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Guilde roleplay - Royaume Kirin Tor

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    Madeleine Ferrith, dite La Mégère

    La Mégère
    La Mégère


    Messages : 31
    Date d'inscription : 02/10/2011

    Madeleine Ferrith, dite La Mégère Empty Madeleine Ferrith, dite La Mégère

    Message  La Mégère Sam 8 Oct - 13:21

    Arrivée de la Mégère à Hurlevent, neuvième mois de l'an 31

    C’est une femme forte avec de la moustache et de gros sourcils. Faite comme un homme ; mains larges, nez de mâle. L’âge l’a épaissie et des bourrelets se juxtaposent de sa gorge à ses hanches. Les cheveux d’un beau gris clair et uniforme – presque métallique – sont relevés en un chignon élaboré.
    « Ouvre le lit. Sers-toi un peu de tes mains, toi, le Doqueteur. » Avec son accent du Nord et son phrasé syllabique lourd comme sa silhouette. « Je ne te dis pas d’arracher les couvertures. Là, un peu de sens ! »

    Elle dépose l’enfant endormi et emmailloté au creux du matelas, et rabat la couverture jusqu’au cou du nourrisson âgé de quelques mois. Il semble paisible, tout blanc avec du rose sur les joues.
    « Bourre le feu, et fais chauffer de l’eau
    - Elle a grandi Morgane, sa mère se-
    - Quoi ? C’est Isa maintenant. Isa Ferrith, ma petite fille. Il a quelque chose à y redire, Monsieur le Doqueteur ? »

    Poings flanqués sur ses hanches, elle dévisage Gréghory avec son air bourru ; les paupières alourdies qui s’effondrent vers les pattes d’oie.
    « Je ne…Heu, non. Vous voulez boire quelque chose, Dame Ferrith ?
    - Si t’as de la gnole c’est pas de refus. C’est que le voyage a été rude, et avec une limace comme celle-ci, c’est encore pire !
    - De la gn…Oui oui, bien sûr. »


    La Mégère s’affale sur un vieux divan qui s’affaisse sous son poids. Elle ne prend même pas la peine de s’asseoir malgré l’ampleur de son postérieur qui doit se révéler confortable.
    « Ils sont même pas venus me saluer, les petits ruffians.
    - …Qui ? »
    Gréghory revient avec un verre d’alcool ; il n’y en a qu’un fond, et la vieille rombière fronce les sourcils.
    « Tes petits chefs.
    - Ah, ils doivent être…Sortis. Sortis, oui. »
    Il rajoute sur un ton d’excuse. « Ils auraient aimé vous accueillir, mais ils ont été occupés ailleurs. Ils m’ont chargé de vous installer, vous et Morg...Vous et la petite. »
    Elle siffle son verre avec un bruit de gorge sec comme une râpe.
    « J’ai trouvé pour la petite.
    - Qu’avez-vous trouvé ?
    - Un foyer. »
    Elle savoure la chaleur de l’alcool qui roule dans sa gorge puis, sans lâcher Gréghory des yeux. « C’est ça, fais ton offusqué maintenant. Il lui faut un peu de chaleur, à cette gosse. Vous êtes bien mignons de m’envoyer des bambins comme si j’avais encore l’âge de les nourrir. » Elle parle vite, d’un ton sec, la langue acérée comme pour empêcher qu’on lui coupe la parole. « Tous mes fils ils ont passé leurs deux premières années là. » Elle frappe du poing son énorme poitrine. « Contre leur mère. C’est comme ça. Celle-là, elle doit faire comme les autres. Moi, sur la route, j’ai rencontré un homme qui revenait à Hurlevent auprès de sa femme. Et sa femme, elle vient de se délivrer d’un mort-né. Elle a du lait et pas de bouche pour lui prendre. Elle a le cœur qu’il faut pour être mère et pas d’enfant. Alors moi je lui ai raconté l’histoire. Mon histoire. Et l’homme il a accepté de prendre la petite. Ce soir.
    - Je…Mais…Quoi ? »
    Il bredouille, la gorge brusquement sèche, et tire la bouteille de liqueur pour en boire une gorgée directement au goulot. La créature adipeuse qui lui fait face agite son verre et se fait resservir, penchant un peu la tête pour s’assurer d’en avoir bien rasant.

    « T’es pas très dégourdi, toi. » Elle porte le verre plein à ses lèvres dans un mouvement qui se veut presque lascif. Et la Mégère a la bouche gourmande et lippue – de ces lèvres plus collantes qu’un reste de sauce ou de beurre que du miel d’ivresses nocturnes. « Tu me fais penser à mon Ernest ! Ah, que la Lumière garde son âme ! »
    Elle reprend une fois l’alcool descendu dans les tuyaux.
    « Je vais aussi te raconter mon histoire, comme ça on aura la même. La petite, c’est Isa Ferrith, ma petite fille. Mon benjamin, Nelthan, est mort à la guerre et il a laissé une femme grosse chez lui. Et la femme elle n’a pas supporté de perdre son époux, et elle est morte en mettant la petite au monde. Alors comme je suis restée toute seule avec, j’ai fait le voyage vers Hurlevent pour essayer de trouver un bon foyer à mon orpheline – c’est que je souffre de partout et je peux plus m’en occuper. D’ailleurs, faudrait m’ausculter la jambe, ça tire et lâche souvent.
    - Mais vous êtes folle ma parole ! »
    Le ton indigné de Gréghory tranche avec son affabilité coutumière. Il reprend une gorgée. « On ne va pas confier la fille d’un Paladin à un rustre sans aucune éducation ! Et puis même ! La mère la reprendra quand ils seront ins-»
    Elle le coupe en se redressant sur son sofa. Sa robe et ses châles se chiffonnent comme autant de sacs autour des bourrelets gras.
    « On connaît la mère et on sait que c’est pas une mère ! Alors quoi…Tu ronchonnes parce que la petite elle va avoir une chance de s’en sortir ? »

    Gréghory dépose la bouteille et, comme pour se donner le temps de réfléchir, va prendre le nourrisson dans le grand lit froid. Il le place dans une corbeille qu’il approche de la cheminée.
    « On ne va rien faire sans le consentement des parents. Même si…Même si j’avoue l’idée pas si mauvaise.
    - Voilà que tu fais le flambard maintenant. Quand la petite a atterri dans mes jupons, que t’étais tout catastrophé, on était fixés concernant l’instinct maternel de la génitrice. Et le père hein, on va pas en parler je crois. Puis il est mort. Maintenant tout est décidé. Je l’apporte au couple dès que tu m’auras redonné un verre….C’est que je m’y suis attachée, à cette morveuse au sang mauvais.
    - Et on dit quoi aux autres ? On ne va tout de même pas leur faire croire que la petite est…
    - Beh non. On va dire la vérité. La petite a trouvé un foyer, et c’est mieux ainsi. Puis on ne dira rien sur les gens. Même à toi je le dis pas, comme ça !... Peut être qu’ils demanderont même pas. »


    La petite créature se met à gémir dans sa corbeille. A force de s’agiter, elle se défait des linges qui l’enserrent et elle est toute nue là-dedans, avec quelques cheveux blonds sur le crâne. Elle bouge ses bras et ses jambes. Elle n’est pas rose comme les nourrissons ordinaires mais déjà sa peau a blanchi et, comme elle est encore pleine de plis de graisse, sa peau rit d’un rire de soie. La petite n’a rien d’étranger et ressemble à sa mère ; exactement la même bouche, le même nez, le même front, les mêmes joues aux fortes pommettes. Tout ça dans l’enfant est en fantôme sous une peau comme trop large, pleine de grimaces, mais on voit qu’elle porte la graine du visage de femme. Tout va fleurir et s’épanouir dans la forme exacte de ce visage de mère.
    « Mais berce la, Doqueteur ! »
    Il s’exécute.

    Entre chiens et loups, chaudement emmitouflée dans des châles et couvertures qui alourdissent encore son pas et dissimulent aux regards extérieurs le petit enfant dormant dans ses bras, la Mégère pénètre sous le porche de l’habitation. Ils sont là, fébriles et impatients. La femme est jeune, brune d’une trentaine d’années, le teint chaud. Elle essuie ses yeux humides dans un mouchoir de dentelles. Elle tend les bras pour prendre Isa et la serre contre sa poitrine, avec cette douceur que seules les femmes possèdent. Elle invente mille formules pour remercier la vieille Mégère. L’homme, plus stoïque et en retrait, remercie à son tour, conquis par l’émoi de son épouse. Le portrait de famille est complet, et Madeleine Ferrith ne s’attarde pas.
    Elle revient au dispensaire une fois la nuit tombée. Et la matrone aux yeux rougis ne tarde pas à en faire son nouveau domaine.

    Aloyse Pérod
    Aloyse Pérod
    Augur


    Messages : 183
    Date d'inscription : 18/08/2011

    Madeleine Ferrith, dite La Mégère Empty Re: Madeleine Ferrith, dite La Mégère

    Message  Aloyse Pérod Sam 5 Nov - 15:31

    La veillée des contes. Une population bigarrée, des conteurs plus ou moins inspirés. Un lieu où il est bon de se montrer, de recueillir quelques informations en laissant traîner l’oreille. Pas grand-chose de notable, ce soir ; une soirée mi-figue mi-raisin, sans éclat, sans accroc.
    La curiosité ravivée par l’apparition de Cimbaeth ; le discret et cryptique personnage a fait bonne impression, de part sa réserve et son regard aigu.
    Les draps froids d’une chambre d’auberge minable, agrémentée d’un peu de douceur vers la fin de nuit.
    « Je rentre au Perchoir. Nous nous retrouverons là-bas ? »
    Il acquiesce. Pas vraiment démonstratif. C’est mieux ainsi, même si elle sait le précipice non loin, prêt à l’engloutir. Elle a déjà chancelé.

    L’énorme Griffon attend patiemment devant les portes de Forgefer. Il redresse la tête à l’arrivée de la voyageuse, et la toise longuement. Elle approche à pas lents et mesurés pour ne pas l’effrayer. Celui-ci déploie ses ailes, racle le sol de ses serres en lâchant un cri aigu. Il finit par s’apaiser aux caresses, maintenant impatient de prendre son envol. Elle n’est pas habile pour manier ces puissantes bêtes, mais parvient à lui imprimer un rythme et une direction ; le Nord. Les étendues blanches défilent sous ses pieds. Quelques brumes matinales écharpent les contreforts, plombent la perspective et limitent grandement la visibilité.
    Le Griffon connaît l’itinéraire, ailes épanouies et offertes au vent, il glisse vers le Loch Modan. Et puis, elle enfonce ses talons dans les flancs de sa monture en tirant sèchement sur les rênes. La bête rechigne, agite son bec en grinçant son mécontentement. Le froid comme une longue sangsue visqueuse rampe sur la peau de la cavalière. Il y a aussi un peu de peur nichée dans les replis de son ventre et dans le canal de ses vertèbres, furtive mais toujours prompte à mordre quand la situation patine, quand le doute s’installe. Peine perdue de lui rogner les crocs, elle accepte la morsure et guide son Griffon vers le Sud.

    Une pluie drue d’automne rythme la chevauchée. Elle reconnaît les odeurs de la forêt d’Elwynn ; de sève, de terre mouillée mêlée à des fragrances plus minérales. Dans les dernières gouttes d’orage, le ciel commence à s’éclaircir et les perspectives retrouvent leur profondeur, avec cette netteté surnaturelle qui suit la pluie. Dans son écrin, Hurlevent émerge majestueusement, voluptueuse et hautaine. Un soleil timide, entre deux nuages, vient effleurer son diadème de tours et de dômes. La ville scintille, vénéneuse et parée. Cette vision lui mord le cœur, étrangement.

    Nostalgique ?
    Un murmure perce ses défenses mentales lorsqu’elle pose le pied dans le quartier commerçant. Elle cherche une silhouette familière dans cette foule de gagnepetits, de bonimenteurs et de vendeurs à la criée qui lui cornent les oreilles. Rien. Rien non plus dans le flot de domestiques – cuisiniers, lavandières, apprentis et valets – qui se déverse dans les rues. Elle est invisible et manque de se faire bousculer par ces citoyens affairés avec la servilité du bétail. Elle relève sa capuche et s’engouffre dans une venelle. Un long corridor noirâtre, cerné de façades borgnes, de murailles lépreuses, de bicoques branlantes. Elle débouche sur le pont neuf sans même s’en apercevoir. L’eau des canaux brille, lavée de ses impuretés par les averses du matin. Là-aussi, la beauté n’est que superficielle. Le serpent guette sous la surface miroitante.

    Elle repère sans mal l’objet de son voyage. Ce sont les éclats de son rire rauque qui l’interpellent. La vieille mégère fait la causette aux badauds, poings flanqués sur ses hanches disproportionnées. C’est un frisson de haine qui lui fouette les sangs. L’adipeuse créature lui lance une œillade venimeuse.
    « Ben tiens, tombée du nid ? »
    Elle rit, d’un rire exagéré, railleur.
    « Je me languissais de vous voir.
    - C’est ça. A d’autres. Qu’est ce que tu veux ? »

    C’est une rombière à la grande gueule, mais le vernis est écaillé. Au pli du front, aux pattes d’oies qui se creusent, Aloyse décèle toute la haine dont elle fait l’objet. Pas cette haine motrice qui fait aller de l’avant sans revenir sur les écueils du passé. Bien cette haine rance, marinée, contenue, qui gangrène tous les tissus sains et voile l’esprit. Elle essaie de pavoiser pour la traiter avec mépris et garder le masque crâne de la dure à cuire. Elles ne sont pas si différentes.
    « Vous le savez bien, Dame Ferrith.
    - Voilà que tu me nommes par mon nom. Faut-il que ça soit grave ? Je sais bien ce que tu veux, et tu sais bien que tu n’auras rien.
    - J’ai fait un long voyage pour venir ici.
    - Personne ne t’a obligé, ma jolie. »
    Elle marque une pause en se fendant d’une grimace amère, suant la joie envenimée, et lâche à mi-voix : « Peut être la culpabilité ? Ou le remords ?
    - Peut être, je viens réparer une erreur. »

    Elle glousse.
    « C’est pas un peu tard ? T’es bien mignonne de venir fanfaronner et réclamer ton dû, après ce que tu as fait. Ca te mettra un peu de plomb dans la cervelle.
    - Ne me traitez pas ainsi.
    - Sinon quoi ? Je dis ce que je pense. Combien le font, dans tous les paltoquets qui t’entourent ?

    La jeune femme se compose un masque d’orgueil froissé, lèvres ourlées sur une petite moue désapprobatrice.
    « Ce n’est pas vraiment la question. Je veux Morgane, il est temps. »
    Elle rit encore, jaune, mais répond avec le plus grand sérieux.
    « Non, ça non. Autre chose ?
    - Vous n’avez aucun droit sur elle. Et sûrement pas celui de me l’enlever.
    - Pose-toi la question, ma petite chérie. Pourquoi elle est arrivée dans mes bras, ta fille ?
    - Mon erreur n’est pas définitive. Je peux me racheter.
    - Oh mais j’en crois pas mes pauvres oreilles. Et crois-bien que mon audition n’est plus ce qu’elle était. Tu veux te racheter ? C’est quoi…un jour de bonté ? Et les autres horreurs que tu as commises, tu vas t’en racheter aussi ? C’est pas gagné, ma fille ! »

    Un instant, elle faillit se laisser fléchir. La poignée de l’épée courte suspendue à la ceinture se loge dans la paume. Par dépit, par facétie, elle est tentée de larder le gras de la Mégère de profondes entailles. Elle s’en abstient, convaincue qu’agir ainsi serait une autre façon de se faire piéger dans le passé.
    « C’est ça, votre vengeance ? »
    La Mégère fronce ses épais sourcils, pas dupe une seconde de l’hésitation de son interlocutrice. Ses joues molles se teintent de grenat, d’un rouge violacé qui tourne à l’aigre.
    « Si j’avais voulu me venger, petite imbécile, j’aurais refusé de la prendre avec moi ! Je t’aurais laissé te débrouiller avec tes démons et la petite crevette. Maintenant, arrête ton numéro de mère modèle. La gamine, elle est bien là où elle est, et prie pour qu’elle oublie d’où elle vient.
    - Les enfants ont besoin de leur mère.
    - Et qu’est ce que t’en sais, toi ? »

    Pas moyen de lui soutirer quoi que ce soit, même en pliant l’échine et en ravalant sa fierté. L’inflexible matrone enfonce le clou : « Faut que tu en attendes un autre pour faire ce cirque ? » Nouvel éclat de rire. Un vendeur à la sauvette presse le pas. Aloyse tourne les talons et prend la tangente, le mépris se le partage à la colère. Derrière, Dame Ferrith beugle pour se faire entendre. « C’est ça ! Ben dis-toi bien ma fille que si ça arrivait, ne compte pas sur moi pour jouer les nourrices ! Finis le travail, cette fois ! »
    Elle devine, dans son dos, le même regard plissé de haine, le même rictus aux incisives jaunies, le même tic de la paupière. C’est sur le Port qu’elle trouve refuge, dans l’atmosphère délivrée, l’horizon marin vierge de voiles, d’un bleu de nuit strié d’écume.

    Sentimentale ?
    Doux comme le murmure des vagues contre la grève.
    Non.
    Toutes les victoires ne se gagnent pas par les armes. La vraie lâcheté, c’est de refouler ses sentiments, et de refuser la vraie puissance qu’ils offrent.


    Elle rejoint le Donjon de Hurlevent avec le couchant. Le Perchoir avec l’aube.

      La date/heure actuelle est Dim 28 Avr - 10:37