[Accepté] Svengard

Le nain sortit de la taverne un tonnelet sous la main. Particulièrement fatigué ce matin, c'était tout juste s'il n'allait pas s'effondrer au bord des canaux, mais l'affaire dont lui avait parlé l'aubergiste était bien trop importante pour laisser passer quoique ce soit. Ainsi, le mercenaire fît un effort de plus pour chercher le fameux dispensaire de la compagnie du Printemps d'Alterac.

Haut de ses un mètre vingt, vêtu légèrement comme à son habitude et portant toujours son long sabre au côté, Svengard passait pour un barbare dans le raffinement de la cité blanche. Tel un vagabond, il erra dans les étroites rues avant de sortir sur les canaux. Qu'avait donc pu lui dire ce foutu médecin ? Les souvenirs de la nuit précédente passée au Cochon Siffleur refoulaient douloureusement dans son crâne chauve. Puis il parvint à se rappeler d'une maison au bord des canaux décrite par l'étranger. Ainsi, il continua son chemin d'un pas décidé, bousculant un crieur public au passage et arriva enfin devant une maison dans le plus grand classique Hurleventois : à colombage, avec une petite terrasse ombragée. D'ailleurs sur cette terrasse siègeait une dame agêe dont les jambes était couvertes par une laine. La femme, dégustant son thé remarqua le nain qui la fixait depuis quelques temps.

Svengard l'interpella ainsi, ouspetant sous sa barbe :
-Hey madame, c'est bien ici le dispensaire ?

Le nain rit de bon coeur puis s'exprima :

-Ah ma bonne dame, ça s'ra pas la première fois qu'on m'dira ça ! C'est vrai qu'j'fais l'pauvre mercenaire en mal d'argent. Mais c'est vrai aussi qu'j'me blesse pas souvent. Non, vraiment, j'suis pas là pour mendier.

Il posa la main sur son sabre et tira la lame de son fourreau pour la brandir devant la vieille dame :

-Hé non ma chère, moi j'fais dans l'action quand j'suis pas sur le pavé. Y paraît même que vous r'crutez pour une compagnie, j'me trompe ?

La Mégère fronça ses épais sourcils à la vue de la lame dénudée.
"Doucement demi-portion. Tu pourrais blesser quelqu’un."

Après un temps de réflexion – et quelques bonnes lampées de thé -, elle s’exprima d’une voix râpeuse teintée de dédain.
"La Compagnie du Printemps d’Alterac ? Elle recrute, oui. Mais elle recrute des soldats, des gens capables d’obéir et de combattre les Réprouvés. Des talents particuliers en la matière ? Une expérience ?"

Elle se hâta d’ajouter, le ton radouci.
"Vous avez un nom ? Rangez votre jouet et entrez boire une tasse de thé...C'est pas des manières de se présenter ainsi aux Dames."

Sans attendre de réponse, elle trottina vers l’entrée et poussa la lourde porte du dispensaire de sa hanche généreuse.

Sourit vaguement sous sa barbe en se disant que celle là ne manquait pas de caractère... comme une vrai naine à vrai dire. Il rengaina sa lame et suivit la dame dans le dispensaire.
Là, il prît place sur la chaise que lui montra la mégère d'un geste autoritaire et répondit à ses questions :

-Moi j'm'appel Sven'. Svengard si vous préférez ma bonne dame. Moi j'fais plutôt dans la lame si vous voyez c'que j'veux dire. Les réprouvés, j'les taille, j'les plante...

Le nain accompagna ce discours en remuant les doigts.

-D'ailleurs ça fait plus d'quarante hiver que j'me bat dans tous les coins, j'ai fais les deux dernières guerres. Et pis j'dois avouer qu'après j'étais dans l'mercenariat jusqu'en Norfendre. Croyez moi, j'sais c'que c'est de se frotter tout une bataille aux fils de pute d'en face. Et si j'veux renvoyer chez eux ces tas d'os, c'est bien parc'qu'ils ont...

Retenant quelques instant son souffle, il finît par révéler non sans tristesse sa misère :

-J'avais d'là famille à Austrivage.

Le nain huma quelques instant le parfum de l'alcool capiteux mélangé aux arômes fruités du thé. Puis avala une gorgée et répondit :

- D'une part j'préfère vos méthodes, paraît qu'vous leur fichez la trouille à ces salauds. De l'autre, les Courtetailles, j'ai déjà eu de p'tits ennuis avec eux par le passé. Rein d'grave rassurez vous madame, mais y s'raient p'têt plus trop d'accord pour me voir chez eux tout eul'temps.

Tranquillement, il écarta le fourreau qui le gênait sur la chaise puis se réinstalla :

- Et pis toutes ces années, j'ai pas non plus chômé, je sais reforger mes armes, tailler tout plein d'bonnes choses, rénover c'que vous voulez... Bref, elles savent y faire ces mimines !

Le sourire au lèvre, le nain montra ses mains calleuses, forgées par l'âge.

Après une longue discussion, et quelques tasses de thé, la Mégère confia à Svengard une lettre à remettre à l'Etat-Major de la Compagnie, basé au Perchoir dans les Montagnes d'Alterac.

Le nain prît quelques heures pour préparer ses armes, habits et quelques rations pour la route. Puis il déboursa ses maigres économies pour embarquer à bord du premier navire en partance pour Menethil d'où il commença son périple sur les routes du Nord.