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    Voyage

    Aloyse Pérod
    Aloyse Pérod
    Augur


    Messages : 183
    Date d'inscription : 18/08/2011

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    Message  Aloyse Pérod Lun 26 Sep - 21:17

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    ~ ~ ~
    C’est une vaste terre brune qui glisse sous le vent. Les plantes sont rêves à ras du sol. Asséchées, comme aspirées par le ciel et saignées de toute sève, elles ont les positions tordues des égorgés. Leurs tiges sont de petits bras ridicules de bois sec.
    Aucun signe, au seuil de l’azur, de quelque trace frêle de vie.
    Tout est effacé. Il n’y a plus ni terre ni mer, ni plaines ni montagnes ; il n’y a plus que les amas croulants de cette épaisse poussière dorée d’un monde qui a du éclater.

    C’est une vaste terre brune austère et inhospitalière. Tanaris n’est pas une destination de voyage. Tanaris n’est pas une terre que l’on chérit. On maudit son haleine brûlante, l’aridité de son cœur, l’inflexibilité de son caractère.


    Une main remonte sur sa hanche, glisse lentement sur son flanc comme pour en apprivoiser le relief. C’est une main calleuse, sèche. Celle d’un guerrier habitué à serrer une arme dans sa paume. Elle est également pudique, d’une étrange douceur. Elle laisse sur la peau blanche de la chaleur et un parfum d’abricot.

    Il faut aiguiser ses sens pour braver Tanaris. Ici l’ironie cinglante des bourrasques qui assèchent la gorge. Ici le ciel est dégagé. Nu et solitaire, il pèse de son bord tranchant sur l’horizon. Il respire. Resserre l’étreinte de ses bras autour d’elle. Ses lèvres touchent le front. Il la frôle jusqu’au sang. Là-bas il y a du bruit. Celui d’une source. Là-bas se dessinent de hautes silhouettes dont les pas soulèvent une fumée âcre. Hommes, femmes et enfants ont la même mine farouche et déterminée de ceux qui affrontent l’adversité au quotidien. Une gangue d’austérité autour de la Flamme. Les étoffes bariolées qui les couvrent, les parfums doucereux d’épices et de fruits qui les nimbent contrastent avec la rigueur de leur tempérament.

    Dans l’obscurité, elle imagine. Elle retrace les lignes du visage ; les lèvres minces, le pli du sourcil, le saillant des pommettes. Un visage, oui. La peau frappée de cuivre, le vert glacé des prunelles où rien ne se révèle. Sous ses doigts elle sent la sève qui pulse lentement dans la chair. Tout un monde étranger qu’elle effleure, encore hors d’atteinte. Elle cherche sur l’épiderme les cicatrices et les tatouages comme on remonte une piste, attentive à chaque indice, chaque empreinte qui pourrait lui ouvrir un chemin.

    C’est un pays de chimères et de mirages à la beauté torve et hypnotique. Il est frontière. Il a la couleur des chutes où l’orgueil mordra.

    L’aube impudente se glisse dans la chambre, flatte ses épaules d’un fluide collier de lumière et met fin à la rêverie. Sur les murs, les premiers rayons pâment les riches tentures de couleurs criardes. L’opulence, le luxe du Manoir devient insupportable. Elle se dégage, se soustrait à la morsure du désert en laissant ses pas à la croisée des chemins.

    Elle reviendra ; poursuivre le voyage.
    Aloyse Pérod
    Aloyse Pérod
    Augur


    Messages : 183
    Date d'inscription : 18/08/2011

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    Message  Aloyse Pérod Dim 30 Oct - 14:45

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    ~ ~ ~

    C’est un passage. Un corridor étroit entre les hauts massifs. Une énorme poussière de neige y galope, cabrée en plein vide, toute enveloppée dans les ruissellements de sa crinière de marbre. Les arbres et les montagnes sont pétrifiés par le givre. Dans le vaste ciel des forces dorment. Les bourrasques doucement les approchent du réveil en chassant les derniers lambeaux de ténèbres. Un paquet de neige tombe du sapin. La branche a à peine bougé. Rien n’est prêt. La neige est neuve. Pas de traces sauf les empreintes de la nuit passée.

    Elle n’a qu’une pelisse d’un blanc à peine moucheté de noir sur les épaules pour se défendre de l’air glacial. Malgré le froid qui s’insinue dans les plis du tissu et de la peau, le sang ne se montre pas. La couleur est proscrite du tableau.

    Elle a laissé la chaleur et la couleur là-bas. Dans la vaste chambre au deuxième étage du Perchoir. Sous le voilage défraichi du baldaquin où l’aigle bicéphale déploie ses ailes sur la soie usée et veille sur le sommeil des voyageurs. Là où le Lion a baissé sa garde.

    Le ciel est aussi blanc que la terre. On a frotté la gomme sur tout : la page est redevenue presque blanche. Alors il faut réinventer. Le chemin débouche sur un étang gelé au bord de la falaise. La surface est pailletée de givre blanc. A travers les petits cristaux en étoiles la lumière blême de la fin de nuit filtre et fait miroiter l’eau en dessous.

    Elle suspend à quelque branche le plumage blanc de la Colombe qui la revêt.
    « L’introspection est ma plus grande force ». La force tranquille du lion et l’acuité de l’aigle. Beau mélange s’il en est. Trahi par les éclats de lumière qui allument des reflets sur la flamme du tatouage. De bon augure pour la suite du voyage.
    Le silence et le blanc font un tel vide qu’on a envie de mettre du rouge et des cris dans tout ça, avec n’importe quoi. Ce n’importe quoi, c’est le tronc volumineux de quelque résineux emprisonné dans la glace de l’étang. Elle s’avance sur ce ponton improvisé et serre les poings en se mettant en garde. Elle fait encore un pas et enchaîne les mouvements de combat à mains nues ; d’abord un crochet du droit puis du gauche sans laisser le temps de souffler à son adversaire imaginaire. Basculant le buste en arrière, elle ramène ses poings devant son visage comme pour esquiver une violente riposte. Le vent qui s’engouffre dans le corridor appuie l’enchainement supposé et elle manque de perdre l’équilibre. Elle étend ses bras comme un balancier pour se stabiliser et revient à l’assaut ; fait mine d’écraser sa botte sur un pied tout en logeant simultanément un coup de coude dans le plexus.

    Elle imagine sans mal la stature de cet adversaire. Le regard concentré et insondable qu’il lui offre, le hâle de sa peau, la qualité de son positionnement, l’efficacité de ses attaques. Elle l’a déjà combattu. Le sang affleure maintenant sous la peau, la teinte de rouge. C’est une sensation compliquée ; le mouvement fait couler du liquide chaud dans les muscles mais le froid qui épingle l’échine est un carcan encore trop épais pour que la sève circule librement. Comme un torrent qui bute contre un barrage fait d’un amas de racines et de branchages. Presque agréable. La rougeur du soleil levant se fond dans le gris-bleu des brumes qu’elle teinte d’incendie et de sang. Tout n’est plus que couleur.

    Mobilisant toute sa concentration, elle se penche sur le côté pour lever sa jambe à hauteur d’un visage et servir un coup de pied sévère sous le menton. Un sourire victorieux flotte sur ses lèvres. Elle réitère l’enchainement, fragmente chaque mouvement pour le mémoriser. Inlassable, elle recommence cinq, dix fois le même geste jusqu’à le maîtriser parfaitement ; le lancement de la jambe, la stabilité de l’assise, l’économie de force. Des craquements sinistres accueillent son dernier coup de pied, comme des os qui se brisent. L’écorce gronde dans sa gangue de glace. Les vibrations légères du bois remontent en ondes le long de sa jambe, atteignent la tête et alertent les sens. La structure blanche se disloque. Les crevasses fendent la glace à une vitesse prodigieuse et c’est toute la surface de l’étang qui se fissure. L’eau trop longtemps emprisonnée jaillit de toute part. Le tronc se libère de ses amarres et dérive lentement jusqu’au centre. Oubliant son adversaire, elle rejoint en quelques enjambées le milieu de l’épave pour profiter de son inertie et éviter la chute. Une fois parfaitement immobile sur son hasardeux perchoir, elle pose un pied sur une plaque de glace, puis une autre, cherchant à rejoindre rapidement la rive. La troisième se craquelle à son passage et la précipite dans l’eau gelée. Entièrement offerte.

    Elle se souvient d’un entrainement similaire sur la rive du lac Placide, avec un adversaire fait de chair et de sang. La rossée avait été sévère. Une main tendue l’avait remise sur pieds. Un sourire tenu avait suffi à apaiser la défaite cuisante. Il n’y a rien, ici. Rien à part le silence et le froid qui la mord de toute part.
    Elle cisaille l’eau avec ses cuisses pour ne pas couler. Peine perdue ; de longues lianes s’enroulent autour de son ventre. Une lanière d’eau comprime sa poitrine. Elle serre les dents, se faisant happer par une masse vivante avide de l’engloutir. Un long sifflement perce ses tympans, le son devient rouge et emplit sa tête d’un grondement sanglant.
    Elle donne un coup de jarret avec l’impression de taper comme dans du fer. Le froid termine d’anesthésier sa combattivité et l’enveloppe toute entière. Le monde s’écroule en même temps qu’elle dérive vers le fond. La vie chavire, s’abîme, se disloque dans cette eau glaciale.

    Le froid arme une nouvelle estocade qui, cette fois, manque sa cible. Une main ferme saisit la naufragée par le haut du bras et l’extirpe de son linceul.
    Elle respire – ses poumons menacent d’éclater lorsque l’air y afflue – et revoit peu à peu du vert. Le cœur cogne contre la poitrine. On l’installe sur le sol. Deux mains tièdes s’affairent à la libérer des vêtements trempés et déjà rigidifiés par le froid sec de l’air. Des picotements aigus vrillent ses nerfs chaque fois qu’on effleure sa peau. Elle se laisse faire, comme une poupée de chiffon. On la couvre d’une épaisse fourrure. Les paumes étrangères frottent durement la peau meurtrie pour forcer le sang à revenir. Ca tarde. Dans le dos, sur les jambes, les bras, on vient solliciter la chair transie. L’homme se défait de sa chemise toute aussi glacée et attire l’Augur contre lui, l’enlace pour lui transférer un peu de sa chaleur. Elle s’apaise. Les mains se font moins rudes, plus douces lorsque la couleur revient sur l’épiderme.

    « Ca doit être l’abricot. » Un parfum ténu, familier, imprègne cette peau contre laquelle elle recouvre sa lucidité ; sucré avec une pointe d’amertume, chaud. C’est une odeur tout à fait improbable dans ces contrées secouées par la neige et le froid. Une odeur suffisamment exceptionnelle pour qu’elle ne laisse aucun doute sur l’identité de l’homme qui l’apporte.
    Elle se garde de tout commentaire, se réchauffe à la flamme tranquille de sa présence.

      La date/heure actuelle est Sam 27 Avr - 15:56