de ses capacités, il était difficile de s'y faire. Il prit un court temps pour rassembler ses esprits, les muscles se détendant, son coeur frappant de nouveau sa poitrine non sans une sensation un brin lourde, sa respiration de nouveau correcte et pourtant, il avait l'impression d'être encore au-dessus de la matière et du vide.
    Il prit une nouvelle inspiration une fois les sensations passées, et se remémora les images qu'il avait figées dans son esprit. Les trois hommes, la disposition de la pièce, celle des chaises... rien ne devait être laissé au hasard afin d'être rapide et efficace. Il le savait, il n'avait pas le droit à l'erreur, au moindre faux pas, sa cible mage enfermée à l'étage pouvait disparaître, ou avoir le temps de répliquer. Il envisagea plusieurs scénarios, coordonnant le moindre mouvement, le moindre détail, pendant une demi-minute, les images défilant dans son esprit. Une fois prêt et ayant imaginé toutes les situations, il leva l’oeil déterminé au-dessus de lui et détacha son arbalète, avant de raser le mur jusqu'au bas des escaliers. Un nouveau coup d'oeil dans les environs, l'un des nains ramassait ses affaires de pêche sans prêter attention, les naines entraient dans le magasin d'armes et les deux autres observaient toujours le renfoncement.

    Il grimpa les marches rapidement et aussi discrètement que possible, approchant lentement de la porte une fois en haut et posa sa main sur la poignée, réalisant avec chance que la porte n'était pas fermée à clef, l'autre tenant fermement l'arbalète, écoutant. Les voix se mêlant aux divers bruits, il prit le temps de les identifier, minutieusement, avant de pouvoir conclure qu'ils étaient toujours assis, distribuant les cartes et faisant racler leurs chaises sur le sol en blaguant. Il se figea l'espace d'une poignée de secondes, le regard fixe dans le vague, les muscles contractés alors qu'il crispait ses doigts en douceur, maintenus, patientant... et le moment vint.

    Il ouvrit d'un geste la porte et entra arbalète levée, le temps que les trois hommes en prennent conscience et tournent la tête, il avait déjà tiré. La flèche siffla à travers la salle et se planta dans la pommette de l'homme aux couteaux, lui déchirant l'intérieur jusqu'à ressortir de l'autre coté dans un aigu bruit tranchant. Il bascula, sans vie, sans le moindre son, sans avoir compris ce qu'il s'était passé, s'écroulant sur le sol. Le second porta la main à son fusil et l'empoigna pour le lever, joint par le dernier qui tirait sa claymore de son fourreau, mais le chasseur avait été plus rapide. Lâchant de sa main droite l'arbalète il la fit passer par-dessous en direction de l'homme au fusil, poing serré et le dispositif fit son oeuvre. Sans prévenir, un cliquetis se fit très légèrement entendre et des fentes de cette protection en acier, deux des lames à double pointe furent propulsées et l'instant de réaction de son adversaire fut accaparé par la surprise.
    La première lame déchira sa gorge sur la gauche, y restant plantée, une giclée de sang faisant suite à la lame pour recouvrir le bord de la table. Sa soeur elle fut moins clémente, se plantant nette entre les deux yeux et figeant la cible dans sa position, bloquant le début de hurlement en s'enfonçant de moitié. L'homme resta ainsi deux ou trois secondes avant de s'écrouler à son tour, contre la table, emportant quelques cartes et sa chope en chemin. Pendant ce temps, le dernier s'était élancé en poussant un hurlement de guerre, faisant tournoyer sa claymore, pris de vitesse par le traqueur qui arrivant à son niveau, évita le coup de lame pour le frapper du manche de son arbalète en plein estomac. L'homme se plia sous le coup, grimaçant dans un grognement étouffé et le chasseur accomplit son mouvement en abattant le manche à nouveau, frappant la colonne vertébrale.

    Le guerrier tomba face contre terre, encaissant l'espace d'une seconde l’enchaînement de coups et se retourna, furieux. Mais au moment ou il prit appui pour se relever, il prit également conscience que le poing de son adversaire le visait, bras tendu, de la même façon que son camarade avant que les lames n'aient apparu pour lui ôter la vie. Le silence s'installa, le guerrier mains posées sur le sol, mi-assis observait le chasseur lui immobile, le fixant, l'oeil sombre et pourtant sans aucune expression particulière, simplement, le poing en direction de sa gorge prêt à l'achever.

    - Tu es trop rapide pour être humain...

    Le guerrier avait fini par prendre la parole d'une voix calme, portant son regard vers l'étrange dispositif de son bras avant de revenir à lui. Il écarquilla les yeux en voyant celui du traqueur prendre une teinte brun doré animale, alors qu'il restait figé.

    - T'es quoi au juste ? Un druide ? Un worgen ?

    Le chasseur ne répondit pas.

    - Écoute, on peut trouver un arrangement, si tu me laisses filer je te donn-

    Il fut stoppé net par la lame se plantant dans sa gorge entièrement jusqu'à ne laisser que la pointe visible, après le son du cliquetis et le sifflement de l'objet tranchant propulsé presque instantanément. Il eut un léger mouvement de sursaut, un instant d'agonie figé et à son tour, il s'écroula. Tristan mit quelques instants avant de bouger à nouveau, puis quelque chose attira son attention... le bruit d'une respiration.
    Il porta d'un geste son bras sur sa droite, suivi de son regard et il la vit. Une petite fille, d'à peine dix ans, jolie petite blonde aux cheveux bouclés, assise dans le passage contre le comptoir, une poupée dans une main, abîmée, une brosse à cheveux dans l'autre, vêtue d'une robe légère de soie blanche, comme une petite mariée. Elle ne leva pas les yeux, continuant de coiffer sa poupée d'un geste plus lent, mais il pouvait sentir sa respiration forte s'accélérant, ses légers tremblements significatifs de la peur l'inondant. Il n'y avait pas fait attention avant, elle était restée très silencieuse, discrète dans son coin, et alors qu'il l'observait longuement, elle ne réagit pas, ne leva pas les yeux, coiffant machinalement sa poupée en essayant malgré elle de cacher ses tremblements.
    Il finit par poser l'index sur ses lèves pour l'intimer de se taire, remarquant un regard en coin, avant de reprendre son chemin, la quittant du regard pour se concentrer sur la porte de l'étage au-dessus, enjambant deux des cadavres et montant les escaliers d'un pas tranquille et décidé. Arrivé près de la porte, il rangea son arbalète dans son dos, ajustant les accroches et porta sa main au manche de sa jambiya sous la cape, élégante dague à lame légère et très longue, pour la tirer de son fourreau, la main paisible et sobre.

    De l'autre côté, il pouvait percevoir d'étranges bruits, sans distinguer de syllabes ni de détachement, il y avait une femme également, mais ils ne discutaient pas. Tendant un peu plus l'oreille, il identifia ce qui se révélait être des gémissements de plaisir et des balbutiements, son écoute perturbée par la respiration de la petite de plus en plus forte qu'il lui était difficile d'ignorer totalement. Il posa finalement la main sur la poignée, de la même manière que la première fois, pour pousser la porte de façon lente et minutieuse cependant. Entrant dans la pièce, il balaya ce qui était une chambre d'un rapide coup d'oeil.
    Très sommaire, il n'y avait qu'une table de chevet, un lit sur lequel deux corps montés l'un sur l'autre et couverts par le drap gigotaient furieusement, les gémissements et soupirs très sonores à présent, un meuble où étaient entassées quelques affaires et des sacs posés dans un coin. Le traqueur s'approcha sans un bruit, resserrant la prise du manche de sa lame, jusqu'à arriver à côté d'eux près de la table de chevet. Il resta silencieux quelques secondes, interprétant les mouvements des corps, déduisant qu'il était sur elle, face à face et s'attelait à la satisfaire, autant que lui-même certainement. Il tira brusquement le drap et la suite ne dura qu'un instant, les deux ne réalisèrent pas tout de suite, effectivement sur elle, l'homme eut juste le temps de tourner la tête, mais déjà le chasseur avait envoyé sa lame d'un coup remontant, déchirant la gorge de l'individu jusque la mâchoire qui s'arracha en deux, une quantité fulgurante de sang giclant alors que la force du coup le repoussait, envoyant le pauvre homme au bas du lit dans un lourd fracas et emportant le drap avec.

    L'instant qui suivit fut tout aussi trouble pour la femme qui, réalisant ce qu'il venait de se passer, tenta de crier, mais l'étouffa séance tenante en sentant la solide lame se placer sous sa gorge, mêlant froideur du fer et chaleur du sang frais sur sa peau. Elle tenta de s'immobiliser, regardant le plafond droit devant elle, dénudée et tremblante de la tête aux pieds, les mains sur sa poitrine tentaient de cacher se qu'elle pouvait. Elle était blonde, comme la petite fille ses cheveux étaient bouclés, elle avait la même façon d'éviter le regard, ses yeux bleus clairs comme la mer au lever du soleil fixe et la respiration forte. Une fois de plus Tristan marqua un temps, détaillant chaque trait du visage de la femme qui devait imaginer qu'il se rinçait l'oeil alors qu'il se contentait d'observer son regard. Les secondes passèrent, interminables pour celle qui pensait vivre ses derniers instants et elle finit par fermer les yeux, une larme coulant sur sa joue. Il lui fallut un certain temps avant de réaliser que la lame n'était plus là, tout comme l'assassin, lui descendait déjà les escaliers, se dirigeant vers la porte et s'arrêtait en chemin, tournant son regard en direction de la petite.

    Elle avait progressivement levé ses grands yeux pour l'observer, les mêmes yeux bleus clairs horrifiés, la respiration plus calme, plus désespérée. Il s'approcha d'elle pas à pas, la fixant de même, la lame à la main gauche. Elle resserra ses jambes en le voyant arriver, serrant entre ses bras sa poupée, les tremblements de nouveaux incontrôlés alors que quelques petites larmes venaient couler sur les joues de ce visage angélique. Il arriva à sa hauteur, l'observant de haut, elle ne recula pas, le soutenant toujours. Il finit par plisser l'oeil, celui-ci teinté de ce qui semblait de la peine et glissa sa main dans la sacoche à l'arrière. Elle l'observa faire, sans un mot, jetant un coup d'oeil à sa main et après quelques minutes, elle prit une inspiration apeurée alors qu'il la retirait lentement. Il s'accroupit, montrant sa main qui tenait une pêche. Les yeux de le petite fille s'ouvrirent davantage, mêlant peur, peine et surprise à la vue du fruit, sans comprendre. Le traqueur tendit la pêche, plongeant ses yeux dans les siens, l'enfant eut un temps d'hésitation, perdue, puis finit par tendre à son tour doucement la main pour saisir la pêche encore fraîche, effleurant les mailles du gantelet.

    Tristan esquissa un très léger sourire en coin, interminablement observé par les yeux étonnés de la petite, puis glissa quelques mots "Attends là, ta mère arrive..." avant de se lever d'un bond, repartant vers la sortie rapidement, bousculant une chaise au passage et disparut. Un silence total s'installa dans la pièce plusieurs minutes, puis la femme sortit en courant, pleurant couverte du drap et se précipita vers sa fille pour la prendre dans ses bras, cette dernière se laissa faire, sanglotant, serrant dans sa petite main la précieuse pêche. Au même moment, aux portes de Forgefer, un homme vêtu d'une lourde armure de maille revêtue d'une longue cape noire glissant sur la neige avec la même prestance et les mèches de cheveux cendrées voilant son regard sombre quittait la cité, pour s'enfoncer dans le blanc immaculé couvrant la montagne, comme s'il n'avait jamais existé.
    Tristan Van Hellsing
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    Message  Tristan Van Hellsing Lun 16 Jan - 10:57

    Acte XV - Le prix de l'enfer

    Tristan était assis à son bureau, les mains posées sur la table, le dos droit, tenu, revêtant sa large cape et son armure de maille lourde. L'hôtel de ville était silencieux, et la plupart dormaient en cette heure tardive que l'on ne distinguait que peu dans une nuit constante, ne laissant que les veilleurs en poste surveillant les alentours obscurs armés de quelques lames et fusils. Sur le bureau de facture modeste, étaient entassés des dossiers et parchemins divers, qu'il observait longuement, plongé dans une réflexion profonde. Autour, régnait un silence de mort, les bancs vides de toute présence, étagères poussiéreuses recelant nombre d'ouvrages et le pupitre du maire qui se présentait devant la grande salle déserte, presque pittoresque, mêlant odeur du bois d'âge et fraîcheur venue de l'extérieur, les fenêtres donnant sur la forêt d'un calme malsain et d'une noirceur menaçante. Le lieutenant resta assis de longues minutes, immobile et perdu dans le fil de sa pensée, avant d'inspirer profondément au moment où s'ouvrait la porte dans un grincement un brin désagréable.
    Un veilleur entra, vêtu de son armure de maille de moindre facture que celle de son supérieur, lanterne de cuivre à la main, contenant une petite mais vive flamme qui se rythmait au bruit de la rouille à chaque balancement de l'objet. L'homme aux cheveux châtains, les traits tirés et la barbe généreuse s'approcha du bureau, saluant avec droiture le lieutenant et se faisant silencieux, attendant visiblement un signe de sa part de son regard diminué par les cernes visibles sous ses yeux. Tristan le laissa s'approcher, le fixant d'autant plus d'un regard teinté d'autorité alors qu'il saluait, marquant un temps de silence avant de prendre d'une voix calme et grave.

    - Alors, où en est la situation?

    - Cela s'aggrave monsieur, répondit le veilleur du même ton. Les goules sont de plus en plus nombreuses et commencent à se faire remarquer, une ferme a été attaquée hier. Les bêtes sauvages semblent s'affoler de plus en plus ces derniers jours, sans parler des worgens qui ont décidé de se rassembler en meutes et chassent au hasard dans le bois.

    - Y a-t-il des morts à déplorer ?

    - Trois veilleurs monsieur, et plusieurs voyageurs de passage, dévorés.

    Tristan croisa les doigts sur la table, répondant d'un vague acquiescement, alors qu'il se replongeait dans sa réflexion.

    - Monsieur, ne serait-il pas judicieux d'en faire part aux autres veilleurs ? Les hommes du camp sud commencent à s'alarmer, et les patrouilleurs de l'ouest se mettent à douter des nos capacités à faire face à cette recrudescence d'attaques pour certaines ciblées.

    Le lieutenant leva les yeux vers le veilleur, et secoua légèrement la tête d'un regard explicite.

    - Il n'est pas nécessaire d'alarmer également le village, dites aux sentinelles de limiter leurs patrouilles, et que les hommes du camp accentuent leur vigilance. Je vais m'occuper de ce problème, personnellement.

    Le veilleur marqua un temps de gêne, avant de rétorquer d'une voix insistante.

    - Sauf votre respect lieutenant, je ne suis pas sûr qu'il soit une bonne idée de -

    - Sauf votre respect veilleur, coupa Tristan. Je ne suis pas sûr que vous soyez en mesure de prendre les décisions, les autres veilleurs sont occupés avec des affaires plus importantes, notamment le groupe de runiques de la colline. Je prends les choses en main et je sais parfaitement ce que je fais. A moins que cela ne vous pose un quelconque problème ?

    - Non... non lieutenant. Rétorqua avec résignation le veilleur en secouant rapidement la tête, l'air craintif. Je vais de ce pas donner les directives.

    - Bien.

    Tristan retira son regard du veilleur et prit un dossier qu'il ouvrit, tournant quelques pages avant de s'arrêter sur l'une d'elles pour la parcourir distraitement. Le veilleur marqua un nouveau temps de silence, observant le lieutenant, avant de tourner les talons avec un air intrigué, et se dirigea vers la porte.

    - Clavius.

    - Monsieur... ?

    Le veilleur se tourna aussitôt à demi, et reporta son attention sur le lieutenant, qui n'avait pas levé l'oeil de son dossier.

    - Où en est la surveillance de Vul'Gor?

    - Rien à signaler monsieur, les ogres se terrent dans leur mine et ne montrent aucun signe agressif, à croire qu'ils sont trop occupés pour faire attention à nous.

    - Ne les perdez pas de vue, et signalez-moi toute activité, il se peut qu'ils se montrent de nouveau hostiles prochainement. Et en ce cas je préfère anticiper leurs mouvements.

    - Entendu, nous allons faire notre possible.

    - Faire votre possible ne suffira pas. Il va se passer des choses Clavius, des choses graves, et il faudra mettre toutes les chances de notre côté pour ne pas être submergés par ce qui nous attend. Je compte d'autant plus sur vous et votre discrétion pour éviter que tous nos efforts de ces deux derniers mois n'aient pas été vains, un échec ne peut être admis, pour le bien de Sombre-Comté.

    Le veilleur acquiesça sans vraie conviction, le doute marquant son regard, avant d'ouvrir les portes et sortir de la pièce, les refermant avec attention derrière lui. Le silence profond s'installa à nouveau, alors que Tristan portait le regard sur la plaque de son cou, l'amenant à sa vue. Il contempla quelques instants le numéro de plaque gravé avec maitrise, avant de le tourner pour observer les lettres V.H. qui elles en revanche, semblaient avoir été gravées d'une main peu experte. Il finit par serrer la plaque dans son poing avec fermeté, avant de la laisser retomber et se reporta à son parchemin. Sur celui-ci était rédigé un texte en Eredun, contenant les termes mage, conseil et culte, suivi d'une représentation d'un anti-pentacle dont les cinq branches faites de flammes irrégulières, laissaient penser qu'il brûlait avec ardeur et colère, teinté d'une couleur rougeâtre intense, à l'image de l'enfer décrit par Alonsus.

    Dans sa contemplation du symbole d'outre-monde, se mêlaient les évènements récents, de leur retour en force aux alliances douteuses et accords ambigus, aux mercenaires cupides et traîtres traqués, comme aux décisions radicales et prises de position expéditives, ainsi que l'assassinat du mage, allant tous vers un but précis : le pouvoir absolu et sans condition.
    Tristan Van Hellsing
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    Message  Tristan Van Hellsing Lun 16 Jan - 10:57

    Acte XVI - Jeu de pouvoir

    Une nouvelle brise parvint à son visage, mais tout était différent cette fois. Il n'était plus au-dessus des terres mortes, mais sur le toit de la cathédrale de Hurlevent, dans une même nuit noire et fraiche. Élevé au-dessus de la ville, dans son armure sombre aux épaulières voûtées et solides, il ne portait pas son habituelle cape noire tombant sur le devant, mais un sac épais accroché au dos, et son arsenal composé d'armes à feu, de lames, de haches, grenades ainsi qu'un pistolet-harpon à l'arrière de la jambe gauche. Il observait en contrebas la bâtisse soeur de la mairie, les fenêtres de cette dernière étaient fermées, et sans lumière, contrairement à celle qu'il observait, et dans laquelle l’éclairage des bougies, donnant vers le lac, offrait au verre une teinte jaune doré. Près du mur sous l'horloge, qui donnait vers le côté de la mairie, il resta dans l'ombre de celui-ci, patientant en silence, alors qu'au-dessus, l'unité aérienne qui volait en ligne parfaite, passait au-dessus du quartier, surveillant sans relâche.

    Quant au quartier lui-même, des gens passaient et discutaient sur la place, deux hommes en armes et armures semblaient se disputer, sous le regard d'un garde peu patient qui leur hurlait presque de se taire. La route est, vers la mairie à laquelle Tristan était tourné, était vide cependant, et calme, plus que d'habitude. Après plusieurs minutes de long silence, la porte de la bâtisse soeur s'ouvrit, dans un grincement, et plusieurs gardes en armures lourdes en sortirent, suivis par un autre ne portant pas de heaume, mais un insigne d'officier flamboyant au plastron, mis en avant bien sûr. L'officier se retourna, et serra la main d'un autre homme encore, à peine distinguable dans l'arche. Il semblait d'un âge assez avancé, ses cheveux et sa barbe imposante d'un blanc clair, revêtu d'un costume verdâtre luxueux, la cravate noire tenue à la chemise retombant dessus avec élégance. Les deux hommes échangèrent quelques mots, et rirent brièvement, puis l'officier tourna les talons et d'un ordre sec, somma aux gardes de le suivre. Tristan était resté dans l'ombre toute la scène, observant avec attention, jusqu'à ce que l'officier et les quelques gardes en ligne derrière lui disparurent dans le tunnel qui donnait vers les canaux du quartier nain, tandis que l'homme avait refermé la porte de la bâtisse, le silence revenant à nouveau.
    Le traqueur sortit alors de son coin d'ombre, s'approchant du rebord duquel ses chaussures de cuir dépassaient, pliant les genoux. Il marqua un temps, le regard sûr et déterminé, puis se jeta dans le vide, les bras ouverts en ange, plongeant en contre-bas. Il fit quelques mètres dans la portée du vent, avant de ramener rapidement sa main droite dans le dos, et tirer le loquet pendant à l'avant-bas du sac. Soudain, un voile noir de grande taille en sortit et s'ouvrit en ailes dentelées, grandes, soulevant d'un mouvement brutal Tristan plus haut, alors que ce dernier saisissait rapidement les appuis rattachés de chaque côté, se maintenant alors qu'il planait au-dessus de la ville, camouflé dans la nuit par son équipement sombre et ses ailes tout aussi noires.

    D'un geste il tira l'appui gauche vers le bas, faisant suivre l'aile qui détourna sa trajectoire vers le côté gauche de la bâtisse de laquelle il se rapprochait rapidement, voyant très clairement la fenêtre illuminée à l’étage qu'il avait aperçue au début, la fixant. Cela n'avait duré que quelques instants, et déjà il arrivait à la bâtisse qu'il rasa presque, se reportant en direction du lac, dirigeant avec expertise le planeur. D'un nouveau geste, il se rabattit sur la droite, et fit un tour en demi-cercle serré, revenant face à la fenêtre en question, sur laquelle il fonça à toute allure tel un boulet de canon silencieux. Son reflet apparut dans le verre, une seconde, et d'un mouvement rapide il rabattit complètement les ailes contre lui, formant une boule qui alla se briser contre la fenêtre brutalement dans un fracas, cette dernière explosant littéralement sur le coup. La suite n'avait duré qu'une poignée de secondes. Il arriva au contact du parquet de bois qu'il frappa presque, et roula vers l'avant, se redressant dans le mouvement sur ses jambes pliées. Autour, une petite salle modeste, dans laquelle se trouvait un bureau massif dans le coin gauche, à côté duquel il avait atterri, où l'homme d'âge était assis, des dossiers ouverts sur le bureau en question, comme le bocal d'encre entamé posé près de la lanterne d'où en réchappait une vive lumière. Derrière, un drapeau d'Hurlevent de taille accroché fièrement au mur, comme portant le fauteuil de l'homme, de chaque côté une bibliothèque monstrueuse allant jusqu'au plafond, pleine d'ouvrages, dossiers, rapports et autres écrits.

    A droite, les murs étaient couverts de tableaux, deux râteliers près des escaliers face à l'arrivant en noir, pleins d'armes diverses, du fusil à la lance en passant par l'épée. Face au bureau, presque contre le mur une table, autour de laquelle deux hommes en armure de maille écaillée étaient assis et jouaient aux cartes, un cigare à la bouche et des bouteilles de vin pour certaines vides, accompagnées de verres sales et de cendres dispersées. Les trois hommes sursautèrent de surprise, celui assis au bureau recula avec son fauteuil, les yeux grands ouverts, alors que les deux autres se redressèrent sauvagement en faisant basculer leurs chaises qui tombèrent au sol. L'un d'eux se jeta sur le râtelier, alors que l'autre amenait sa main au six-coups que l'on voyait à présent porté à l'avant de sa ceinture.
    Tristan jeta un rapide regard vers l'homme costumé, puis s’élança vers la droite à toute surprise. L'homme eut juste le temps de tirer le six-coups et abaisser le cran de l'arme avec hâte que le traqueur était arrivé au niveau de la table et l'avait soulevé, la balançant vers lui. La table se retourna, gênant l'homme qui leva le bras tenant l'arme pour se protéger, reculant sur la gauche, alors que les bouteilles et verres se fracassèrent sur le sol, s’étalant en multiples morceaux sur le parquet. Le second lui avait saisi dans un râlement incompréhensible et rustre un fusil, et sans le charger, pris dans l'action, avait foncé sur Tristan pour le plaquer. Le traqueur se retourna et saisit le fusil dans l’élan, alors qu'il était repoussé en arrière dans la charge, se laissant basculer au sol dans un grognement et plaça son pied sur son estomac et le poussa dans sa lancée au-dessus. L'homme en question, surpris, se retrouva soulevé et projeté vers l'avant, exécutant un salto involontaire avant de s’écraser sur le sol dans un nouveau fracas de maille cette fois, relâchant un nouveau râlement. Le premier, qui avait glissé dans sa hâte et basculé contre le mur, se redressa en voyant l'individu au sol et le pointa du six-coups, décidé à l'abattre.

    Le traqueur eut juste le temps de réaliser l'acte du coin de l'oeil, et saisit une des petites lames à double pointe à sa cuisse qu'il lança dans le mouvement vers l'homme. Le coup partit, et la balle alla s'enfoncer dans le bureau, alors que l'homme hurlait, la lame plantée dans le poignet qui avait fait dévier le coup. Ce dernier saisit son poignet et chercha dans un accès de rage à retirer la lame, le sang coulant déjà, alors que le bruit de chargement d'un fusil se faisait entendre. Lançant un bref regard, Tristan se redressa, se tournant pour faire face au second homme qui s'était déjà relevé et levait son fusil armé dans un hurlement. Le traqueur, dans un ultime réflexe, s’élança sur la droite et alla plonger au-dessus du bureau, alors que le coup de fusil était parti et avait fait exploser une partie de la planche du bureau, propulsant des morceaux de bois, sous l'oeil terrifié du vieil homme, qui restait figé depuis, basculait en arrière avec son fauteuil, pour aller rejoindre le sol lourdement. Un moment de flottement vint, l'homme au fusil reprenant ses esprits rechargeait son arme, alors que l'autre, après avoir retiré la lame, le poignet ouvert saignant davantage, récupérait le pistolet au sol, abaissant à nouveau le cran pour le pointer vers le bureau.

    - A l'aide ! Sauvez-moi !

    La voix du vieillard était parvenue de derrière le bureau qui vibra sous un coup, alors que les râlements douloureux du vieillard suivaient son hurlement rauque.
    L'homme au fusil s'approcha au pas de course et contourna le bureau, le fusil pointé vers l'arrière prêt a tirer. A peine avait-il eu le temps de voir la silhouette noire au sol qu'il sentait un puissant coup à la rotule, se brisant, arrachant à l'homme un hurlement alors qu'il pliait la jambe sous l'impact, et relevait le fusil tout en pressant la détente, la balle frappant le plafond d'où des copeaux de bois et de la poussière tombèrent en quantité. Le second, paniqué, visait toujours de sa seule main valide, cherchant à voir l'ennemi, alors que son camarade s’écroulait. Avant même que ce dernier n'aie le temps de tomber sur sa jambe meurtrie, Tristan s'était redressé et lui envoyait un crochet du gauche dans le foie, lui coupant la respiration, tandis que l'homme, mis au supplice, tournait de l'oeil. La silhouette noire réapparut, saisissant son adversaire qu'il relevait dos contre lui, incapable de se défendre et l'avant-bras pressé contre la gorge, à la vue du second. Le coup du pistolet partit sous l'impulsion, allant se loger dans la poitrine de son camarade tenu en bouclier, qui n'eut pas la force de réagir. Tout alla très vite, l'homme abaissa le cran de son arme, une grimace colérique au visage, alors que Tristan jetait celui qu'il tenait en avant d'une main, et lançait sa dague qu'il tenait cachée de l'autre vers lui.

    Il n'eut qu'à peine le temps de réaliser ce qui arrivait vers lui que la lame avait frappé brutalement entre ses yeux, sèchement, le paralysant sur place. L'autre s'écroula au sol dans un même temps, piteusement, alors que son camarade restait debout un instant, un filet de sang coulant sous la dague logée entre ses yeux grands ouverts d'effroi, pour finalement basculer sur le sol et s’écrouler à son tour lourdement.
    Le silence revint quelques instants, un silence de mort, avant que les gémissements du vieillard, étendu sur le sol, les jambes agrippées à son fauteuil et grimaçant de douleur, ne le brise, suivi des cris des gardes se dirigeant vers la bâtisse depuis le pont, que l'on pouvait ouïr par la fenêtre brisée. Tristan y jeta un regard, avant de détourner les yeux vers le vieil homme, s'approchant sans un mot. Le vieillard s’efforça de reprendre sa respiration, coupée par le choc, avant de porter son regard de même sur lui, terrifié en réalisant être seul, à sa merci.

    - Vous ne devriez pas faire ça... Hellsing. Il marqua un temps, la respiration difficile et la voix douloureuse. Vous n'imaginez pas... les conséquences que cela pourrait avoir.

    Tristan arriva à sa hauteur, et tendit le poing qu'il ferma, le visant des fentes de son renforcement, rattaché au gantelet, avant de répliquer.

    - Qui sont les autres?

    Le vieillard rit, douloureusement, entre deux fortes respirations, tentant de se redresser en vain.

    - Les aiguilles du pouvoir... partout et toujours présent... vous n'avez... aucune chance... contre nous.

    Il marqua un temps, scrutant le regard fixe de Tristan qui restait silencieux.

    - Ils vous détruiront, ils vous détruiront tous, si vous avez la bêtise... de commettre ce que vous projetez de faire maintenant. Sombre-Comté... n'est qu'un futur cratère... Vous avez encore une chance... d'abandonner, et d’échapper au chaos... tant que vous en avez encore le temps.

    - Je vous regarde. Répliqua finalement le traqueur. Mais ce n'est pas le pouvoir, ni le chaos que je vois, c'est la peur. La peur de mourir.

    Le vieillard reporta son regard sur lui après avoir fermé les paupières un instant, épuisé, et une lueur de terreur le traversa, alors que le cliquetis du mécanisme au poignet de Tristan se faisait entendre, suivi d'un sifflement, et du son de la chair déchirée. La respiration se tut, et le vieillard devint inerte, une lame à double pointe enfoncée dans la gorge, ne laissant qu'un nouveau filet de sang couler tristement. En bas, un vacarme brisa ce court instant de silence, suivi du grondement des voix de gardes, fonçant vers les escaliers dans le barouf de leurs armures.
    Le garde en tête arriva en trombe à l’étage, suivi de trois autres, balayant la salle du regard et s’arrêtèrent à la vue des trois cadavres gisant au sol, dans la pièce saccagée, sans autre âme qui vive.

    - Qu'est-ce qui a bien pu se passer encore ? Rétorqua l'un d'eux, stupéfait.

    - Des bandits ou peut-être un tueur. Répondit celui en tête, observant avec attention la scène. Fouillez la salle, vérifiez si quelque chose aurait été volé et faites examiner les morts, je vais prévenir l'officier que le diplomate a été assassiné.

    - Bien sergent.

    A l'intérieur de la bâtisse, les bruits des gardes au sein se faisait entendre, alors qu'au-dessus, sous les étoiles spectatrices, se tenait une silhouette noire, camouflée, silencieuse. Elle resta ainsi quelques instants, avant de tourner les talons, et se diriger par le toit vers le canal, se laissant tomber dans l'ombre d'un arbre pour ensuite disparaître, tel un mirage qui n'avait existé.
    Tristan Van Hellsing
    Tristan Van Hellsing


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    Message  Tristan Van Hellsing Lun 16 Jan - 10:58

    Entracte


    Le temps avait passé, les révélations avaient été apportées, et dans le petit cercle des veilleurs, la vérité se profilait.

    Et en dehors, le même flou, Van Hellsing avait trahi, et maintenant, les rumeurs s'inversaient, et la vérité se voulait dans l'ombre. Quoi qu'il en soit, pour le traqueur du bois de la pénombre, les choses étaient loin d'être finies, et il était maintenant clair qu'il était au centre de la guerre apocalyptique. Mais de quoi serait faite la suite ? Un complot allait être relevé, dans le sens des veilleurs, ou dans l'autre ? Allaient-ils affronter cette guerre avec, ou contre lui ?
    Des questions sans réponses, et une certitude, celle du changement, qu'il soit dans la force, ou dans les larmes, au terme d'une bataille sans précédent dans les ténèbres du pays sans soleil. Pendant la nuit, des livres seront posés sur le bureau, avec un mot :

    "Au cas où, ce sera fait".

    Les ouvrages comprendront un historique complet d'Azeroth selon le plus grand nombre de sources et études connues, toutes signées par Van Hellsing en personne.


    Acte XVII - Douleur et vérité (partie I)

    Le silence était pesant, tout comme cet air lourd et difficile qui parcourait Dalaran à une époque où le calme qui la bordait n'était que mensonge, voilé d'une nuit noire que seules les lumières de la ville parvenaient à percer.

    Tristan était assis sur un fauteuil de bois sylvestre aux courbes elfiques taillées, près de la fenêtre de la chambre qu'il avait prise à l'auberge, vêtu d'une chemise de lin blanche et de son pantalon habillé, chaussures noires scintillantes de propreté, le couvre-oeil sang cachant sa cicatrice épaisse. Il observait la grande tour qui s'élevait aux côtés du fort pourpre, le regard vide, l'esprit perdu dans de sourdes pensées sans importance. Il avait passé la journée là en compagnie de verres de rhum dont un à moitié entamé à la main, seul avec lui-même, hibernant, adossé sur la même chaise, au même endroit, assis, simplement.
    Une jeune femme vint poser ses mains sur ses épaules avec douceur, un visage angélique qui rappelait beaucoup l'homme, tout comme sa chevelure brune cendrée, la peau blanche et nette marquée par un regard enjôleur, une robe blanche soyeuse et magnifique la couvrant avec douceur.

    - Salut papa.

    Tristan releva légèrement la tête, sans perdre de vue le point qu'il fixait.

    - Salut...

    Elle vint près de lui, le détaillant tête penchée, la voix aussi agréable que son sourire jointe par une main légère posée sur la joue de l'homme, qu'elle caressa doucement.

    - A ce que je vois tu rumines. Tu as toujours été un peu grincheux, ça fait partie des choses que j'aimais chez toi.

    Tristan cligna lentement de son seul oeil valide, immobile, avant de répliquer avec plus de lenteur encore.

    - Il y a pas mal de choses que tu semblais aimer chez moi, ou détestais, ruminer... n'est pas forcément le plus flatteur.

    Elle sourit davantage et vint se mettre à genoux devant lui, les bras croisés sur les jambes de l'homme sur lesquels elle posa son menton, le regard toujours plus intense se faisant affectueux.

    - Comme tu l'as toujours dit, le contraire de l'amour, c'est l'indifférence, alors te détester, c'est plutôt flatteur tu ne penses pas ?

    - J'imagine...

    Elle marqua un temps, observant sans lassitude de ses yeux bleutés l'homme qui semblait figé dans sa position assise, et dont quelques mèches de sa chevelure venaient voiler son regard vide.

    - Raconte-moi une histoire.

    Tristan rejoint son regard et s'accorda un instant de réflexion, avant de conter d'une voix machinale et défaite de toute passion.

    - Il faisait terriblement froid à cette époque et neigeait depuis le matin. Il commençait à faire sombre, annonçant le soir qui arrivait, le soir du dernier jour de l'année. Au milieu des rafales, par ce froid de glace, une pauvre petite fille marchait dans la rue. Elle n'avait rien pour couvrir son visage et se trouvait pieds nus, ses petites oreilles fragiles se gelant. Lorsqu'elle était sortie de chez elle au matin, elle avait eu de vieilles pantoufles beaucoup trop grandes pour elle. Aussi les perdit-elle lorsqu'elle eut à se sauver devant une compagnie de cavaliers au galop. Les cavaliers passés, elle chercha après ses chaussures. Un gamin s'enfuyait, emportant en riant l'une des pantoufles, l'autre avait été entièrement écrasée.
    Voilà la malheureuse enfant n'ayant plus rien pour abriter ses pauvres petits pieds fragiles. Dans son vieux tablier, elle portait des allumettes, en tenait à la main un paquet. Mais, ce jour, la veille de la nouvelle année, tout le monde était affairé, par cet affreux temps, et personne ne s'arrêtait pour considérer l'air suppliant de la petite qui faisait peine à voir. La journée finissait, et elle n'avait pas encore vendu un seul paquet d'allumettes. Tremblante de froid et de faim, elle se traînait de rue en rue.

    Des flocons de neige couvraient sa longue chevelure châtain, qui elle-même cachait ses petits yeux bleus tristes. De toutes les fenêtres brillaient des lumières, de presque toutes les maisons sortait une délicieuse odeur, celle de l'oie, qu'on rôtissait pour le festin du soir, c'était la Sanssaint. Cela lui faisait arrêter ses pas errants.
    Enfin, après avoir une dernière fois offert en vain son paquet d'allumettes, l'enfant aperçut une encoignure entre deux maisons, dont l'une dépassait un peu l'autre. Harassée, elle s'y assit et s'y blottit, tirant à elle ses petits pieds fragiles... mais elle grelottait et frissonnait encore plus qu'avant et cependant elle n'osait retourner chez elle. Elle n'y rapporterait pas la plus petite monnaie, et son père la battrait. L'enfant avait ses petites menottes toutes transies. « Si je prenais une allumette, se dit-elle, une seule pour réchauffer mes doigts ? » C'est ce qu'elle fit. Quelle flamme merveilleuse c'était.

    L'homme finit sa phrase avec plus de lenteur, une lueur de tendresse passant dans ses yeux pourtant vides d'expression. Sa fille elle ne cessait de le fixer, captivée par l'histoire, répondant d'un petit sourire alors qu'il reprenait.

    - Il sembla tout à coup à la petite fille qu'elle se trouvait devant un grand poêle en fonte, décoré d'ornements en cuivre. La petite allait étendre ses pieds pour les réchauffer, lorsque la petite flamme s'éteignit brusquement, le poêle disparu. Et l'enfant restait là, tenant en main un morceau de bois à moitié brûlé.
    Elle frotta une seconde allumette, la lueur se projetait sur la muraille qui devint transparente. Derrière, la table était mise. Elle était couverte d'une belle nappe blanche, sur laquelle brillait une superbe vaisselle de porcelaine. Au milieu, s'étalait une magnifique oie rôtie, entourée de compote de pommes. Et voilà que la bête se mit en mouvement, avec un couteau et une fourchette fixés dans sa poitrine, vint se présenter devant la pauvre petite. Et puis plus rien, la flamme s'éteignit.

    L'enfant prit une troisième allumette, et elle se vit transportée près d'un arbre décoré du voile d'hiver, splendide. Sur ses branches vertes, brillaient mille bougies de couleurs. De tous côtés, pendait une foule de merveilles. La petite étendit la main pour saisir la moins belle, l'allumette s'éteint. L'arbre semblait monter vers le ciel et ses bougies devenir des étoiles. Une se détacha et redescendit vers cette terre, laissant une trainée de feu.
    « Voilà quelqu'un qui va mourir » se dit la petite. Sa vieille grand-mère, le seul être qui l'avait aimée et chérie, et qui était morte il n'y a pas longtemps, lui avait dit que lorsqu'on voit une étoile qui file, d'un autre côté une âme monte vers le ciel. Elle frotta encore une allumette, une grande clarté se répandit et, devant l'enfant, se tenait la vieille grand-mère.
    Douce image pour quelqu'un à qui au final, il ne restait que le rêve et l'illusion, pour ne pas pleurer.

    La jeune femme laissa glisser ses doigts sur la joue de son père, jusque ses lèvres avec amour.

    - Toi, tu as toujours su assumer la réalité, savoir exactement où tu es.

    - C'est ce qui me caractérise...

    Ils échangèrent un regard devenu complice, retournant un moment dans le silence, avant que la voix de son enfant ne brise à nouveau ce silence de cette même douceur infinie.

    - Esquisse pour moi un sourire en coin, comme quand tu sors de ces murs.

    - Je ne le peux...

    - Parce que ce serait mentir ? Reprit-elle en posant sa main sur la sienne, l'air désolée.

    - ... Oui. Un mensonge, comme tout le reste.

    - Pourquoi dis-tu ça ?

    Elle fronça les sourcils, sans comprendre, alors que l'homme n'abordait aucune réaction, aucun sentiment visible, rien.

    - Parce que c'est notre réalité, parce que tu étais toute seule et que je n'ai pas su te protéger... parce que je t'ai tuée.

    - Tu as fait tout ce que tu pouvais, tu ne savais pas... ce n'est pas ta faute.

    Sa main glissa jusque son torse, sur son coeur, auquel elle porta un regard avant de le fixer à nouveau, comme cherchant à le convaincre d'un sourie triste, à la vue de la larme qui coulait sur la joue de son père.

    - Ça n'a pas suffi... si j'y avais cru, si j'avais su pour le sérum...

    - Ne dis pas de bêtises, tu n'aurais pas pu deviner. Je vis toujours, dans ton coeur, et dans ton âme. Et puis tu as toujours eu tendance à dramatiser quand ça te touchait personnellement. Répliqua-t-elle avec une certaine mélancolie.

    - Ça aussi, ça me caractérise.

    - Pourquoi me pleures-tu alors ? Je me sens bien à présent.

    - Il y a bien des gens que je pleure chaque jour, toi plus que d'autres, parce que tu étais ma fille, la seule chose de bien que je n'ai jamais fait... la seule, et que je n'ai pas su sauver davantage que le reste.

    Elle regarda ses pieds un instant, puis sourit doucement en se relevant.

    - Un jour viendra où tu me rejoindras, en attendant, cesse de pleurer, tu es bien plus beau quand tu souris. Un jour papa, mais pas encore, pas encore... je t'aime.
    Tristan Van Hellsing
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    Livre - L'ascension du Bélier Gilnéen  Empty Re: Livre - L'ascension du Bélier Gilnéen

    Message  Tristan Van Hellsing Lun 16 Jan - 10:58

    Acte XVIII - Douleur et vérité (partie II)


    Tristan se réveilla dans un léger sursaut, reprenant ses esprits. Il était toujours assis au même endroit, le même verre à la main, et pourtant, rien n'était pareil, il n'avait que ce goût amer à la bouche et comme sensation immédiate les courbatures de son dos. Il n'était plus à la magnifique Dalaran, mais à Hurlevent, dans une chambre miteuse du quartier commerçant, sur une chaise grossière et grinçante.

    - J'ai pensé que tu avais définitivement cessé de bouger, je commençais à me demander quoi faire de ton corps.

    La voix d'une jeune femme s'était élevée à nouveau, mais à présent froide et sèche, faisant écho dans l'air. Elle se tenait au fond de la pièce derrière lui, face au miroir fixé au-dessus de la commode où elle s'observait en détails, longuement. Sa peau était à présent d'une extrême pâleur, ses yeux d'un bleu glacé et durs, revêtant une sombre armure runique abîmée par endroits.

    - Et qu'avez-vous décidé ? Répondit Tristan en se massant brièvement les yeux, l'air aussi las que sa voix détachée.

    - Aucune solution intéressante ne m'est venue à l'esprit. Tu as bu beaucoup de ce jus empoisonné, assis des heures durant et faisant d'étranges bruits avec ton nez.

    - Je dormais, espèce d'idiote.

    Il porta son verre à ses lèvres et le termina d'une traite, les yeux de la runique s'étant soudainement portés à lui.

    - C'est un concept, reprit l'homme dans un soupir, qui consiste a s'avachir et se mettre hors d'usage afin de reposer son corps de la fatigue, tout en se détendant parfois au préalable à l'aide de quelques boissons. Le genre de concept nécessaire aux mortels, mais j'imagine que les gens de votre espèce n'ont pas de temps à perdre avec ces conneries.

    - Il est vrai qu'un guerrier de ma condition n'a nullement besoin de repos, car notre force est sans limite.

    - J'imagine que c'est la raison pour laquelle vos amis du cercle ne sont pas fichus de combattre face à face, et préfèrent prendre par traîtrise.

    Elle observa l'homme faire craquer ses vertèbres dans un nouveau soupir éreinté, puis reporta son regard sur le miroir, fixant son reflet.

    - Pourquoi t'obstines-tu à me vouvoyer ? Ne suis-je pas ta progéniture ?

    - Ma progéniture. L'idée arracha à Tristan un léger et bref rire. Si cela avait réellement été le cas, celle-ci n'aurait pas utilisé ce genre de terme. J'ai accepté de vous guider dans ce monde qui vous rejette sans doute autant que vous le rejetez, mais n'espérez pas que je considère une machine a tuer à qui l'on a conditionné l'apparence de ce qu'aurait pu être mon enfant, comme une progéniture de quelque sorte que ce soit, bien que l'ironie de la situation ne m'échappe pas.

    - Pourtant j'ai son visage, sa voix, ses souvenirs. N'est-ce pas ce qui fait d'une personne ce qu'elle est ?

    Elle revint à nouveau à lui alors que ce dernier se levait en s'appuyant sur les accoudoirs de son fauteuil, se dirigeant vers la fenêtre pour regarder la place agitée en dessous.

    - En tant que combattant, l'on se doit de faire la différence entre la réalité et le mensonge qu'il soit issu de la magie illusoire ou impie, car dans le monde de la magie, c'est ce qu'il y a de plus dur. La vérité... c'est que ma fille est morte, prétendre le contraire serait mentir. Il tourna un court temps ses yeux sur le côté, avant de terminer sous le regard captif de la runique. Et étant donné que je n'ai pas l'intention de mourir ces prochaines semaines, je ne peux accepter cela.

    - Le cercle m'a donnée à toi, afin que tu puisses récupérer cet enfant que la malédiction t'a arraché, cela en dépit du fait que tu as tué ce mage et ce diplomate... des agents qui leur coûtaient cher. Mais tu me refuses, tu n'acceptes pas ce qui t'a été donné. Pourquoi m'avoir fait entrer dans ton intimité en ce cas ? Pourquoi avoir accepté de me guider ?

    - Parce qu'il semble que je ne puisse faire autrement pour l'instant, appelez cela de la faiblesse de ceux dont le coeur bat encore. Quant à ces moins que rien, c'est ce qui a convaincu vos maîtres, il fallait bien que je m'arrange pour qu'il y ait une place à prendre, qui profiterait à un vrai guerrier, et non pas à ces mauviettes.

    Elle grogna subitement, serrant les poings et s'exclama avec mépris et une teinte de folie, visiblement à bout de patience.

    - Toutes ces paroles morales alourdissent l'air qui m'entoure, tous ces souvenirs, tous ces sentiments et cette répugnante humanité qui émane de toi me submerge comme l'odeur fétide d’égouts ! Autant que je sens s'imprégner le ressentiment de ma misérable carcasse humaine !

    - Ne vous flattez pas trop. Répondit Tristan, dos à elle.

    Celle-ci se mit à faire les cents pas, le visage colérique et les mains tremblantes de rage avant de hurler sur l'homme de sa voix faisant écho à travers la pièce.

    - Je devrais être dehors à démontrer ma supériorité et faire subir le courroux de ma lame ! Je devrais parcourir les champs de bataille à faire exemple à ces pleutres de ton misérable village de ce qu'est un véritable guerrier ! Le cercle détruira la ville, que tu fasses semblant d'être leur allié ou non ! Ce n'est qu'une question de temps ! Mais tu t'obstines de même à m'enfermer avec toi entre quatre murs alors que la grandeur est sur le point d'être apportée à ce bois piteux ! Je devrais te punir pour ton impudence !

    - Vous saviez où vous mettiez les pieds en me rejoignant, vous saviez déjà que ce cadeau empoisonné ne parviendrait pas à me berner, sachant que vous êtes là pour me surveiller. Dans ce cas, pourquoi avoir demandé mon aide, pourquoi ne pas aller leur dire que je me fiche d'eux depuis le début ?

    Tristan se tourna vers la runique lentement, plongeant son regard dans le sien alors que cette dernière s'arrêtait nette, le soutenant avec un calme nouveau.

    - Parce que je ne suis pas leur instrument, quelles que soient les raisons pour lesquelles ils m'ont fait exister à nouveau ! Et parce que... Celle-ci marqua un temps, baissant de ton en fixant Tristan de même. Je n'ai personne à part... toi.

    - Venez. Reprit l'homme après avoir marqué un court temps d'observation.

    Il se dirigea vers la porte près du râtelier à sa gauche, et l'ouvrit, révélant un balcon qui s'élevait au-dessus du quartier, fait de pierres ternies et non entretenues, grattées. Tendant sa main vers elle il l'incita a sortir silencieusement, le geste rassurant. Elle demeura de marbre, méfiante, avant de finalement s'approcher, le suivant de ses yeux inquisiteurs et passa devant lui pour sortir sur le balcon. L'air était frais à cette heure de la nuit, une légère brise vint caresser la nuque de la runique, repoussant à peine ses mèches, le ciel illuminé d'innombrables étoiles argentées. Elle se plaça près du bord tout en relâchant un long soupir de soulagement, le regard balayant la place pour s'attarder sur l'édifice lourd et massif de la banque où quelques hommes et nains discutaient avec tranquillité, près de l'entrée où entraient et sortaient toutes sortes de personnes.

    - Vous allez mieux?

    Tristan apparut à côté d'elle, le regard quant à lui porté sur la cité.

    - ... Je me sens mieux.

    - Les murs sont moins oppressants quand on ne les voit pas.

    Elle marqua un temps, s'apaisant avant de répliquer avec incompréhension.

    - Ce monde est si petit. Et pourtant vous vous cloîtrez dans des espaces encore plus exigus.

    - Nous vivons dans un monde qui ne répond qu'aux lois de la nature et de la volonté, loin de l'idéal auquel l'on souhaiterait croire. Un monde fait de grandes choses, des choses terribles... et magnifiques, qui si nous les regardions trop longtemps, nous brûleraient les yeux. Des vérités intolérables, des désirs honteux que l'on garde secrets, et qui nous enivrent quand vient la nuit, ainsi que la solitude. Chaque mur, chaque bâtisse, chaque maison est alors un moyen de nous protéger et cacher ces vérités que l'on ne pourrait endurer, au risque d'atteindre notre conscience qui face à elles se détruirait.

    La runique posa les mains sur le rebord de pierre, un air de tristesse et de déception passant dans son regard.

    - Sommes-nous si faibles ?

    - Oui... Répondit l'homme d'une voix continuellement lasse. Oui nous le sommes. Mais nous sommes aussi vivants, quelle que soit la couleur de nos yeux, et libres. Libres de choisir, comme vous avez choisi de ne pas les suivre. Le cercle peut bien prétendre tout le pouvoir qu'ils souhaitent, prétendre pouvoir pulvériser tout ce que nous sommes. Il y a une chose qu'ils ne peuvent pas asservir... nos choix, et la fille que j'ai élevée, aurait fait les bons choix.

    Le silence vint s'imposer à nouveau, interminable alors que les deux demeuraient ainsi, elle si pensive et lui si éloigné. Les coups assenés à la porte d'entrée brisèrent finalement ce silence, alors que quelques instants après un autre homme entrait sur le balcon, le dos courbé et vêtu d'une longue robe noirâtre, le visage couvert d'une large capuche rattaché à elle. Les deux autres se retournèrent vers lui avec bien moins d'entrain, le mystérieux homme s'approcha lentement, sans lever les yeux de sous sa capuche; pour finalement s'adresser à Tristan avec rudesse.

    - Maître Van Hellsing, le cercle vous fait convier dans les sous-sols de l'agneau assassiné. Il est l'heure pour vous de passer le second test.

    L'homme sortit une main abîmée et frêle de l'intérieur de sa manche pour tendre une lettre repliée, alors que ce dernier la récupérait et acquiesçait d'un air vague.

    - J'arrive... sortez d'ici.

    - Tout de suite maître.

    L'homme repartit hâtivement et en quelques instants avait quitté la chambre. Tristan mit la missive dans sa poche sans prendre la peine de l'ouvrir et se dirigea vers la porte, puis s'arrêta et porta un regard par-dessus son épaule, la runique restée immobile l'observant.

    - Vous venez ?

    - Si c'est pour te regarder à nouveau exécuter un rituel d'un temps interminable avec ces illuminés qui vénèrent les membres du cercle comme de pauvres esclaves volontaires, je préfère encore rester enfermée ici. Répliqua-t-elle en lui tournant le dos.

    - Les membres du cercle seront sûrement là, pour me faire passer leur test, il y aura sûrement des combats, des supplices et du sang.

    La jeune femme aux yeux de glace se tourna à nouveau, plus lentement, et observa longuement l'homme avant de répondre en acquiesçant.

    - En ce cas je viens.
    Tristan Van Hellsing
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    Livre - L'ascension du Bélier Gilnéen  Empty Re: Livre - L'ascension du Bélier Gilnéen

    Message  Tristan Van Hellsing Lun 16 Jan - 10:59

    Entracte


    Tout était différent, tout était à nouveau plongé dans les ténèbres, et pour le nouveau chef des veilleurs, des certitudes se mêlant aux doutes. Assis à son bureau, droit, les mains sur la table et le regard fixant un point vague, il pensait, longuement.

    La guerre avec les lames avait fini à peine commencée. Les tortures sur Saphira, accumulant à toutes les agressions et complots des lames laissés trop longtemps sans conséquences, avaient provoqué la rage et la détermination du commandeur. Oeil pour oeil, dent pour dent, c'est ce que l'un de leur non-morts fourbes avait compris par la force, se retrouvant jeté à la frontière, les yeux arrachés, les os brisés et le corps lacéré apportant un message. Dans la même soirée, la matriarche abattue sauvagement par un des nombreux mercenaires de Van Hellsing, et dans la nuit, un combat qui aurait donné lieu à la mort pure et nette d'un autre membre, sans autre forme, de sa propre main à nu et de face cette fois. Une victoire nette et rapide, non sans réparties. Des chamans, des étrangers, pointant du doigt les veilleurs comme les provocateurs du conflit, les "méchants" comme il avait eu la perplexité de l'entendre, clamant toute la bonté de la matriarche, malgré les discours clamés haut et fort de guerre et de vengeance sanglante contre la société. Et les morts, tant de morts injustes et monstrueuses. "Quelle bande d'idiots..." se dit-il, secouant légèrement la tête.

    Mais ce n'était qu'une partie. Un évènement revenait sans cesse en tête du gilnéen, l'embuscade. Les troupes du culte de l'aiguille noire, lui qui croyait la guerre gagnée, et qui avaient profité du convoi pour les attaquer de front. Et ces pertes, Merilwen, mort pour sauver le groupe, s'embrasant dans l'explosion de la magie bien-née, et Stonering, mort par l'attaque fourbe et lâche de ces monstres. Un nouveau soupir, joignant sa main passée sur son visage, et cette lassitude. Tout cela et bien d'autres choses, d'autres individus, d'autres criminels.
    Tant de choses à faire et l'effectif diminuant, ces guerres, cette puissance, ces victoires, avaient coûté plus cher qu'imaginé au commandeur, et malgré chaque victoire, chaque nouvelle dans leur sens, lui ne pouvait oublier le visage de ceux qui étaient tombés, de ceux qu'il s'était acharné à conserver. Mais il n'était pas temps de flancher, le dénouement était proche, il le sentait, il en percevait l'odeur vivace, un dénouement qui déciderait une dernière fois de l'avenir de ce village qui avait survécu à tous les maux.

    Un dénouement attendu depuis longtemps.


    Acte XIX - Le dénouement



    Il y avait une lueur, qui s’échappait de la nuit noire que certains avaient la poésie de dire éternelle, pour ne pas dire lourde. Dans le bois, non loin de la ferme des Yorgen, il y avait un manoir, perdu dans la forêt. Celle-ci était morose, comme à son habitude, les herbes et les plantes d'un vert foncé pâle, d'une apparence séchée, comme cadavérique, si les plantes pouvaient l'être. Dans les environs, un silence de mort, brisé à l'occasion par un hurlement animal, déchirant. Même les plantes corrompues, se déplaçant toutes seules un peu plus loin, restaient silencieuses, attendant, vivant, sans vraie raison de vivre.
    Une branche se brisa sous l'impulsion métallique des bottes de maille. Un pied devant l'autre, la démarche sûre et masculine, Tristan arrivait dans les environs de ladite ferme, se dirigeant vers le manoir, revêtant son armure de maille lourde, à laquelle avaient été ajoutées des séparations de plaque sur chaque partie, la rendant plus solide. Comme seule arme, étrangement, une claymore dans le dos, entrée dans un fourreau, dont la ceinture de tenue passait par son épaule, longeant le torse pour revenir au niveau de la hanche, le tout couvert par une cape noire large, tombant sur ses épaulières. Derrière, un nouveau craquement de branches mortes suivit ses pas, alors qu'un autre homme l'accompagnait. Il était plus jeune, brun au possible de même. Ses yeux avaient la même couleur marron foncé, qui apportait un certain air ténébreux sur une peau blanche et inscrite de traits durs, sur une expression hautaine, avec des allures de baroudeur. Bien qu'il ressemblait énormément au gilnéen, avec plusieurs années en moins, lui portait un ensemble de cuir d'un marron très appuyé, les épaulières parsemées de piques, le torse épais avait de multiples attaches sur lesquelles étaient raccrochés des couteaux aiguisés, certains dentelés. Dans le dos, deux épées semi-longues dépourvues de gardes, compensées par l'importante largeur des lames, le tout également couvert par une cape noirâtre du même type.

    Les deux hommes s'arrêtèrent devant la porte du manoir, le plus vieux, et également le plus grand d'une demi-tête, se mit droit, posant les mains sur les hanches et examina des yeux la porte de bois abîmée et les murs grattés, voire grignotés par endroits, donnant à la bâtisse une apparence miteuse. L'autre, en revanche, avait les épaules retombées, les bras dissimulés sous la cape, avec un regard beaucoup moins sérieux, et détaché.

    - Combien tu paries que c'est l'antre de ce fichu nécromancien ? Dit Tristan, bien plus intéressé, son air blasé mêlant une certaine attention, de sa voix grave.

    - Ou celui du cavalier de la Sanssaint.. Répliqua le second, le ton légèrement moqueur alors qu'il passait brièvement sa langue sur sa lèvre inférieure avec un léger rictus.

    Tristan porta son regard sur le plus jeune, avec un air plus blasé encore. Ce dernier, lui jeta un coup d'oeil avant de revenir au manoir, reportant finalement le regard sur lui les sourcils froncés en se réalisant observé, perplexe.

    - Ça t’arrive de rigoler ?

    Le chasseur relâcha les mains en soupirant et avança sans ralentir vers la porte, posant la main sur la poignée et marquant un instant avant de la tourner. Celle-ci siffla à peine, puis grinca alors qu'il ouvrait, suivi de l'autre qui secouait légèrement la tête. Ils entrèrent alors et observèrent un spectacle à en surprendre plus d'un, s'il n'était pas morbide. La pièce avait été aménagée en un grand salon aux airs luxueux, avec tapis brodés au sol, tableaux divers aux murs et tapisseries. On y trouvait également un piano, un buffet vide avec vaisselle de porcelaine, table, chaises en bois de chêne, des couffins, un grand fauteuil et... des morts, un tas de morts. L'un était assis au piano, les doigts sur les touches, une autre à côté tenait un verre de champagne, observant en direction de deux autres qui semblaient danser, d'autres encore qui s'intéressaient au buffet ou discutaient les lèvres closes. Ils étaient là, tous figés dans leurs positions, la peau d'une couleur pâle cadavérique, et pourtant très bien conservés, et particulièrement bien habillés. L'on se serait cru, à une réception de la noblesse Hurleventoise, le feu de la cheminée vivace.

    - Hé bien... dit le plus jeune après un moment d'observation silencieuse. Il aime jouer à la poupée.

    Tristan avança, observant les individus en passant entre eux, sans véritable expression quelconque, détaillant la salle du regard, avant de répondre.

    - Ce n'est pas pour lui... c'est sa salle de présentation.

    - Qu'est-ce qu'on en sait?

    Le second alla au salon de même, passant devant les corps figés en les regardant de haut en bas, l'air tranquille et détendu, la démarche nonchalante.

    - Il s’ennuie peut-être tout seul dans ce bois. Il se fait une petite fête tous les soirs, il fait son choix parmi les macchabées et il s'offre du bon temps, sans qu'on lui casse les pieds avec des discussions barbantes, si tu vois ce que je veux dire.

    Le chasseur leva le seul de ses deux yeux non caché par un couvre-oeil rouge sang vers son camarade, le regard dur.

    - Bah quoi ? Répliqua le plus jeune en haussant les épaules, l'air de rien. Ça les gêne pas.

    - Si, cela les gêne.

    - Pourquoi? Après tout ils sont morts, apaisés. Ils en ont fini avec la vie, partis en une fois et proprement. Personne ne les force à revenir contre leur gré ou se changer en monstre, alors qu'est-ce qu'ils...

    - Moi ça me gêne. Coupa Tristan, croisant les bras en le fixant.

    Les deux s'observèrent quelques instants, avant que des bruits de pas ne se fassent entendre, descendant les escaliers. Une silhouette se montra, couverte d'une robe de cérémonie noire et d'une capuche de même couleur, le visage semi-voilé, la partie visible était bleutée, la peau d'apparence craquelée. Ce dernier arriva en bas et s'avança vers le salon, s'arrêtant net à la vue des deux intrus, qui avaient portés le regard de même sur lui.

    - Ah... je ne m'attendais pas à recevoir le chef milicien lui-même dans ma demeure. Finit par dire le nécromancien, libérant ses mains des manches pour présenter l'endroit, un rictus au coin des lèvres qu'il perdit aussitôt. Vous ne devriez pas être là.

    - Dites-moi... Répliqua Tristan, se tournant vers lui. Combien faites-vous payer aux voyageurs de passage, pour leur fournir des serviteurs peu onéreux et obéissants au choix. J'imagine que cela en intéresse un certain nombre, de pouvoir avoir un larbin sous la main.

    - Peut-être mais croyez-moi veilleur, les voyageurs de passage en ont rarement les moyens, ma clientèle est plus... particulière.

    - En effet, mais je vais régler ce problème sous peu. Peut-être que quelqu'un sera intéressé par la tête d'un nécromancien à la peau bleue.

    Celui-ci se mit a rire, le perdant de même rapidement, avant de reprendre d'un ton menaçant.

    - Et vous pensez qu'amener un des vos semblables en renfort vous permettra de me vaincre, worgen ?

    - Hé moi je suis pas là pour ça. Le plus jeune leva les mains, l'air de rien, avant de regarder ailleurs. Je l'accompagne point final, faites ce que vous voulez.

    - Reste en dehors de ça. Lança Tristan avec un regard de côté.

    - Ho lâche-moi, le second répondit avec une teinte de mépris peu caché. Ça me fera des vacances.

    - Bien...

    Le gilnéen s'avança vers le nécromancien en tirant son épée de son fourreau, qui sous enchantement, se nimba de flammes à la tenue de sa main. Le mage noir ne bougea pas, le suivant des yeux.

    - Autant faire ça vite, disons que vous allez pouvoir rejoindre la réception, au même rang que vos victimes.

    Tristan observa un instant l'individu, puis envoya sa lame d'un coup circulaire vers son cou, vif. Le nécromancien réagit avec une rapidité étonnante, reculant le visage en pliant le dos pour laisser passer la lame au-dessus, puis se redressa d'un mouvement et envoya un crochet du poing gauche au gilnéen, qui fut projeté sous la force vers le mur, le percutant violemment en lâchant son arme. Le chasseur se rattrapa en retombant au sol, se redressant sur ses bras. Mais déjà le nécromancien était arrivé à son niveau et repoussa l'épée plus loin du pied, avant de soulever Tristan par les attaches de sa cape, au-dessus du sol.

    - Ouh... répliqua celui qui était resté en arrière, grimaçant légèrement avec une fausse mine compatissante. J'en connais un qui va finir en macchabée.

    La suite alla vite, Tristan réagit à son tour d'une droite en pleine mâchoire, qui fit lâcher le nécromancien, se retrouvant repoussé en arrière en titubant, manquant de tomber. Le gilnéen reprit rapidement ses appuis et se tourna vers la table à sa gauche, saisissant une fourchette avant de se diriger vers le nécromancien, le regard noir. Ce dernier se redressa finalement, la main à la mâchoire et hurla de rage avant de se jeter sur le chasseur d'un coup de poing du droit. Cette fois, Tristan évita le coup d'un mouvement de côté, qui passa à ras de son visage, et répliqua d'un coup de coude à la tempe, arrachant un gémissement rauque à l'individu qui bascula à nouveau, et enchaînant en lui envoyant la botte dans l'estomac sans retenue. Pris de court le nécromancien se plia sur lui-même en reculant, grognant de douleur, et au moment où le gilnéen le saisit, bloqua son bras en passant son avant-bras autour du sien pour le plier, le saisissant violemment à la gorge de l'autre pour le soulever de nouveau avec fureur. Le gilnéen grimaça sous la pression des doigts se serrant autour de sa gorge, portant la main sur son poignet, sans parvenir a l'en défaire, alors que le plus jeune des deux souriait, amusé. Le nécromancien serra sa prise de sa force, fixant l'expression du chasseur, un rictus satisfait se formant.

    - Vous savez, je me suis toujours demandé ce que fera...

    Il fut coupé par le sifflement du mouvement de Tristan, tandis que la fourchette prise plus tôt se plantait dans un bruit de chair déchirée à travers la tempe de celui-ci, ses yeux s'ouvrant en grand sous le choc.

    - ... Une fourchette ?! S'exclama le plus jeune, observant avec un air aussi outré que perplexe.

    Le nécromancien, bouche mi-ouverte, laissa échapper un bruitage incompréhensible, lâchant sa prise progressivement, puis s’écroula sur le sol, alors que Tristan reprenait appui sur ses pieds sèchement et passait sa main sur sa gorge, reprenant une inspiration.

    - Alors là tu vois, tu me déçois... vraiment.

    L'autre observait le cadavre du nécromant, soupirant, sous le regard exaspéré du gilnéen qui se redressait droit, abaissant sa main.

    - Que tu ne veuilles pas m'aider c'est une chose. Mais t'es gentille, évite d'encourager l'ennemi.

    - J'encouragerais tous ceux qui ont une chance de te coller une dérouillée.

    - C'est quoi, ton problème ? Lançait sèchement Tristan, s'avançant vers son homologue, agacé très visiblement au possible.

    - C'est toi, mon problème, sale blaireau. T'as la vie trop facile. T'es à la tête d'une milice dirigeant un village, avec une nana, des armes en pagaille, de l'or dans la tirelire et toute la gloire et le pouvoir dont t'as jamais pu rêver ! Et moi je sauve la veuve et l'orphelin, je verse mon sang sur l'autel de l'amour, de l'honneur et tout le baratin. Répliqua le second, tout aussi sèchement et le regard méprisant, exécutant des gestes théâtrals ironiques. Et j'ai droit à quoi ? Me retrouver en pauvre mercenaire avec tout juste un couteau dans l'attache, c'est pas juste.

    - Juste ?! Répondit le gilnéen, levant le ton alors qu'il perdait patience, en ouvrant une main qu'il tendait d'amertume, serrant les dents sous la colère. Ta condition tu l'as voulue, moi pas ! J'ai failli en mourir ! J'ai passé plus d'une année tiraillé par la bête et déchiré par le remords et le chagrin, j'ai cru que jamais je m'en sortirais ! Tu es resté deux semaines à pleurer dans la cave d'une auberge et après c'était fini ! Et tu trouves ça juste ?!

    - Je t'en prie, tu vas pas nous jouer les martyres maintenant. Reprit le second, les ardeurs se calmant naturellement. Leilana m'a parlé de ta belle et merveilleuse prophétie du chaman venu du fin fond de la forêt, avec le troclon et toute l'histoire. Si fait ton quota de guéguerre contre le culte de l'aiguille noire et de bonnes actions pour l'intérêt général, on t'apportera ta rédemption sur un plateau comme tout le reste.

    - A un tout petit détail près, la prophétie est totalement bidon, elle le sont toutes. Rien n'est écrit dans la pierre, il n'y a pas de fatalité. On fait son boulot, on sauve des vies, et on se retrouve à la tête d'une milice mal armée plongée dans un enfer d'où le seul moyen de s'en sortir vivant, c'est d'être pire que l'ennemi.

    - Ou on se retrouve sans rien avec un pied en enfer.

    - Qu'est-ce que tu t'imagines James...

    Tristan relâcha ses muscles, avançant, et passa derrière lui avant d'aller s'affaler sur le fauteuil, posant un bras sur l'accoudoir, l'air plus las que jamais en perdant son regard dans le vague un instant pour ensuite revenir à lui, reprenant.

    - Nos forfaits, les vies que l'on a détruites, les erreurs que l'on a commises, c'est tout ce qui comptera jamais. Alors oui, surprise, tu vas en enfer, on y va tous les deux.

    - A quoi bon alors ?

    James ouvrit les bras, les relâchant finalement avant d'aller s’avachir sur le fauteuil à côté de lui, s'adossant avec une mine presque désespérée.

    - A quoi bon, faire de son mieux, essayer de changer les choses.

    - Qu'est-ce que tu veux faire d'autre...

    Tristan se laissa soupirer, tout deux observant devant, le salon de morts figés comme seule vue, l'autre répliquant finalement.

    - Alors c'est sans espoir, je vais brûler dans les flammes de l'enfer...

    - Bienvenue dans l'équipe.

    James prit une inspiration, acquiesçant finalement.

    - Au moins, je serais pas tout seul. Toi et moi à nouveau réunis, comme autrefois. Thrall et Garrosh, Lothar et Turalyon, Jimmy et Jammy...

    - Ça y est, tu as fini... ?

    - Tu n'as jamais eu de conversation. Rétorqua James en lui jetant un regard. Même quand on était gosses, t'étais bien trop occupé à serrer les dents en fronçant les sourcils, te prenant pour père... ah j'adorais ça.

    - Comme j'adorais t'entendre pleurnicher à longueur de journée. Lui répondait Tristan, avec le même ton ironique.

    - Toujours à frimer, à te prendre pour le chef et aboyer tes ordres. A te croire une espèce de caïd.

    - Sans jamais écouter.

    - Tout le temps à me couper.

    - Et tes cheveux c'est quoi au juste cette coupe ? Efféminé ?

    - Je ne t'ai jamais beaucoup aimé Revan, et même quand on était pas nets, encore plus quand on était enfants.

    - Je t'aimais encore moins.

    - Super.

    - Génial.

    Un temps de silence se marqua, alors que chacun regardait de son coté, le regard empli de fierté et de désintérêt.

    - Il y a qu'un truc que j'appréciais chez toi. Avait fini par reprendre Tristan sans tourner les yeux, se passant l'index sur la lèvre.

    - Ah ouais ? Lui répondit alors James en levant les sourcils avec intérêt, reportant son regard sur lui.

    - Oui, je ne l'ai jamais dit à personne... mais j'aimais bien tes poèmes.

    - Tu aimais aussi la musique et la danse. Lança le jeune frère en fronçant finalement les sourcils, comprenant la moquerie avant de détourner le regard.

    Le silence revint à nouveau, les statues de chair respectant la règle à la lettre, avec seulement le bruissement des flammes de la cheminée pour ne pas le laisser mourir au même titre qu'eux.

    - Cette fille, Eiluna, t'as l'air vachement mordu.

    - Disons... Tristan inspira entre, avant d'expirer en terminant sa phrase. Qu'elle est particulière.

    - Tu l'aimes cette nénette ? James jeta un nouveau regard vers Tristan, qui l’évita davantage, l'air de rien, plongé dans son air morose. Tu refuses de répondre, tu tires la tronche, ça ne veut sûrement dire que oui. Je pensais pas que tu te laisserais prendre encore une fois après Anna et la petite... J'ai eu beaucoup de chagrin, quand elles sont mortes tu sais...

    James tenta de capter une réaction de son frère, qui se contenta de poser la tête contre le dossier du fauteuil, silencieux.

    - Elle sait au moins, pour ça, et le reste?

    - Je ne suis pas du genre à raconter ma vie.

    - Je vois... Le petit frère croisa les bras, prenant un instant de réflexion. Tu crois que père aurait été fier de nous, malgré toutes nos conneries ?

    - ... J'en doute.

    - Ouais, on a pas vraiment été des fils modèles... c'est bien dommage... Tes gars sont au courant que tu comptes quitter Sombre-Comté et courir après le culte ?

    - Je leur ai fait envisager l'idée, plus ou moins...

    - M'ouais.

    James acquiesça plusieurs fois pour lui-même, comme sous le coup d'un rythme, plongé dans le fil de ses pensées, avant de rétorquer.

    - Dis, quand tu viendras à Theramore, on ira voir la troupe de théâtre au port ? Ils refont Les Songes.

    - Je n'ai jamais vu, je ne me souviens même plus la dernière fois où je suis allé au théâtre.

    - Crois-moi, avant la fin d'un premier acte, tu iras bouffer des humains à la suite.

    - Hm, si tu le dis...

    A nouveau, le silence vint, et cette fois, se prolongea, s'imposant, alors que les deux frères, tout deux perdus dans leurs pensées, restaient là, inlassablement, pour ne bouger finalement que bien plus tard, avant le lever du soleil. Du moins, le lever du soleil, que connaissent les autres régions du monde...
    Tristan Van Hellsing
    Tristan Van Hellsing


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    Message  Tristan Van Hellsing Lun 16 Jan - 10:59

    Entracte final

    Le fameux soir était arrivé, la fameuse dernière bataille que tous avaient crainte et préparée, et en réalité, la fameuse fin, mais pas comme ils l'auraient voulu.

    Une lettre était arrivée, de la part du commandeur pour la maître d'armes, ordonnant le début de la mission. Malgré son absence, tous s'étaient préparés, avaient revêtu leurs meilleures armures, leurs meilleures armes, s'étaient équipés de bombes artisanales attendant depuis un moment déjà, et de fournitures médicales, indispensables ils en étaient sûrs.

    Après avoir dispersé les ordres et les postes, les combattants s'étaient mis en marche, groupés, en direction du sud pour suivre la route vers Vul'Gor. Le bois maudit, sombre et morose, avait été calme ce soir, plus que d'habitude, comme s'il se préparait de même, dans une anxiété étouffée. Le groupe avança, chacun avec ses pensées, survivre, gagner, combattre, la plus belle façon de quitter ce monde, la femme que l'on a laissé derrière soi, partie avec un autre...
    Et ces pensées avaient été tues, à la découverte du corps d'un veilleur, près du sentier menant vers le Verger Pourrissant. Plongé dans une mare de sang dont la trace vers le sud démontrait qu'il avait été trainé, donnait un avant-goût, et mauvais présage de ce qui les attendait. Chacun avait tourné le regard, s'était méfié, ils discutaient... et après un instant de sifflement aigu, une onde bleuâtre avait frappé l'un des veilleurs et projeté, les alertant. Ils s'étaient mis en ligne, avaient attendu et... rien, si ce n'était des grondements inhumains.

    Pourtant, malgré cette magie, et le corps mort du pauvre homme, celle qui dirigeait la mission n'avait qu'un seul objectif, celui qui avait été donné, et après avoir donné les ordres, elle poussa le groupe à continuer, vers le tertre, certains jetant un dernier regard derrière eux.
    Et de nouveau, le silence fut, arraché par moments aux rugissements presque banals des bêtes de la forêt, alors qu'ils se rapprochaient toujours plus. Ils n'étaient plus loin, et à cet instant, survinrent des grondements plus graves encore, mais cette fois, suivis des coups de bâtons sur des tambours, des tambours de guerre. L'heure était venue, et tous, ils se tinrent prêts, positionnés, après avoir posé plusieurs bombes sur le sol, tandis que les silhouettes formant une grande ligne noire se distinguaient dans la profondeur du bois, rythmées par les tambours.
    Les veilleurs attendirent, et furent surpris par un ennemi qu'ils n'avaient pas envisagé. Des yeux de Kil'rogg, à l'ancienne pratique des Ogremagies, furent envoyés à la suite, par groupe d'une dizaine. Ils frappèrent de nouveau l'un des combattants qui fut projeté, alors que les suivants avaient fondu sur les bombes, implosant d'eux-mêmes, et faisant exploser les armes artisanales. Ceux-ci cherchaient à casser leur stratégie, tout en la découvrant, grâce à ces membres de magie vicieux. Des nouvelles bombes furent placées, et une nouvelle vague vint, qui fut cette fois stoppée en plein vol, par les sorts des veilleurs.

    L'un des ogres avança, levant son arme pour faire appel à l'armée, et un javelot lancé par l'habile mage, l’abattit sur place avant qu'il n'ait pu accomplir son acte. Un instant de flottement, la rage prenant, un nouveau grondement proche et puissant, et voilà les goules élancées par dizaines. Les bombes explosèrent en chemin, et balayèrent les non-morts, tout comme la terre environnante, projetant poussières et gravats, avant que les goules restantes n'entrent dans la mêlée. L'armée reprit le coup des tambours, et se scinda en deux alors que les hurlements cassés se mêlaient aux lames déchirant la chair, se fondant dans le bois.
    Les tambours cessèrent, les combattants se repositionnèrent, marchant sur les membres découpés de non-morts, et attendirent. Tout alla alors vite, et dans la fureur. L'armée chargea des deux cotés, et s'ensuivit une terrible bataille, les explosions de bombes, se mêlèrent aux sorts, au vacarme des armes, des rugissements de worgens et des pas d'ogres élancés. Le combat dura une bonne demi-heure durant, dans un chaos acharné, et un sang terriblement abondant.
    Alors que le groupe était sur le point de succomber au nombre, ils parvinrent à créer une ouverture vers l'arrière, et s'engouffrèrent, sous les coups insistants de l'ennemi. Un choc, une onde de magie, et la brèche fut ouverte par le mage des veilleurs. Tous fuirent, effrayés ou épuisés, poursuivis tels des proies, courant aussi bien que mal alors qu'ils perdaient du terrain sous la masse rageuse, une nouvelle onde surgit...
    Spectaculaire, l'onde rougeâtre, venue de nulle part, éblouit les alentours, insistant dans un sifflement assourdissant. Après des instants entiers de flou intense, elle se tut, se tut, et ne laissa plus que cela, la mort. S’efforçant de retrouver la vue, les combattants découvrirent les cadavres de leurs ennemis, gisant sur des milles, raids morts dans un silence pesant. Ils furent pris de cette pensée instantanée alors, cette pensée impossible, celle d'une victoire. Ils avaient gagné, ils ne savaient comment, mais la bataille était finie, et ils étaient vivants.

    Cependant comme dans toute réalité tragique, cette pensée ne demeura pas. Un ultime grondement survint, incroyablement lourd, et le pire arriva. Le bruissement des arbres s'affola, les rugissements des loups, crissements des araignées, cris brisés des goules, tout se mêla alors à son paroxysme, comme si la forêt même avait été prise de panique, convergeant vers eux. La terreur fut alors pire encore, et ils fuirent, fuirent aussi loin que leurs jambes pouvaient les porter, passant par le village pour rejoindre le point de ralliement au nord. Et ils les entendirent, ces rugissements, ces crissements, ces cris brisés, les suivre dans une folie noire, et finalement s’éloigner, alors qu'eux-mêmes s’éloignèrent du village. Le vacarme ambiant, fut rejoint par des hurlements bel et bien humains, de terreur, d'effroi et de panique, et le groupe s'arrêta, réalisant l'horreur...
    Les créatures venues des quatre coins de la forêt, avaient investi d'une fois le village, et l'avaient plongé en enfer. Les veilleurs, surpris, avaient rassemblé tant bien que mal la défense en miettes, et les habitants fuirent, terrifiés, vers le bosquet de Clairbois en premier instinct, mais cela était trop tard. Alors que le groupe revenait vers le village, tentant d'intervenir dans cette tuerie, les créatures ravageaient la ville, s'attaquant aux veilleurs, et massacrant des habitants désarmés. Sombre-Comté connut ainsi l'une des pires tragédies depuis la troisième guerre, et après une longue descente dans l'horreur, les créatures fuirent, laissant un village ravagé, en proie aux flammes et jonché des corps d'une vingtaine d’innocents déchiquetés, dont plusieurs veilleurs tombés. Un village anéanti et abandonné, les survivants s'étant mis à l'abri à la Colline-aux-Corbeaux.

    On dit que les combattants seraient eux partis vers le nord, loin du pays, quant à cette journée qui si n'avait pas été couverte des ténèbres du bois, aurait contemplé le soleil rouge, elle fut triste et silencieuse. Ceux qui passeront au village, trouveront des villageois ne décrochant un mot, aidant les veilleurs à ramasser les corps, et nettoyer le ravage, les bâtiments noircis, abîmés, par les ardentes flammes de la nuit.

    Le bois de la pénombre en avait fini avec la guerre meurtrière, et avait gagné un temps de paix, enfin, au prix fort. Le temps était à la reconstruction et au deuil, et tous savaient désormais, que ceux qui avaient protégé le village, ne reviendraient sans doute pas...
    Les choses doivent empirer avant de s'améliorer. Pour eux le pire était passé, à présent il est temps de faire en sorte de voir le meilleur.


    Épilogue

    Il y a plusieurs années.

    Rouges, rouges comme le sang, rouges comme le démon. Ces yeux contemplaient les lieux comme le peintre contemple son oeuvre avec un regard inquisiteur, se satisfaisant du génie de sa création. Une inspiration brisa le silence froid qui avait pris pouvoir ici, une légère brise vint perturber la mèche qui voilait ces yeux horrifiants et pourtant... il ne réagit pas. Si concentré, si pensif.

    Debout dans la grande salle de la Confrérie, sur les hauteurs de leur grande tour d'Hautebrande, le démon au visage humain se tenait droit et balaya ladite salle du regard. Une chemise blanche parfaitement propre, pantalon noir sans un pli, une ceinture tricotée au modèle bourgeois et des chaussures onéreuses. Des vêtements portés par l'homme à la carrure imposante, les mains jointes dans le dos à la manière de ces professeurs du Kirin Tor condescendants et irritants, à l'extrémité de la grande table du centre, rejoignant presque l'entrée de chaque coté. Sa crinière brune cendre semblait faire voile d'ombre sur son regard, tout comme ses crocs ressortis n'auraient pas aidé un passant hasardeux à apaiser la crainte que celui-ci aurait sans aucun doute ressenti, marqué par une cicatrice barrant son oeil droit, large et irrégulière, ainsi qu'une barbe charismatique. Une image faisant cependant tâche dans ce triste décor.
    Des cadavres, partout dans la salle, certains toujours assis sur les chaises de la grande table, d'autres étalés sur le sol dans des positions peu glorieuses, mais révélatrices du carnage. Les murs de pierre taillés de fresques et de runes aussi fascinantes qu'intrigantes étaient recouverts de sang. Le sang, il avait pris possession des lieux, partout, sur chaque dalle au sol, sur chaque recoin de la table, en quantité, en évidence.

    Et pour eux, les corps sans vie, peu d'évidence. Elfes, Draeneïs, Humains, Ogremagies ou nécromanciens à l'allure de réprouvés mal fagotés, du moins autant que peut être un réprouvé mal fagoté aux yeux des autres tas d'os. Un massacre manquant sérieusement de précision militaire, si l'on comptait les autres corps humains solidaires qui avaient imaginé leurs propres positions improbables à leurs côtés. Tous hommes, tous similaires de leurs armures de cuir cloutées et leurs masques blancs, ainsi qu'un tas d'armes diverses, haches, épées lourdes, cimeterres ou encore lances et fusils. L'homme en apparence finit par esquisser un léger sourire plus que satisfait et familièrement sadique, alors qu'il portait son regard sur les feuilles amassées sur la table devant lui. Sur chacune de celles-ci, des portraits de personnes dessinés avec grand talent dans toutes sortes de situations. Certains représentaient une femme blonde, cheveux soigneusement attachés avec sur la joue gravé le symbole écarlate, il s'attarda sur l'un d'eux où elle portait son arme enduite de sang, du sang familier et le regard froid comme la mort.

    D'autres représentaient un paladin voilé d'une capuche religieuse, une épée de cérémonie brisée dans la main, s'attardant cette fois sur l'un d'eux où son regard semblait rongé de colère et la main empoignant fermement un poignard sacré, comme s'apprêtant à accomplir un méfait certain. Une nouvelle inspiration, comme une bouffée d'air frais sur les collines du grand bassin nordique, un instant revigorant, plaisant. Dans le tas de dessins les uns sur les autres l'on pouvait distinguer d'autres visages, d'autres expressions, un masque de fer vide d'expression, la silhouette de ce qui semble un homme agonisant l'armure de plaque percée ensanglantée ou encore un couple de jeunes personnes implorant le regard désespéré.

    Mais tous ces dessins étaient pour la plupart cachés par bien d'autres, bien d'autres sur lesquels figuraient le même visage, bien d'autres sur lesquels figuraient la même silhouette, les mêmes yeux, la même chevelure. Les expressions se confondent et ne se ressemblent pas, et pourtant, dans l'esprit de l'homme trônait la logique et la conviction. Belle, elle était belle, le regard aussi doux que sa chevelure sombre et les mains délicates, presque fragiles.
    A cet instant entrèrent deux hommes derrière lui, armés de fusils et d'armures en écailles assombries, la partie inférieure du visage couverte par un masque blanc, de même que les cadavres humains jonchant le sol. Le regard strict et docile, ils restèrent là, silencieux, observant l'homme avec patience. Ce dernier finit par lever les yeux, se passant la langue sur les crocs, le même air pensif visiblement décidé à ne pas le perdre.

    - Sivarion, ça ne lui irait pas. Ce n'est pas un nom que l'on accepte de porter sans être saoul à en pleurer la perte d'un caillou qui se noie en mer. Hm...

    Il se retourna, sans prêter attention aux hommes et se mit a fixer la porte d'entrée, gardant ses mains dans son dos avec un regard qui devenait plus intense, plus présent, plus noir. Après quelques instants, deux autres hommes, toujours similaires, entrèrent à leur tour, suivis par une femme vêtue elle d'une robe de démoniste ouverte aux épaules et la crinière rousse d'une rare élégance. Ses yeux aussi perçants que ceux d'un cobra de mauvaise humeur faisaient défaut à un regard angélique et charmeur. Elle s'arrêta devant lui et jeta un oeil de chaque côté aux molosses armés constamment aux aguets.

    - Tu es le pire monstre que je n'ai jamais rencontré Revan. Lança-t-elle, furieuse.

    - Comme quoi toi et moi nous sommes similaires, enfin ça c'était avant que tu ne deviennes une moins que rien.

    Il lui fit un clin d'oeil et s'approcha à son niveau, alors qu'elle levait les yeux pour le fixer avec toujours autant de rancœur, dents serrées.

    - C'était à moi, j'ai oeuvré pendant des mois pour ce pouvoir, pour cette Confrérie. C'était mon monde. Reprit-elle.

    - Tu ne veux pas me la refaire en chialant carrément ?...

    Le sourcil arqué par ce qu'il venait d'entendre, il observa la femme comme l'on observe une chienne revenant d'un périple dans les marécages et à l'allure pittoresque.

    - J'aurais dû te tuer quand tu étais encore cette saleté de gilnéen sortant de geôles et plein de crasse, et dire que je le trouvais minable.

    - Oh, on dirait que je t'ai vraiment vexée... tu sais quoi ? Ça me plaît.

    Il rit, un rire moqueur et amusé, puis se plaça à côté d'elle, observant le spectacle morbide de la salle.

    - La Confrérie d'Hillsbrad ! Le prochain fléau du culte de l'Aiguille Noire et de l'enfer ! Tu parles d'une bande de merdeux. Reprit-il d'un ton théâtral qui passa de l'ironie à la méprise avec autant de tact qu'un char d'assaut réquisitionné pour une mission d'infiltration. Une bande de moins que rien qui suivaient une moins que rien, là on peut dire que vous alliez bien ensemble. Maintenant ils serviront de repas aux vers. Tu sais, ça faisait longtemps que je n'avais pas vu autant de cadavres face à un regard anéanti.

    Il l'observa un instant alors qu'elle ne quittait pas des yeux les cadavres, abattue et sourit largement.

    - Tu ne peux pas savoir le bien que ça fait. Regarde-la ta mission, mise en pièces par quelques elfes drogués à la magie et des bandits recrutés des taudis d'Elwynn aux ruines de Stromgarde. J'ai honte pour toi chérie. Après toute cette lutte, tous ces efforts... c'est d'une médiocrité.

    Elle serra les poings alors qu'une larme venait couler sur sa joue, tremblante de fureur et terrassée par le chagrin. Elle finit par tourner le regard vers lui et reprit d'une voix perdue et triste.

    - Nous étions liés, c'était toi et moi, nous devions les empêcher, mettre fin à tout ça. Mais tu as décidé de revenir vers eux, tu as décidé de recouvrer ta véritable nature, celle d'une bête... toi.

    - Ça devient gênant là. Prenant un air faussement gêné il finit par lui rendre un regard las et indifférent. Franchement Ashandra, franchement... que pensais-tu ? Qu'on referait le monde à notre image, qu'on détruirait les hérétiques et qu'on bâtirait un avenir où l'on pourrait se promener main dans la main dans les plaines merveilleuses de Lordaeron en se faisant des chatouilles sous la ceinture ? C'était ton délire ma grande, moi, je fais mes propres projets, comme par exemple...

    Il porta son regard sur les multitudes de dessins, suivi par celui de la femme, dont les tremblements s'étaient estompés sous la résignation.

    - Tu n'y arriveras pas, ils te vaincront et ils t'enverront rejoindre les limbes d'où tu n'aurais jamais dû sortir. Et quand ce jour sera venu je veillerais à ce que tu y restes. Tu n'auras jamais cette fille.

    - Allons, on est jalouse ? Vois les choses en face ma belle, j'ai fait plus de dégâts seul dans l'ordre des joyeux clercs, Lordaeron et ses environs que le culte même n'en a jamais fait. La Confrérie et les prêtres c'était des amuse-gueules, on va enfin pouvoir passer aux choses sérieuses.

    - Cette Jinalya?

    - Pas seulement.

    Le défiant du regard elle fronça les sourcils alors qu'il esquissait un sourire sûr de lui et lourd de sens, puis porta son regard vers la majorité de dessins représentant la même femme à la chevelure sombre.

    - C'est par elle que tu comptes me remplacer ?...

    - Tu t'es vraiment ramollie ma grande. Enfin, c'est pas que tu m'ennuies mais j'ai de plus en plus de mal à m'intéresser à ton laïus. Je vais te faire une fleur. Il s'approcha de son oreille et murmura. Tu fais ce que je te dis, et je te laisse ta tête, c'est un marché intéressant non ?

    Elle continua de l'observer un moment, sans réagir, puis finit par soupirer légèrement.

    - Et qu'est-ce que tu comptes faire ? Jouer encore avec leurs nerfs jusqu'à ce qu'ils te tuent ou que tu les tues ?

    - Tu crois que j'ai oublié. Répondit-il après avoir marqué un temps, la dénigrant du regard. Le coup de la faux, le médaillon donné aux prêtres pour me neutraliser, cette réincarnation miteuse dans un corps humain. Toi tu as joué, et tu as perdu. Moi tu vois, je suis dans la cour des grands, et dans la cour des grands, il n'y a pas de place pour les vaines tentatives. Ta bande de francs lurons en a d'ailleurs reçu une leçon assez radicale, je pense que les patrons aimeront.

    Elle croisa les bras, dévastée et dégoûtée, baissant le regard avec une mine soumise et reprit quelques tons plus bas.

    - Et quel est ton projet, pour la "cour des grands"?

    Tristan s'étira les épaules dans un craquement sonore et reprit sa place d'origine à l'extrémité de la grande table, suivi par Ashandra à contrecœur, près de lui.

    - Connais-tu l'histoire du Norfendre ?

    - La guerre du Roi-Liche ?

    - Plutôt celle de la treizième légion de l'Alliance.

    Esquissant un sourire il tira du tas de feuilles un dessin représentant une femme aux longs cheveux couvrant ses lourdes épaulières de plaque, armée d'une épée imposante.

    - Ellanah ? Quel rapport ?

    - Ellanah Farius, descendante de la lignée Farius qui connut un grand mage du Kirin tor, a conduit il y a plus de deux ans une légion de l'Alliance en Norfendre dans la guerre contre le Roi-Liche. A la tête de cet arsenal elle s'est installée au bastion de la Toundra et a combattu à l'est, contre les forces d'un commandant du Fléau très puissant dont on ne sait pas vraiment le nom, et on s'en fiche. Une puissante guerrière et meneuse descendant d'une lignée de nobles, humaine, blonde mais très forte.

    - Plus que toi ?

    L'éclat de rire de Tristan résonna dans la salle, véritablement amusé, il tourna son regard vers elle et haussa brièvement les sourcils.

    - Plus que toi et moi. Donc la guerre a fait rage pendant plus d'un an, de terribles chevaliers et grands guerriers ont péri dans cet affrontement, de chaque camp. Puis soudain, au terme de la guerre, la légion s'est écroulée, et Farius est tombée devant les portes de la forteresse, ce sont des choses qui arrivent. Pour le reste de la légion, certains sont morts, d'autres disparus et le reste, partis. Alors que l'on pensait la lignée Farius subsistant malgré cette réalité, son jeune frère mage de Hurlevent qui n'avait pas le niveau de son ancêtre mourut lors d'une explosion dans un laboratoire de recherche, et sa soeur aînée, diplomate, massacrée par les orcs lors d'un voyage vers l'Arathi.

    - Oui, c'est une... belle histoire, et alors ?

    - Patience ma belle, patience. Tristan esquissa un nouveau rictus emprunt de plaisir. Il existe des forces qui nous dépassent sur d'autres plans, chaque vie, chaque mort, chaque évènement, chaque affrontement, chaque hécatombe laisse des traces, et chacune de ces traces se traduit par des énergies mystiques qui existent sur ces autres plans. L'existence nourrit.

    - Et tu es attiré par ce genre d’énergies... Elle secoua légèrement la tête en l'observant, dissimulant au mieux sa tristesse. Quand bien même tu aurais une quelconque possibilité de t’approprier ce genre de pouvoir, où comptes-tu trouver des énergies pareilles ?

    - Toi sûrement. Moi, disons que j'ai réactualisé mon potentiel, ce genre de conneries, et le passé laisse des traces. Répondit-il, le regard supérieur et la mine victorieuse.

    - Comment ça ?

    - Lorsqu'il fréquentait Farius, Tristan a assisté à ses retrouvailles avec sa mère, la comtesse Farius. Une noble baignant dans la magie et ayant étudié avec une attention très particulière la démonologie, prétentieuse au possible bien sûr. C'est à ce moment-là que la comtesse a remis à Ellanah la hache qui lui a insufflé toute sa puissance, une arme d'envergure, qui au final n'a rien empêché vu qu'elle a fini aux ordures. Et oui le coup de l'arme magique ça marche qu'une fois. Mais plus intéressant, lors de son départ la comtesse a ouvert un portail démonique, un portail très particulier, le genre de portail que seul un démoniste peut ouvrir. En faisant des recherches, Tristan a découvert que ce portail instable avait implosé pour je ne sais quelle raison et créé une déchirure dans la réalité, et que l'apocalypse qui a ravagé les deux camps et détruit sa descendance a elle créé un véritable Maelström d'énergies mystiques perdues dans un recoin de la Toundra. Trop éloigné pour être perçu par les forces en place, et pourtant assez engouffré pour assimiler toute cette puissance chaotique.

    Tristan se reporta à la table et passa à coté, laissant la main glisser sur les dossiers de chaque chaise, cet air supérieur ne le quittant pas. Ashandra quant à elle, ouvrit lentement les yeux, semblant comprendre tandis qu'elle reprit d'une voix lente.

    - Cette déchirure ne s'est pas faite toute seule...

    - Il y avait autre chose là-bas. Répondit-il, levant les yeux avec une mine malicieuse, curieuse. Quelque chose qui a provoqué cette déchirure, et qui a influé la guerre de la Toundra. Quelle que soit cette chose, elle a offert un puits d’énergie suffisant pour me permettre d'atteindre l’ascension.

    - Tu vises trop haut. Tristan aussi a voulu jouer avec ce genre de pouvoirs, et regarde comme il en a fini.

    - A ceci près que moi j'ai un cerveau mon coeur, il s'amusait avec les joueurs, je me contente de prendre la mise et quitter la table.

    - Même si tu pouvais convaincre un démoniste ne serait-ce qu'approcher ce gouffre tellurique à tes côtés. Reprit-elle, les yeux défiant ceux de l'homme. Tu te ferais engloutir avant d'avoir mis un pied dans ces énergies, sans parler du fait que ceux qui ont provoqué cette hécatombe ont sûrement fait en sorte que tous ceux qui ont participé de près ou de loin à ces évènements ne puissent pas y toucher, toi compris.

    - En effet, mais je vais te dire un secret... Il se pencha vers elle, son visage effleurant le sien alors qu'elle retenait une inspiration. J'ai mes deux jokers.

    Tristan rit en se redressant et fit un signe de tête aux hommes, les deux mêmes ayant accompagné la jeune femme la saisirent par les bras et l’entraînèrent à l'extérieur de la salle. Sans s'y opposer, elle se contenta de fixer le démon qui lui rendait un regard peu scrupuleux jusqu'à ce qu'elle disparut de son champ de vision. Ce dernier passa sa langue sur ces crocs et reporta son attention à l'amas de feuilles.

    - Dites aux hommes de se préparer, nous retournons à Hurlevent. Je dois voir un vieil ami.

    Les deux derniers mercenaires restants acquiescèrent et se hâtèrent en direction de la sortie opposée, enjambant les cadavres. Tristan passa finalement sa main au dessus d'un des portraits représentant le prêtre capuchonné tenant le poignard sacré, son sourire en coin plus provocateur.

    - Le nouvel acte va être intéressant...


    Fin du Livre
    Tristan Van Hellsing
    Tristan Van Hellsing


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    Livre - L'ascension du Bélier Gilnéen  Empty Re: Livre - L'ascension du Bélier Gilnéen

    Message  Tristan Van Hellsing Lun 16 Jan - 11:00

    Journal de Van Hellsing - Annexe à l'ouvrage et synopsis à l'intrigue



    *Ce bref journal laissé de côté fut le prologue de la déferlante arrivée du cercle de l'aiguille noire, et son ascension vers l'agonie. Il se présente abîmé, et tacheté de sang ici et là*

    Page I

    J'ouvre ce journal le 17 Août de l'an 31, 10 mois après le cataclysme, et l'apocalypse qui a frappé Gilneas.

    Mon nom est Tristan Van Hellsing, ancien capitaine de brigade en Gilneas surnommé le Bélier Gilnéen, aujourd'hui capitaine de la milice des veilleurs de Sombre-Comté. J'ai rejoint cet ordre voilà un mois environ, après un long voyage à travers Azeroth suite à la fin de ma patrie, et c'est le coeur moins lourd que je m'emploie a rédiger finalement les pensées qui sont les miennes à cette époque difficile, même si ce journal ne devait jamais être lu, en garder la trace écrite, serait ma façon d'honorer la mémoire des miens, et instruire ceux qui dans le futur, pourraient le trouver.

    Il est vrai que je ne saurais comment commencer ce journal, aussi me contenterais-je d'un résumé plus ou moins fidèle, bien que l'évidence ne soit pas de mise.
    J'étais arrivé à Sombre-Comté suite à la demande de mon mentor en Hurlevent, que j'avais rejoint voilà deux mois. C'est cet homme qui m'a conduit vers Sombre-Comté, lui qui pensait que j'y trouverais l'objet de mon voyage, à travers ce nouveau voyage même, et il ne me fallut pas grand temps pour comprendre ce qu'il en avait pensé.
    J'avais rencontré Drokan, le commandant de la milice, un fier paladin portant son image de lourd fantassin solide et impassible, cachant bien des pensées qu'il n'était pas question de dévoiler. Cette ressemblance entre lui et moi est sans doute ce qui a affirmé mon choix de rejoindre la milice, quoi de mieux pour choisir un boulot que d'être en accord avec son patron me direz-vous ?

    Les débuts se passèrent bien, j'avais gardé mes distances, avant de m'investir plus en avant, me liant professionnellement aux autres, pour finalement acquérir mon grade assez rapidement. Il y a également Norlf, un homme en qui j'ai tout de suite remarqué la bonté, et que j'ai su apprécier, du moins jusqu'à l'affaire Eiluna. Cette asservissement a causé morts et maux, et je ne cacherais pas être déçu de ses choix, sachant qu'il aurait pu l'aider autrement, mais l'amour fait faire des choses idiotes, je suis le premier à l'admettre. La dame Ilassa, diplomate, pas toujours très diplomate cela dit. Je la vois peu, et je n'ai pas vraiment d'avis à en donner si ce n'est son impulsivité, et certains discours irréfléchis dus à cette même impulsivité, elle me rappelle Méridianne.

    Méridianne, l'archétype de l'adolescente perdue au milieu d'un bataillon de soldats, et qui fait absolument tout ce qu'il ne faut pas faire, pour se faire remarquer et tester l'autorité. Il est vrai qu'il y en a toujours un ou une dans les classes militaires, ce qui me surprend d'autant plus de la voir au sein des veilleurs, me questionnant sur la façon dont elle est entrée. Le plus dommage, c'est qu'elle est intelligente, vive d'esprit, mais elle ne s'en sert aucunement, trop occupée à la fierté mal placée, la provocation et le sarcasme, réellement dommage. Il y a son opposé aussi, Camille. J'apprécie beaucoup cette petite, elle a tout d'un futur remarquable soldat, et d'une grande paladine. La discipline, la force, les principes, les convictions, tout ce qu'elle fait, elle le fait intelligemment, avec une sagesse qui l’honore. J'ai bon espoir de la garder au sein de la milice, c'est le genre de personne dont on espère pouvoir compter, même si je ne lui dis pas, je n'en pense pas moins.
    Nous avons également Merilwen, l'elfe, qui lui ressemble, mais en plus vieux, plus expérimenté, plus sage. Je doute qu'il m'apprécie vraiment en tant qu'homme, mais il est toujours resté à sa place en tant que soldat, agissant avec réflexion, et calme. J'en ai le plus grand respect, et son obéissance malgré les moments où je peux sentir qu'il n'est pas en accord, ne peut qu'aller plus encore vers ce respect, car si j'ai bon espoir de voir Camille devenir un fier soldat sur qui compter quoi qu'il arrive, je n'en ai pas le moindre doute le concernant.

    Et bien sûr, il y a Eiluna...
    Eiluna, cette jeune femme m'interpelle énormément, malgré tout ce qu'il s'est passé, ses choix, ses actes sous asservissement, son comportement... elle lui ressemble tant, à elle, celle que j'ai aimé, et qui autrefois m'avait donné une fille. J'avoue avoir développé de l'affection pour elle, elle dont je ressens la souffrance passée et présente, la façon de penser. Je vois en elle ce qu'il y a de pire, et de meilleur, et à bien des égards, comprends ce qu'elle est, capte ses choix et ses désirs avec une parfaite clarté, je ne peux que comprendre pourquoi elle a fait ses choix bien que je ne peux accepter. Bien sûr, mon grade, ma condition et l'attitude que je dois avoir n'ont jamais laissé paraitre ce ressenti, car je ne peux me le permettre. Comme il se devait je l'ai ligotée, enfermée, réprimandée de nombreuses fois, car elle a fait de très mauvais choix, c'est incontestable, et elle a entraîné Norlf avec elle, comme ma propre aimée avait fait de mauvais choix et m'avait entrainé avec elle. Mais comment pourrais-je lui en vouloir ? Moi qui ne peut que comprendre ce qu'elle a fait autant que ce qu'elle est. Je ne sais pas si un jour, elle saura ce que je pense d'elle, ce que je sais, c'est qu'il est de mon devoir de l'aider, à présent que nous savons, l'aider comme je n'ai pu le faire autrefois. J'espère qu'elle s'en sortira, car malgré ce qu'elle a fait nous avons tous commis des erreurs, et quelqu'un qui garde tant de souffrance a droit à une seconde chance.

    Sur cette note s'achève la première page de ce journal, il me faut retourner à mes bouquins. Il est revenu, et il s'est attaqué à la milice, pire encore, la cible est enfin découverte, Camille. Tout s'est passé selon la prophétie, et la mission qui m'a conduit ici a trouvé ses traces. Pour le moment, nous sommes au prologue du troclon, mais déjà le démon montre un acharnement que je ne peux ignorer. Jusque là j'ai fait ce qu'il fallait, les conduire sur sa piste, les aider au mieux sans intervenir, sans me montrer, et je ne pense pas qu'il m'ait repéré. Tant que ce n'est pas le cas, j'ai mes chances de l'abattre avec l'aide des veilleurs. Le temps presse, William donne plus de crédibilité à cette prophétie et bien que je pense que nous sommes maîtres de nos destins, les évènements ne peuvent que me convaincre qu'elle n'est pas si fausse que cela, et si ce qu'elle dit est vrai...

    Alors le troclon ne tardera pas, et il nous faudra faire face au véritable conflit.
    Tristan Van Hellsing
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    Message  Tristan Van Hellsing Lun 16 Jan - 11:00

    Page II

    Nouvelle page, jour du 22 août, an 31.

    Voici une seconde page bien incertaine que je rédige, car au stade où je me trouve, je ne sais plus quoi penser de cette milice, ni du reste.
    Au cours des derniers jours, nous avons affronté une tentative d'assaut de nécromanciens et capturé l'un d'eux. Alors qu'il croupissait dans sa cage, mes recherches ont permis de trouver leur tanière, où furieux, si ce n'est sous contrôle, ils préparaient une nouvelle attaque, un ordre qui venait d'elle. J'ai donc conduit les veilleurs jusqu'au combat pendant que je provoquais le nid de veuves du défilé qui permettrait de remporter cette victoire, et laisser libre-action aux veilleurs d'atteindre la tanière. Malheureusement, ce que j'avais prévu arriva. Elle avait massacré les nécromanciens et leurs forces, réduit leur camp en morceaux et couvert de sang.

    Alors que j'ai ce problème sur les bras, les veilleurs n'ont pas toujours aidé, au vu des conflits internes. J'ai perdu leur confiance et leur respect, parce que je serais un "méchant officier qui ne prend pas en compte leurs sentiments". L’hôpital qui se fout de la charité. Je ne peux décrire la lassitude qui m'a gagné à mesure que les jours avançaient, et à mesure que je réalisais à quel point ils n'étaient ni soldats, ni miliciens, tout juste des mercenaires adolescents qui passent leur temps a se plaindre de ce qui ne les arrange pas, se comporter de manière individualiste ou encore jouer de mauvaise foi et de sentiments exagérés. Il est vrai que de voir un groupe de ce qui devrait être des miliciens en armes défendant la ville, se comporter en enfants a le don de m'agacer intérieurement, je suis peut-être dur effectivement, mais cette pensée est là.

    Nous avons le commandant, qui ne s'est que peu montré ces temps-ci. Je pense qu'il a profité de ma présence pour "prendre l'air", et se détacher un peu de ses responsabilités. Honnêtement en voyant toute cette petite équipe, je ne peux le blâmer, moi même malgré mon expérience, l'envie me tente parfois de poser mon insigne et faire le travail moi-même, au lieu de perdre mon temps en justifications constantes et éducation. De mon long vécu d'officier, jamais je n'avais eu affaire a des enfants gâtés à ce point, qu'il faut écouter constamment et à leur sens ne pas réprimander alors qu'ils passent leur temps a faire erreur sur erreur, devoir se justifier du moindre acte et les calmer à leurs écarts enfantins. Oui c'est vrai, le terme enfant sous ses formes revient souvent, mais c'est bien l'idée que j'en ai.

    Nous avons le haut veilleur, qui passe son temps à parler de "prendre soin des veilleurs". Un discours surréaliste qui ne manque pas d'air, quand on sait qu'il a commis lui-même acte de trahison, individualisme, mis la vie des miliciens en danger, caché, menti je ne sais combien de fois, pour protéger sa tendre asservie par une espèce d'ombre responsable de morts, tortures, meurtre de l'officier Aleidan, sans parler de la tentative d'invasion.
    Ah ça, Eiluna, c'est une affaire qui me laisse perplexe, que ce soit involontaire, sous asservissement, elle reste une menace schizophrène qui peut se retourner contre nous n'importe quand, imprévisible. Et pourtant, malgré tout ce qu'il s'est passé, aucune mesure prise, aucun avancement dans ce traitement qui soi-disant devrait la sauver, rien. Par-dessus le marché, elle est à son poste, avec son comportement individualiste, anti-disciplinaire, à n'en faire qu'à sa tête, partager le lit d'un officier d'importance, bref, faire sa petite vie hautaine comme si de rien n'était, se permettant même de m'offrir ses remarques déplacées. Pour Norlf, je ne me pose même pas la question bien sûr, il est amoureux, avec une attitude d'adolescent qui découvre la chose à son égard certes, mais quelle excuse trouver au commandant ? Lui qui après toutes ses paroles n'a pas plus amené de directives ou actes clairs en rapport à cette affaire que le tavernier du coin.

    Ce même Norlf qui me dit que l'on ne peut pas toujours faire passer le devoir avant tout, même s'il n'était pas le mieux placé pour le dire. Et il fait bien de le dire, un jour je rassemblerai quelques familles brisées par les horreurs et les morts, mieux encore, trouver l'homme de cette femme enceinte massacrée qu'il prétend avoir sur la conscience, et là, je lui demanderai d'oser leur dire que le devoir ne peut passer avant tout. Bien que je ne montre rien dans l'immédiat, voir jouer la compréhension approximative, ces lignes que j'écris démontrent bien ma déception et ma lassitude face à ces deux-là.
    Nous avons Méridianne, encore une fois elle a jugé à tort et à travers, le menton relevé, hautain, mademoiselle je suis trop intelligente et je comprends tout, comme elle a su le faire si délicatement à de nombreuses reprises. Là encore, malgré le fond de ma pensée, je me suis contenté de lui expliquer les choses, lui expliquer que bien que je ne montre rien, ni ne dis rien, je l'avais parfaitement cernée et compris sa façon de fonctionner, et son air interdit tout comme son silence ont confirmé que j'étais dans le vrai. Elle a présenté ses excuses, j'aimerais dire qu'elle est sur la bonne voie, mais ce n'est pas la première fois qu'elle joue la carte de la pseudo-remise en question pour trois jours après, repartir sur sa bêtise.

    Qui d'autre... ah oui, Almandrina. Si j'ai du mal a comprendre ce que Méridianne vient faire dans cette milice, Almandrina est le paroxysme du paradoxe incompréhensible. C'est une enfant, qui n'a ni la discipline, ni l'analyse, ni le langage ne serait-ce que d'un milicien. Après ses longs jours d'absence, je la surprend dire au haut veilleur qu'elle s'était absentée parce que le capitaine, autrement dit moi, l'avait "gavée". Du fait que c'est un bébé sur pattes, j'ai choisi de me comporter en éducateur d'enfant en bas-âge et la réprimander gentiment. Cela dit à la prochaine réflexion abrutie de ce genre, je pense qu'elle accompagnera Norlf expliquer aux mêmes personnes la raison si primordiale pour laquelle elle s'est absentée de son poste et son devoir, je pense que ce serait toujours intéressant de connaître le degré d'implication de nos fiers veilleurs envers la population. Oui, une fois encore je suis très dur dans mes propos, mais que voulez-vous ? C'est une vérité qui ne se transforme pas à moins d'être le parfait hypocrite.

    Camille, l'espoir, la future grande veilleur voire même un officier en puissance, a brisé en deux jours tous les espoirs que j'avais mis en la seule recrue vraiment stable que je pensais avoir. Je l'ai surprise l'autre jour, isolée, en pleine réflexion, et il ne m'avait pas fallu plus de quelques mots échangés pour comprendre ses intentions : Sortir le nécromancien que nous avions capturé, et fuir avec, afin de le sauver de nous, de lui-même, de nos intentions qu'elle a jugées sans fondements radicaux, telles que la torture et la mort. Encore une fois, j'ai laissé glisser ma cape de soldat pour faire profil correct et discuter intelligemment, lui expliquant les raisons pour lesquelles son jugement envers nous était déplacé, ses intentions envers ce tueur plus déplacées encore, et s’engouffrer dans son sentiment de supériorité de par sa grande compassion que ces idiots de veilleurs ne cessaient de lui répéter, au point de l'encourager à ses bêtises en la laissant croire qu'elle en viendrait à se retourner contre nous et nous trahir. Ils n'ont pas été déçus, car en dépit de ma mise en garde, dès le lendemain elle avait fui avec ce monstre. Nous l'avons récupérée le soir même, si ce n'est le piège qu'elle m'avait tendu à la mine, maintenant je sais qu'elle pensait que je partirais seul, là, elle s'est trouvée en tort et n'a rien saisi de ce que j'étais, un soldat, pas un pro-milicien qui fonce seul tête baissée. Il y a eu aussi son comportement d'illuminée prophète de la lumière et de la justice, qui aurait résolu cette affaire seule loin d'ici, et sauvé l'âme damnée de ce pauvre type.
    Je dois avouer que cela m'a laissé plus que perplexe, de voir Camille en mauvaise imitation d’écarlate, jusqu'à placer un sort pour me faire perdre du temps quand le fait que le prisonnier était à moi n'était plus à discuter. Au final, j'ai décidé de la reléguer au rang de recrue afin qu'elle fasse ses preuves à nouveau, bien qu'honnêtement, je ne suis pas sûr qu'elle ait compris la leçon de son erreur et un jour ou l'autre, fera une bêtise plus grosse qu'elle dans un nouvel acte de son imitation extrémiste.

    Mais il nous reste Merilwen, le fier veilleur calme, réfléchi, qui garde, du moins en ma présence, ses pensées en désaccord et ses pensées tout court à vrai dire. Le seul qui tienne vraiment la route, enfin, si ce n'était sa future épouse, qui depuis qu'elle possède la bague, a pris la liberté de s'immiscer dans nos affaires au lieu de se contenter d'aider, jusqu'à me dire ce qu'il faut faire. "Être aimé de ses hommes afin d'obtenir leur obéissance", voilà une pensée profonde, peut-être qu'en offrant des bonbons à mes veilleurs, je retrouverais mon autorité que j'ai malheureusement perdue parce que je ne fais pas copain-copain avec eux ? C'est amusant de sa part sachant qu'elle avait assuré qu'il fallait mettre en cage Camille dès que j'ai su ce qu'elle avait l'intention de faire, moi qui ait de ce fait risqué de perdre un veilleur. Il serait bien qu'elle revoie le sens des priorités, cela dit je l'ai remise à sa place sans être trop sec, enfin je pense, et elle s'en tiendra.

    Une page de ce journal que j'écris avec la plume de la déception, je ne comprends toujours pas pourquoi mon mentor m'a envoyé ici pour mener le combat, outre les évènements qui se préparent. Encore une fois ce ne sont pas des miliciens, ni même des soldats, tout juste mercenaires inexpérimentés qui passent leur temps à jouer une mauvaise pièce de théâtre, et moi je suis un soldat, qui se concentre sur le devoir, le travail, les objectifs et plus important, les résultats pour l'intérêt général. Je ne suis peut-être pas meilleur qu'eux en effet, peut-être même qu'à leur façon enfantine, c'est le contraire, mais je sais aujourd'hui que je suis bel et bien celui qui a actuellement le réel profil pour aborder une mission de milicien en armes et soldat capable de mener la guerre de ce pays en mettant de côté ses sentiments par nécessité. Ce jour fut une journée de réflexion sur le véritable sens de ma présence ici, à ce poste, une réflexion qui a failli tourner court à la goutte d'eau qui fit déborder le vase.
    En effet, le commandant avait décidé de me laisser le commandement trois jours durant, trois malheureux jours, et j'ai assisté à un haut veilleur faisant la tête comme un môme, des veilleurs qui n'étaient pas d'accord, qui n'auraient je cite l'officier "que peu accepté Tristan commandant par les veilleurs", avec l'impression que nous n'étions plus dans une milice armée, mais une espèce de groupe mercenaire écoliers pro-démocratiques où pour être délégué de classe en chef, il fallait avoir la sympathie et l'accord des autres élèves, sans compter les sous-entendus à peine voilés de révoltes, désobéissances et je ne sais quelles autres révolutions, pour trois malheureux jours... une nouvelle scène surréaliste et lassante. Bien entendu j'ai retiré cette décision, laissant le haut veilleur, haut veilleur, et par conséquent le rôle d’ami éducateur des élèves, il est vrai que d'un autre coté, la paperasse n'est pas un domaine où je m'investis avec une grande envie, la nécessité me suffit a le faire.

    Je pense que si je devais avoir des lecteurs futurs de cette page, cela en fera rire plus d'un, ou coupera l'envie à d'autres, mais je puis certifier que ce n'est pas une histoire mais bien une réalité dans laquelle je me trouve, et je souhaite avec ironie à bien d'autres d'y assister.
    Tout cela dit, il est vrai que je n'arriverais pas à meilleur résultat, et laisser tomber n'est pas dans mon caractère, donc, c'est avec une réserve de regrets et de possible nouvelle déception, que j'ai décidé d'adoucir mes méthodes afin qu'elles conviennent mieux a ces gens, à bonne mesure bien sûr, devenir un mollasson ne fait pas non plus partie de mon caractère. Si les résultats sont positifs, alors je maintiendrais ces méthodes, et si ce n'est pas le cas, je n'aurais d'autres choix que de déposer mon insigne de capitaine, et voir avec le commandant Fortepoigne à un poste de terrain large plus autonome : tactiques, informations, missions, soutiens, rapports, topographies... bref, un poste sur lequel mes compétences auront une exclusive utilité qui exclura donc la perte de temps, qu'amène la responsabilité de capitaine de materner ce groupe d'élèves et les justifications constantes sur mes actes afin d'avoir "leur aval" et maintenir mon rôle de sous-délégué de classe, je pense que Norlf et "Helny'", seront assez de deux pour ça.
    Toutes ces paroles n'ont rien de personnelles, j'apprécie la plupart d'entre eux en tant que personnes, et j'ai quelques affections pour certains, mais d'un point de vue professionnel, je ne m'accorde pas à ces sentiments, au contraire, malheureusement encore une fois. La vérité est que ce qui me gêne, ce n'est pas tant leur comportement, c'est qu'avec ce comportement, ils risquent de se faire tuer, et faire tuer les civils, et je ne peux accepter un nouvel échec, pas après tout ce vécu, pas après Gilneas... Je prendrai soin des veilleurs, qu'ils le réalisent ou non, ce non en les caressant dans le sens du poil, mais de la seule manière qui fonctionne, en les secouant et en leur ouvrant les yeux, avant que l'ennemi ne les leur arrache. Je n'accepterai pas de les voir souffrir inutilement, pour n'avoir pas été suffisamment dur avec eux. J'espère qu'un jour ils comprendront que mon comportement n'a rien de méprisant, ni de rejetant, mais au contraire, d'intérêt pour eux. Car ils sont mes frères d'armes, j'ai saigné à leurs côtés, et je mettrais ma main au feu qu'un jour, quand ils auront vécu, quand ils seront prêts, ils seront meilleurs combattants qu'aucun ne l'a jamais prédit, avec la pensée que j'aurai participé a leur grandeur, quitte à finir la tête empalée sur une lance en trophée de l'ennemi.

    D'autre part je n'oublie pas ma mission de milicien, défendre cette ville et mener la guerre dans ce pays, et plus encore, ma mission primaire. Car chaque jour le troclon se rapproche, les démons se réveillent, les esclaves se rassemblent et elle accomplit ses méfaits, sur cela je ne me fais pas d'illusions. Si l'on ne trouve pas le moyen de la ralentir et enrayer ses projets, nous devrons l'affronter, et face à elle qui est bien trop forte pour moi je l'admets, nous serons tous tués, soldats ou non.
    A présent, il est temps pour moi de me préparer pour me rendre cette nuit à Hurlevent. Si les choses se passent comme prévu, je devrais trouver des ressources importantes, et si le commandant parvient à signer les accords avec Hurlevent de son coté, nous aurons alors les moyens nécessaires pour continuer cette guerre où nos ennemis sont toujours plus nombreux.



    Tristan Van Hellsing
    *Signature à l'encre brune*

    Remerciements

    Eiluna Van Hellsing
    Samuel Myridan (Correcteur d'élite)
    Camille Talsone
    Rislon Milloin
    Drokan Forte-Poigne
    Norono Fioleur
    Lokmir Stonering
    Tristan Van Hellsing
    Tristan Van Hellsing


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    Message  Tristan Van Hellsing Lun 16 Jan - 11:02

    [Illustration de "Acte XV - Le prix de l'enfer" à venir, lorsque les liens seront disponibles.]

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